Rencontre avec Inès Taraft, membre du Parlement Jeunesse: « Les personnes au pouvoir n’écoutent pas assez les jeunes »

© Frédéric Raevens

La 25e édition du Parlement Jeunesse de la Fédération Wallonie-Bruxelles démarre ce 27 février. Il s’agit d’une simulation de cette assemblée regroupant des jeunes de 17 à 26 ans qui débattront durant une semaine de projets de décrets fictifs. A 22 ans, la Bruxelloise Inès Taraft, qui suit un cursus de droit et sciences politiques à l’ULB, y assumera la position de cheffe de groupe.

Il faut montrer aux jeunes qu’ils ont une voix en politique et qu’elle est importante. Le Parlement Jeunesse permet à une centaine d’entre eux, chaque année, de découvrir que leur avis compte et pour ma part, cette aventure a révélé en moi un réel désir de m’investir dans la vie politique. Je pense que c’est ça toute l’importance de cette expérience. L’an dernier, j’ai participé en tant que députée et j’ai beaucoup appris, ne serait-ce que sur moi. Sur ma prise de parole et l’importance de l’éloquence bien sûr.

A force de débattre et d’être à l’écoute d’avis contraires au sien, on grandit. C’est très enrichissant. C’est pour ça que j’ai rempilé pour une seconde édition. Sauf que cette année, les choses sont un peu différentes. Je ne suis plus députée, mais cheffe de groupe. Et mon rôle, au-delà de participer au débat comme les autres jeunes, sera de m’assurer que toutes les personnes faisant partie de mon groupe se sentent à leur place. Je suis également par cette place cheffe de l’opposition, ce qui va un cran plus loin en termes de prise de parole, de débat et de préparation.

Il m’a fallu combattre mon syndrome de l’imposteur. Au début, je ne me sentais pas du tout à ma place. Je me suis demandé une dizaine de fois ce que je faisais là. J’étais terriblement stressée. Peut-être était-ce parce que je ne voyais personne à mon image, qui me ressemblait, que je ne me sentais pas légitime. Je me disais que la politique n’était pas pour moi, que jamais je ne pourrais devenir députée ou même ministre, par exemple. Et puis je suis très perfectionniste. Je me dis souvent que je ne connais pas tel ou tel sujet suffisamment à fond pour pouvoir m’exprimer dessus ou pour représenter des personnes. Mais au fil des débats et de mes échanges avec d’autres jeunes, j’ai pu prendre confiance en moi et dépasser ce sentiment.

Quand on va voter pour la première fois, on est souvent à côté de la plaque. Je trouve qu’en tant que jeunes, on a très peu d’informations concrètes sur la réalité de la politique, ses mécanismes et ses rouages internes. C’est très difficile de comprendre tous les tenants et aboutissants. Pour moi, il y a un réel manquement en termes de sensibilisation chez les primo-votants. J’admire donc les jeunes qui sont déjà positionnés sur l’échiquier politique. Pour ma part, avant ma participation en tant que députée au sein du Parlement Jeunesse, je n’avais aucune connaissance sur le sujet. Il a vraiment fallu que je construise mon point de vue et que je le développe.

La culture berbère fait partie de mon histoire. Mes parents viennent d’Algérie. Ils ont dû fuir le pays à cause de leurs engagements. Leur histoire et leur héritage m’ont nourrie et construite. Il n’y a jamais eu de silence à table, on discutait toujours et je n’ai jamais été tenue éloignée des « discussions d’adultes ». Je ne participais pas toujours mais au moins je pouvais écouter ce qui se passait, ce qui se disait. Je suis d’origine kabyle, et c’est clair que cette culture berbère fait partie de mon histoire. J’essaye de cultiver cette part de mon identité à travers mes lectures, l’art et l’histoire.

Ma génération a toujours été engagée. Et selon moi, la crise écologique est évidemment un déclencheur de cet engagement. Je me rappelle par exemple très bien qu’à l’école maternelle et primaire, on nous apprenait à faire le tri correctement. On avait déjà plusieurs activités liées au réchauffement climatique, on nous conscientisait aux petites actions à mener pour le réduire. Tout ça a commencé très tôt pour nous. Et puis, il y a deux ans, on a manifesté tous les jeudis pour le climat. Ma génération a toujours été très engagée parce que l’on sait que notre avenir est menacé.

Il faut qu’on nous entende. Malheureusement, je trouve que ce n’est pas suffisamment le cas aujourd’hui. Les personnes au pouvoir ne nous écoutent pas assez. C’est pour ça que c’est primordial que des jeunes s’investissent en politique. Parce que sans cela on ne pourra pas faire évoluer la situation. Il faut qu’on ait notre place dans les sphères décisionnelles, au Parlement. Pour qu’on puisse notamment mettre en place des projets de loi qui feront bouger les lignes. C’est pour ça que des expériences comme le Parlement Jeunesse sont essentielles. Elles nous permettent de prendre conscience que c’est possible.

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