Yoga en ligne: des souris et des Om

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Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

À l’heure où les cours de yoga en ligne connaissent un succès exponentiel, l’un des acteurs principaux de cette discipline à Bruxelles, Yoga Room, par le biais de son fondateur Pierre Rousseaux, explique comment il a réinventé son activité et comment le yoga peut nous aider à aborder plus sereinement confinement et crise sanitaire.

Depuis l’ouverture d’un premier studio en 2016, Yoga Room n’a eu de cesse de se développer à Bruxelles mais également à l’international. Quels étaient les chiffres dans la capitale avant le confinement ?

Pierre Rousseaux : Au 13 mars, Yoga Room c’est 4 studios à Bruxelles, ce qui représente un peu plus de 320 cours de yoga par semaine. C’est aussi une trentaine de professeurs, une quarantaine de salariés, ainsi que 3500 membres. Chaque mois, il y a environ 24 000 visites dans nos installations.

En nombre, cela signifie que Yoga Room est le plus grand acteur de yoga à Bruxelles…

On peut en effet dire cela comme ça : personne d’autre n’offre 320 cours de yoga dans la ville.

L’esprit du yoga ne risque-t-il pas de se dissoudre dans un « business-model » comme le vôtre ?

Mon avis est qu’il en faut pour tous les goûts. Je comprends très bien que certaines personnes préfèrent pratiquer à 5 dans une salle. Ce que je constate, c’est que depuis notre ouverture, nous ne cessons de séduire des membres et nos salles sont toujours plus remplies. Cela répond donc indubitablement à une demande tout autant que cela plaît à de nombreuses personnes. Je pense également que cela convainc pour une raison précise : nous offrons du yoga de qualité dans de chouettes infrastructures avec un personnel agréable et surtout des professeurs qui ont la capacité de changer la vie des gens. Mon idéal est de mettre le plus de monde possible au yoga. Yoga Room est un vecteur parmi d’autres pour y parvenir. C’est un peu : qui nous aime nous suive.

Vous mettez la qualité de vos professeurs en avant. Qu’ont-ils de plus ?

Le dénominateur commun est le fait qu’ils ont tous une grande expérience derrière eux, entre 10 et 15 ans. C’est la raison pour laquelle nous avons des professeurs internationaux. En Belgique, le yoga est une discipline assez nouvelle, il n’est pas évident de trouver des enseignants locaux faisant valoir autant d’expérience. Nos profs ont donné cours tant aux Etats-Unis qu’en Asie, à plein de personnes différentes, cela leur donne une richesse pédagogique impossible à égaler en Europe. De plus, ils ont acquis un bagage solide en accumulant de nombreuses formations additionnelles aux quatre coins du monde.

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.© Yoga Room

Mon idéal est de mettre le plus de monde possible au yoga

La Belgique a quand même pu compter sur un pionnier comme André van Lysebeth dans les années 60…

Certainement, il s’agit d’un pionnier. Il a introduit un yoga plus traditionnel qui demande une grande maturité et une discipline de fer. C’est une pratique excellente qui transforme la vie des gens mais qui s’adresse moins au grand public. Nous avons pris le contrepied de cette approche. D’abord parce que nous essayons de rendre le yoga accessible au grand nombre. Ensuite parce que nous faisons de la spiritualité non pas un point d’entrée mais un point d’arrivée sur le chemin du yoga.

Quel a été l’impact de la crise sanitaire sur Yoga Room ?

J’ai appris la nouvelle le 12 mars à Lyon. Je ne m’attendais pas à ce que l’on se retrouve fermé quasiment du jour au lendemain. Il a fallu « geler » nos studios, c’est-à-dire retirer toutes les prises que l’on avait branché depuis 4 ans. Tout le monde a été mis au chômage temporaire pour force majeure. Sans contester la décision prise par le gouvernement, c’était assez lourd. Dans la mesure où le yoga booste le système immunitaire, car il réduit le stress dont on sait qu’il affecte en priorité le système respiratoire, notre message a été de dire à nos membres :

« Pour combattre le Covid-19, continuez à faire du yoga »

Dès lors, le meilleur service que nous pouvions rendre à notre communauté et aussi à nos professeurs, qui sont indépendants et ont besoin de rentrées financières, a été de lancer une plateforme online. Nous nous sommes d’abord mis à tourner des vidéos de façon intensive. Nous en avons réalisé 60 en une semaine que nous avons mis en libre accès, avec un système de donations. La totalité de celles-ci a servi à garantir un salaire à nos professeurs. L’objectif de cette plateforme 1.0 était double : garder notre communauté connectée à du bon yoga et sécuriser nos enseignants.

Cela n’a pas suffi…

L’opération a été un succès pour sauver le mois de mars. Naïvement, nous pensions que le confinement prendrait fin autour du 5 avril. Quand on a compris que ce ne serait pas le cas, il a fallu réagir d’autant plus efficacement que nous notions un essoufflement de la formule mise en place : la quantité de dons diminuait alors que le nombre de vues augmentait. Nous sommes donc passé à un modèle 100% payant. Les gens « louent », voire achètent en accès illimité, des cours de yoga, de 30 minutes, disponibles 7 jours sur 7 et 24h sur 24, c’est www.yogaroom.tv. Nous avons déjà 600 membres actifs. Cette réponse est satisfaisante si l’on considère l’initiative online en elle-même… en revanche, elle ne parvient pas à couvrir les coûts fixes liés à notre activité « physique ». Pour y arriver, il faudrait le double de membres.

Est-ce que 30 minutes de pratique est suffisant ?

Tout est bon à prendre quand on fait du yoga. Mieux vaut 30 minutes que rien du tout. Nous avons calibré ce format sur base de notre expérience personnelle : il nous semble qu’après une demi-heure de leçon « virtuelle », c’est-à-dire sans interaction et seul face à son ordi, on a tendance à décrocher. Mieux vaut rester sur sa faim et avoir envie de recommencer que se lasser en raison d’une session fastidieusement longue.

Notre credo est de penser qu’un monde meilleur est possible grâce à des gens qui se sentent bien.

Vous avez également mis sur pied un système de cours « live ».

En plus de la formule ultra-flexible évoquée plus haut, le « live » consiste en un cours de 60 minutes donné à une heure fixe. Une fois qu’il est terminé, on n’y a plus accès. Cette initiative répond à une demande très concrète de nos membres, celle de ressentir un sentiment de communauté. Pour beaucoup de nos membres, il est aussi question de garder le contact avec leur professeur préféré. Aujourd’hui en « live », nous sommes à 45% de la fréquentation habituelle dans les studios.

Faut-il s’équiper pour commencer le yoga à distance ?

Le bon plan, c’est de commencer avec le minimum. Un short, un t-shirt et un tapis, en veillant de préférence pour ce dernier à se débrouiller avec ce que l’on a déjà chez soi. Il faut se lancer et voir si c’est quelque chose qui fait sens pour celui qui pratique. Sur notre site, il y a toute une section pour mettre le pied à l’étrier aux débutants.

N’y a-t-il pas une contradiction entre la pratique millénaire qu’est le yoga et la démarche qui consiste à l’enseigner en ligne ?

Notre credo est de penser qu’un monde meilleur est possible grâce à des gens qui se sentent bien. Le yoga est ce levier qui permet de se sentir bien. À partir de là, notre mission c’est de rendre cette pratique accessible au plus grand nombre. La technologie est un moyen qui nous aide à atteindre ce but. C’est le cas avec l’application Yoga Room que nous avons développée, qui permet de réserver les cours depuis un smartphone, et c’est la même chose avec l’approche « online ». On ne peut pas tourner le dos à son époque. Des maîtres venus de l’Inde, tels que B. K. S. Iyengar ou Bikram Choudhury, ont dû adapter leur enseignement au mode de vie occidental afin de pouvoir diffuser leur message.

Propos recueillis au téléphone par Michel Verlinden

www.yoga-room.be

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