Apprendre à plonger au coeur du vieux Bangkok (en images)
Une villa chinoise vieille de 200 ans dans le coeur historique de Bangkok: drôle d’endroit pour installer une école de plongée, mais dans une ville qui démolit sans scrupule son patrimoine, l’entreprise contribue à préserver la magnifique demeure.
Appelée So Heng Tai, cette maison traditionnelle faite de bois précieux trouve son origine au XVIIIe siècle dans le commerce de nids d’oiseaux, très appréciés en Chine, et a été construite en bordure de l’immense fleuve Chao Praya qui traverse la capitale thaïlandaise.
En son centre, une cour intérieure qui accueille depuis quelques années un bassin de 4 mètres de profondeur voulu par son propriétaire, Poosak Posayachinda, un ancien plongeur professionnel.
L’activité permet de dégager des revenus pour faire face aux importantes dépenses d’entretien du bâtiment, 25.000 dollars par an, et assurer sa survie.
L’école de plongée a formé plus de 6.000 personnes depuis sa création en 2004. « Par temps de pluie, on se rend compte des nombreux trous qui laissent passer l’eau. Tôt ou tard, nous devrons refaire toute la toiture et cela représente beaucoup d’argent », explique Poosak à l’AFP.
L’école de plongée a formé plus de 6.000 personnes depuis sa création en 2004.
« Par temps de pluie, on se rend compte des nombreux trous qui laissent passer l’eau. Tôt ou tard, nous devrons refaire toute la toiture et cela représente beaucoup d’argent », explique Poosak à l’AFP.
So Heng Tai est une rare réussite dans une mégalopole qui n’a quasiment aucun intérêt pour la préservation de ses joyaux architecturaux.
Ces dernières années, la réinvention effrénée de la ville a vu s’élever des centres commerciaux rutilants et des immeubles d’habitation tape-à-l’oeil, tandis que des bâtiments comme la Scala, salle de cinéma art déco, et l’ambassade britannique datant des années 1920 ont été rasés.
« C’est parce que les gens veulent faire plus d’argent. C’est tout ce qui compte », a déclaré à l’AFP Bill Bensley, un architecte américain basé à Bangkok, d’autant plus que la loi thaïlandaise ne protège que les bâtiments de plus de 100 ans.
Selon l’historienne et archéologue Phacha Phanomvan, les coûts annuels d’entretien peuvent représenter un fardeau insurmontable pour les familles possédant des propriétés historiques.
« Nous n’avons pas de loterie du patrimoine ou de structure de financement capable d’intervenir pour sauver le patrimoine », dit-elle. Le ministère de la Culture tient pourtant un inventaire du patrimoine national, mais selon Phacha, beaucoup de lieux ne sont pas déclarés par leurs propriétaires, en raison des contraintes que cela comporte.
« Pour les propriétaires individuels sans aide de l’État… il est préférable pour eux de vendre la propriété. Vendre le bâtiment individuel et ensuite vendre le (terrain) », explique-t-elle.
Certaines propriétés, surtout celles en teck, un bois très prisé, sont démantelées, déplacées et ré-assemblées pour devenir des hôtels de charme ailleurs. Il faudrait « laisser ces propriétés là où elles sont […] plutôt que de déposséder Bangkok de son (histoire) « , a-t-elle déclaré.
Pendant 5 ans, le photographe Ben Davies a arpenté Bangkok, prenant des centaines de vues et lorsque son livre « Vanishing Bangkok » est sorti, « 30 à 40 % des lieux que j’avais photographiés soit avaient disparu, soit étaient devenus méconnaissables », a-t-il déclaré à l’AFP.
« J’ai l’horrible sentiment qu’un jour Bangkok, en dehors de ses temples et de ses palais, aura perdu tellement de son identité et de son caractère qu’elle ressemblera à n’importe quelle autre mégalopole d’Asie », a-t-il ajouté.
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D’autres pays de la région offrent à la Thaïlande des solutions possibles, notamment Singapour qui, depuis la fin des années 1980, est montré en exemple en Asie. La ville-état a systématiquement intégré la nécessité de préserver le patrimoine dans tous ses projets de développement, selon Yeo Kang Shua, spécialiste de l’histoire de l’architecture à l’Université de technologie et de design de Singapour.
Conserver au maximum l’existant, restaurer à l’identique et entretenir soigneusement les bâtiments.
Résultat, « dans les années 1980, être classé au patrimoine était considéré comme une condamnation à mort par beaucoup de propriétaires, (en raison de tous les règlements qui allaient avec, NDLR), mais aujourd’hui, en raison de la rareté de ces bâtiments à Singapour, leurs prix ont flambé », explique-t-il à l’AFP.
A Bangkok, quelques signes de changement sont visibles. Une riche famille sino-thaï a rénové récemment des entrepôts chinois délabrés datant des années 1850, les transformant en un immense espace d’expositions et d’événements culturels.
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A l’école de plongée de So Heng Tai, Poosak fait travailler ses élèves à leur rythme.
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Fidèle à ses ancêtres, arrivés en Thaïlande avec « un oreiller et un matelas », il est déterminé à sauver la maison familiale. « Si quelqu’un vient me faire une offre, la réponse est non, aussi simple que cela, quel que soit le montant de l’offre », assure-t-il.
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