Au coeur de la Rome antique, au temps des gladiateurs
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Une balade dans l’histoire, dans les pas impériaux et les pierres séculaires.
Le soleil n’est pas encore levé, le parc du Colle Opio ouvre ses portes. Au bout de l’allée principale, à demi caché par d’immenses cyprès, le Colisée. En 68 après Jésus-Christ, ils ne formaient qu’un seul et unique ensemble, la Domus Aurea, construite par Néron après le grand incendie de Rome. Aux abords de la villa, couverte d’or, s’étendaient des jardins, des terrasses et surtout, un immense lac artificiel. Les travaux durèrent quatre ans, Néron en profita… quelques mois. Après sa mort, pour effacer le souvenir de cet empereur fou, la Domus Aurea, déjà abîmée par un second incendie, fut totalement recouverte de terre (quelques vestiges ont été déterrés depuis et se visitent). Le lac, ultime caprice impérial, fut asséché. Soucieux de redorer l’image de l’empire, son successeur, Vespasien, eut l’idée de rendre cet espace au peuple romain: il y fit construire l’amphithéâtre flavien, plus connu par la suite sous le nom de Colisée. cher du Colisée dans la lumière diffuse du petit matin est une expérience rare. L’heure est au recueillement. Les militaires montent la garde, quelques lèvetôt contemplent le monument en silence. Ce n’est pas son imposante stature qui lui a valu le surnom de Colosseo, mais l’immense statue de Néron, le colosse, qui a trôné là encore de nombreuses années après la destruction de la Domus Aurea. Si le Colisée, lui, a pu être préservé, c’est grâce à un pieux mensonge: au XVIIIe siècle, Benoît XIV en fait un lieu sacré en l’honneur des chrétiens martyrisés… alors qu’aucun texte n’atteste que des chrétiens ont bien été persécutés ici.
Du Colisée, la Via dei Fori Imperiali est le plus court chemin pour rejoindre le Capitole. Mais le regard est agressé par les grands panneaux jaunes qui signalent depuis des années les travaux de la ligne C du métro. Mieux vaut contourner le Palatin, encore fermé, mais dont les briques et les pins parasols s’embrasent aux premiers rayons de soleil. L’Arc de Constantin se dresse sur le chemin. Érigé en 315 pour célébrer la victoire de Constantin sur Maxence, il est le dernier des arcs de triomphe construits à Rome. Sans doute un peu pressés, les architectes ont pratiqué ce qui se faisait beaucoup à l’époque: ils se sont servis sur des monuments plus anciens. Ainsi, Constantin dans les batailles militaires ou les scènes de chasse n’est autre qu’Hadrien, dont on a rectifié le portrait. Les emprunts du décor, statues et bas-reliefs, sont aussi un moyen d’associer Constantin aux grands empereurs romains, Trajan, Hadrien et Marc Aurèle.
LE PLUS GRAND CIRQUE DU MONDE
À cette heure matinale, le Palatin est fermé, les jardiniers sont à l’oeuvre pour discipliner la végétation qui envahit les ruines. Selon la légende, c’est ici que se trouvaient la grotte où la louve allaita Rémus et Romulus et la cabane de Faustulus, le berger qui les recueillit. Coeur de Rome sous la royauté, le Palatin devient un quartier résidentiel à l’époque de la République. Auguste et ses successeurs s’installent dans de riches villas, et, au Ier siècle, Domitien y fait construire la grandiose Domus Augustana, qui restera la résidence officielle des empereurs jusqu’à la fin de l’empire. Les empereurs peuvent alors assister aux jeux du Circus Maximus depuis la terrasse. Les vestiges du palais impérial sont encore bien visibles. Par contre, il faut beaucoup d’imagination pour se représenter le Circus Maximus, le plus grand cirque du monde, dans ce qui est aujourd’hui un vaste terrain vague recouvert d’herbes folles. Pourtant, cet immense bassin long de 640 mètres, déjà utilisé par les Étrusques, accueillait jusqu’à 150000 spectateurs à l’époque d’Auguste, et même 250000 après les agrandissements de Trajan! Les Romains raffolaient des courses de chars qui s’y déroulaient et ovationnaient les auriges, ces cochers téméraires qui risquaient leur vie, sanglés à leur char.
La colline du Capitole n’est plus très loin. Juste avant la place centrale, une terrasse offre une vue imprenable sur le Forum. Centre de la vie civile et économique à l’époque républicaine, le Forum garde une grande importance sous l’empire, puis tombe dans l’oubli, notamment après le violent tremblement de terre de 851. Les arcs de triomphe de Septime Sévère (IIe siècle) et celui de Titus (Ier siècle), bien conservés, se repèrent facilement. Pas si évident d’attribuer les colonnes encore debout aux temples de Saturne, Vespasien, Jules César ou Castor et Pollux. Mieux vaut pour cela être accompagné d’un guide (officiel!); faute de mieux, un de ces petits livres à rabats qui présentent Rome « avant/après » peut s’avérer bien utile (et un cadeau très apprécié des enfants au retour!).
PAS UN, MAIS DES FORUMS!
Le soleil est bien levé quand la place du Capitole se dévoile enfin. Comme un bond dans l’histoire: la place rectangulaire, délimitée par trois majestueux palais, a été dessinée par Michel-Ange au XVIe siècle. Seul le palais des Sénateurs, construit sur l’ancien Tabularium, laisse apparaître des fondations antiques. Un couple de mariés, qui pose devant l’escalier,rappelle qu’il abrite aujourd’hui les bureaux de la mairie. Mais pendant près de mille ans, la colline du Capitole a été le centre de la vie religieuse romaine. Au Ve siècle avant Jésus-Christ, les Tarquins y construisent le premier temple de Jupiter. Plusieurs fois brûlé et reconstruit, il devient le plus beau temple de Rome, où les guerriers triomphants viennent rendre et offrir une partie de leur butin. Il ne reste presque plus rien du temple aujourd’hui, seulement quelques vestiges intégrés au musée. Car au Capitole, l’héritage antique ne s’expose plus à ciel ouvert, mais à l’intérieur de deux musées, situés dans le palais des Conservateurs et dans le palais Neuf. Une collection unique de statues antiques, dont l’original de la statue de Marc Aurèle qui trône sur la place. Cette statue en bronze aurait pu être totalement fondue, sort généralement réservé aux oeuvres païennes au Moyen Âge. Mais on confondit Marc Aurèle avec Constantin, premier empereur converti au christianisme, et la statue fut épargnée, ouf! C’est ici également qu’est conservée la louve du Capitole, symbole de Rome. La statue de bronze a la coquetterie de ne pas révéler son âge: les spécialistes n’arrivent toujours pas à savoir si elle date de l’époque étrusque… ou du Moyen Âge! Rémus et Romulus, eux, auraient été rajoutés à la Renaissance.
« Rome, musée à ciel ouvert », l’expression prend tout son sens en redescendant sur la Via dei Fori Imperiali. La rue elle-même est un décor antique, puisque, face au Forum romain, devenu trop petit pour la taille de la ville, César fit construire un autre forum. Et au fur à mesure de la croissance de l’empire, les empereurs, Auguste, Vespasien, Nerva, Trajan suivirent son exemple. À l’époque, tous ces forums formaient un seul et même lieu. La Via dei Fori Imperali, qui les sépare aujourd’hui, a été voulue par Mussolini, en 1932.
UN SYMBOLE TOUJOURS DEBOUT
La balade touche à sa fin. Au bout de la rue, la colonne de Trajan ferme la perspective. Haute de 40 mètres, construite au début du IIe siècle, elle célèbre l’empereur Trajan et sa victoire contre les Daces. La frise qui la recouvre est un précieux témoignage des moeurs de l’époque et une superbe oeuvre d’art antique qui inspira Raphaël et de nombreux autres artistes. Au fil des siècles, alors que les forums s’écroulent, terrassés par les incendies et les tremblements de terre, la colonne Trajan résiste. Pour symboliser l’Empire romain aux yeux du promeneur: sa grandeur, son savoir-faire, sa cruauté et toute sa démesure…
Le théâtre de Marcellus, construit sous César et Auguste, au Ier siècle avant Jésus-Christ, aurait servi de modèle pour le Colisée. Ironie de l’histoire, s’il n’a pas été détruit au Moyen Âge, c’est parce que les familles Savelli et Orsini le transformèrent en forteresse, puis en palais. Non loin, la place Largo Argentina accueillait quatre temples à l’époque républicaine. Ainsi que la Curée de Pompée, où César aurait été assassiné. Aujourd’hui, la place est au coeur d’un quartier commerçant. Le site n’est pas ouvert au public, mais réservé aux chats errants de Rome! Enfin, l’un des plus beaux monuments antiques, le Panthéon. Le premier édifice construit par Agrippa brûle lors d’un incendie. Hadrien le fait rebâtir en 118 et lui ajoute la célèbre rotonde, prouesse d’architecture. Transformé en église dès le VIIe siècle, il a été préservé pour arriver quasi intact jusqu’à nous, vingt siècles plus tard…
Billet Colisée-Forum romain-Palatin: 12 € (gratuit pour les moins de 18 ans).
Informations : archeoroma.beniculturali.it
Réservation : www.coopculture.it
Musées capitolins
15 € (gratuits pour les moins de 6 ans).
www.museicapitolini.org
Visites guidées
Elles sont plus que conseillées pour faire parler les vieilles pierres. Deux associations sérieuses proposent des formules « groupe » ou « famille » à des prix très raisonnables. Informations et renseignements: www.visiterome.com – www.inventerrome.com
TEXTE : BÉNÉDICTE BAZAILLE – PHOTOS : DOMINIQUE CHAUVET
Extrait du Hors Série Weekend Spécial Rome
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