48h à la découverte de San Francisco, la rebelle

. © Wim Denolf
Aurélie Wehrlin Journaliste

On ne dit pas que le Golden Gate, Alcatraz ou les cable cars n’ont aucun intérêt. Mais à côté de ces évidences, des quartiers comme la Mission, Haight et Castro font découvrir le véritable visage – rebelle, artistique et multiculturel – de Frisco l’éternelle. Sans oublier ses boutiques originales et autres adresses pleines de charme.

La gentrification, ici, est l’un des thèmes chauds du moment. La ville a en effet vu partir vers des cieux moins onéreux beaucoup de ménages à deux revenus, chassés par la flambée du coût de l’immobilier. Sous l’influence d’entreprises comme Twitter ou Uber, le prix moyen d’un logement a pratiquement doublé ces cinq dernières années, pour atteindre 1,61 million de dollars. Les sans-abri, eux, sont de plus en plus nombreux. Curieusement, jusqu’ici, San Francisco n’a pas perdu grand-chose de son sens de l’accueil, de son identité et de son extrême cohésion sociale.

48h à la découverte de San Francisco, la rebelle
© Wim Denolf

Entre les Latino-Américains, les anars et même les LGBT, l’ambiance reste conviviale. Une brève promenade suffit souvent pour passer sans transition d’une communauté à l’autre. Animés et hautement symboliques, des quartiers comme ceux de la Mission, de Haight et de Castro se prêtent particulièrement bien à cet exercice. Et l’histoire mouvementée de San Francisco n’y est jamais bien loin, baignant dans l’esprit d’émancipation de la ville la plus progressiste des Etats-Unis.

Mission Dolores
Mission Dolores© Wim Denolf

JOUR 1 : 9 heures

Bienvenue dans la cité la plus caféinée des Etats-Unis, qui compte un établissement dédié au petit noir pour 2 297 habitants ! Loin de grandes chaînes comme Starbucks, ses nombreux torréfacteurs artisanaux font aussi de San Francisco l’un des pivots de la troisième vague du café. Parmi les enseignes notoires, Four Barrel possède notamment une adresse à Mission District, le plus vieux quartier de la ville. Ambiance détendue et torréfaction légère.

375, Valencia Street. fourbarrelcoffee.com

10 heures

En longeant le bâtiment immaculé qui, au n°461, abrite la boutique-phare d’Everlane – une marque locale de basiques minimalistes -, puis en tournant à droite dans la 16th Street, on atteint Creativity Explored. Un atelier d’art qui s’adresse aux personnes atteintes d’un handicap mental, et qui a notamment développé des collaborations avec Comme des Garçons et Marc Jacobs. Les jours de semaine, on y rencontre les artistes à l’oeuvre jusqu’à 14 h 30. Galerie et boutique, à l’avant, restent ouvertes un peu plus tard. Les fanas de baskets en profiteront pour faire un détour par Bait, de l’autre côté de la rue (au n°3162), afin de paresser parmi sa sélection de marques de niche plus élégantes les unes que les autres.

3245, 16th Street. creativityexplored.org

Mission Pie
Mission Pie© Wim Denolf

11 heures

Dans Dolores Street, se déploie le berceau originel de la ville, fondée à l’époque où les franciscains espagnols multipliaient les postes de mission religieux et militaires en Californie. L’église de Mission Dolores, bâtie en 1776, a survécu à tout : l’arrivée massive des migrants de la ruée vers l’or en 1848 (qui a vu la population passer de 800 à 25 000 personnes en l’espace de deux ans) ou les nombreux tremblements de terre (dont celui, ravageur, de 1906). Son cimetière est un surprenant havre de paix, avec ses tombes séculaires que l’on a pu apercevoir dans le Vertigo d’Alfred Hitchcock.

missiondolores.org

Painted ladies
Painted ladies© Wim Denolf

12 heures

Après avoir foulé les vallons de Mission Dolores Park puis rejoint Valencia Street, on reconnaît aisément le Women’s Building. Le premier centre artistique et culturel du pays entièrement dirigé par et pour des femmes, resté debout malgré, depuis 1979, un incendie criminel et même à une bombe, est un véritable symbole de force et de résistance… jusque dans son apparence extérieure. En 1993, des artistes de rue ont orné sa façade d’une fresque kaléidoscopique qui rend hommage aux icônes et divinités féminines des quatre coins du monde. Un détour s’impose aussi par Dearborn Street et son luxuriant jardin communautaire, juste en face.

3543, 18th Street. womensbuilding.org

Balmy Alley
Balmy Alley© Wim Denolf

13 heures

Souvla, succursale d’une chaîne de  » fast-fine  » locale sur Valencia Street, fait planer un vent de renouveau sur la classique rôtisserie grecque. Parmi ses mets étonnants : un plat de viande présenté sous forme de salade, ou une glace au yaourt agrémentée de sel marin et d’huile d’olive.

758, Valencia Street. souvla.com

14 h 30

A San Francisco, le street art s’émancipe depuis les années 30. Avec plus de 400 créations murales, Mission District en est indéniablement l’un des foyers. Les as du graffiti adorent s’exprimer sur les murs de Clarion Alley, en face du carrefour entre la 18th et Valencia Street. Une grande fresque mouvante où se côtoient tableaux ludiques et trouvailles graphiques, mais toujours dominée par le leitmotiv engagé de la ville :  » Capitalism is over, if you want it.  »

15 heures

Un peu de lèche-vitrines s’impose sur Valencia Street. Le kilomètre qui sépare la 19th et la 25th Street forme un quartier commerçant éclectique qui abrite notamment un Pirate Supply Store (au n°826) et une boutique d’articles branchés pour nomades nouvelle génération, Topdrawer (au n°980). On y trouve aussi des marques et créateurs locaux à la pelle, dont Betabrand (vêtements, au n°780), DSPTCH (sacs et accessoires, au n°786), Aggregate Supply (vêtements et déco, au n°806), Baggu (sacs et sacs à dos, au n°911), Tigerlily (parfums, au n°973) et Benny Gold (streetwear, au n°968).

16 h 30

Au coin de la 25th Street, on tourne à gauche et on continue jusqu’au croisement avec Mission Street, dont l’enseigne lumineuse invite les passants à goûter les tartes de Mission Pie. Une boulangerie écoresponsable où, dans la vitrine, trônent des délices aux mûres, aux noix ou aux pommes et à la rhubarbe – la spécialité maison.

2901, Mission Street. missionpie.com

17 h 30

Du côté de Balmy Alley, la révolution commence sur les portes de garage ou les clôtures de jardin. Nichée au coeur du quartier latino-américain, cette ruelle est devenue, dans les années 70, la toile préférée des Mission Muralistas. Inspirés par les oeuvres de l’artiste mexicain Diego Rivera, la politique étrangère des Etats-Unis et les mouvements d’opposition en Amérique centrale et du Sud, ils ont exprimé leurs prises de position à travers des tableaux parfois sinistres mais toujours hauts en couleurs. Soigneusement entretenus, ils arborent notamment les visages de Frida Kahlo ou d’Oscar Romero, le célèbre archevêque salvadorien assassiné.

calle24sf.org

Westerfeld House
Westerfeld House© Wim Denolf

19 h 30

Dans le quartier de la Mission, des dizaines de taquerias proposent leur propre variante du burrito mexicain, cette célèbre tortilla à base de farine de blé, pliée en deux et fourrée de viande et de haricots. Copieux, les burritos Mission-style des restos familiaux du quartier sont plutôt fourrés de riz et accompagnés d’un arsenal de salsas et autres sauces. A La Taquéria, l’une des adresses favorites des locaux, la version à la  » carne asada  » (viande de boeuf) mérite amplement sa réputation !

2889, Mission Street. facebook.com/LaTaqSF

JOUR 2 : 9 heures

Le hipster toast est devenu un véritable phénomène à San Francisco grâce à des boulangeries comme The Mill, en bordure de l’ancien quartier hippie de Haight. Un endroit sympa pour prendre le petit déjeuner dans un décor d’inspiration scandinave inondé de lumière naturelle. Au menu : café bio et toasts garnis (notamment) de fromage frais, de sirop d’érable ou de houmous de betteraves rouges.

736, Divisadero Street. themillsf.com

10 heures

Juste après Rare Device (600, Divisadero Street, excellente adresse pour les objets design locaux), on prend à gauche dans Hayes Street. En face de l’Alamo Square Park, se déploie la fameuse Postcard Row, une rangée de maisons victoriennes construites vers 1892-1896, dont les façades aux tons pastels tranchent avec les gratte-ciel de l’arrière-plan. Frisco compte encore environ 14 000 de ces  » painted ladies «  coûtant aujourd’hui plusieurs millions de dollars. Les dorures à la feuille de la Westerfeld House, de l’autre côté du parc, rappellent que les barons de l’or du XIXe siècle adoraient faire montre de leurs richesses. Installé sur le coin de Scott et Fulton Street, le bâtiment a été restauré après le passage d’une commune hippie dans les sixties, mais sa tour et ses hautes fenêtres semblent tout droit sorties d’un film… d’horreur.

Woodhouse Fish Company
Woodhouse Fish Company© Wim Denolf

11 heures

Retour sur Divisadero Street et passage par Haight Street pour continuer jusqu’à Ashbury. Dans les années 60 et 70, le carrefour était le centre névralgique du flower power… qui reste un peu son fonds de commerce. Cela dit, son excentricité est tout sauf démodée. Parmi les boutiques à dévaliser, citons notamment des temples du vintage comme Buffalo Exchange (au n°1555) ou Wasteland (au n°1660), la librairie anarchiste Bound Together (au n°1369) ou encore Loved to Death (au n°1681), le paradis des gothiques et des punks victoriens. Besoin d’un couvre-chef ? Goorin Brothers, au n°1446, déborde de choix…

Castro Theatre
Castro Theatre© Wim Denolf

12 h 30

A l’heure du déjeuner, on se dirige vers l’agréable parc boisé de Buena Vista et Duboce Avenue, avant de rejoindre Market Street (25 minutes de promenade). Au Woodhouse Fish Company, un resto ultraconvivial spécialisé en fruits de mer, les efforts sont récompensés par de savoureuses croquettes au crabe, des sandwiches au homard ou la spécialité locale, le clam chowder – une étonnante soupe au poisson et crustacés servie dans une boule de pain au levain.

2073, Market St. woodhousefish.com

14 h 30

Plus loin, Castro Street constitue le coeur battant de l’ancien quartier ouvrier et le pendant LGBT de Haight Street. La vie nocturne y est très animée. En journée, il fait bon y flâner parmi les maisons victoriennes et les pavés peints. Pour déguster une glace bio, on s’arrête chez Castro Fountain, au n°554. La laverie canine Mudpuppy’s, au n°536, mérite le coup d’oeil. Le Louie’s, au n°422, est un authentique  » barber shop  » comme on n’en fait plus. Au n°575, il faut passer saluer Harvey Milk : l’ancienne boutique d’appareils photo du premier conseiller communal ouvertement gay du pays, abattu en 1978, abrite désormais un lobby LGBT vendant des tee-shirts de créateurs réputés.

Castro Street
Castro Street© Wim Denolf

16 heures

Le petit GLBT Historical Society Museum, sur la 18th Street, a été le premier du genre aux Etats-Unis. On y découvre comment les missions coloniales et la ruée vers l’or ont généré, dans la région, un net excédent d’hommes ou comment l’armée américaine sanctionnait les soldats homosexuels de la Seconde Guerre mondiale en leur offrant un aller simple pour San Francisco. Le lieu raconte aussi le rôle de pionnier joué par la ville dans l’ouverture du mariage aux personnes de même sexe, la crise du sida et la façon dont la communauté gay s’est serré les coudes dans les années 80.

4127, 18th Street. glbthistory.org

17 h 30

Pour une vue panoramique sur San Francisco, il suffit de suivre Castro Street jusqu’au croisement avec Market Street, de tourner à gauche dans Beaver Street et d’emprunter l’un des escaliers qui mènent en haut de la colline. Après une dizaine de minutes, on atteint les rochers couleur terracotta surmontant Corona Heights. Loin de l’agitation urbaine, l’endroit régale d’un splendide coucher du soleil et d’un panorama imprenable la ville et sa baie.

20 heures

Impossible de quitter Castro sans pousser la porte de l’iconique et désormais unique Castro Theatre, un temple du cinéma datant de 1922 dont le majestueux décor est dominé par un lustre Art déco. A l’affiche : les derniers films d’art et d’essais, mais aussi des productions cultes ou des projections  » sing-along  » – les spectateurs chantent et/ou dansent – de comédies musicales. Pour le dîner, direction le bistrot Finn Town (2251, Market St) ou le vendeur de burgers slow food Super Duper (2304, Market Street). La soirée, elle, s’achève (éventuellement) au Twin Peaks Tavern (401, Castro Street), l’un des plus anciens bars de toute la ville…

429, Castro Street. castrotheatre.com

Corona Heights
Corona Heights© Wim Denolf

En pratique

Se renseigner

Un site Web plein de bons plans :

Y aller

KLM, Lufthansa et Brussels Airlines-United Airlines proposent des vols Bruxelles/San Francisco avec une seule escale. Dès 450 euros A/R.

Se loger

Becks Motor Lodge. Avec une excellente situation, proche des arrêts de tram, bus et métro, cet hôtel sobre et confortable propose des chambres de type motel récemment rénovées. Chouette terrasse pour boire un verre.

2222, Market Street. becksmotorlodge.com

Période idéale

Au printemps ou entre septembre et novembre, le climat est agréable et le risque de brouillard limité.

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