
Au Mexique, les « hommes-oiseaux » font planer l’esprit des ancêtres
A trente mètres de hauteur, au sommet d’un immense tronc, des « hommes-oiseaux » défient le vide lors d’un rituel mystique: l’ethnie totonaque cherche à moderniser cette tradition vieille de plus de 2500 ans, notamment en souscrivant des assurances-vie, pour susciter des vocations.
Cinq jeunes « voladores de Papantla », vêtus d’un pantalon rouge et coiffés d’un chapeau traditionnel, ou parfois de plumes, grimpent au sommet d’un tronc coupé sur lequel ils dansent à tour de rôle, au son de la flûte et du tambour. Puis quatre d’entre eux se jettent dans le vide, suspendus par un pied, et tournoient jusqu’au sol.
Les quatre « hommes-oiseaux » symbolisent les quatre points cardinaux et le périlleux rituel vise à stimuler la fertilité de la terre.
« La danse est une offrande inventée par le peuple totonaque pour faire cesser une terrible sécheresse », raconte Cruz Ramirez, 58 ans, un ancien « volador ». « Cette mission a été confiée à cinq jeunes hommes chastes, qui sont montés sur le plus grand arbre et se sont lancés dans le vide, comme des oiseaux. »
Pour perpétrer la tradition, une école a été créée dans l’Etat de Veracruz (est) pour former les nouvelles générations, et les conditions de travail des « hommes-oiseaux » ont été améliorée pour rendre plus attractive cette activité à haut risque.
« Les jeunes viennent à notre école pour valoriser ce rituel, comme quelque chose d’essentiel dans la vie, pour intégrer le spirituel, le mental et l’émotionnel », explique Francisco Hernandez, 51 ans, un autre formateur.
– Assurance-vie et tournées –
Le rituel se prolonge et a même été inscrit au patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco en 2009.
La tradition connaît son point d’orgue chaque année au moment de l’équinoxe de printemps lors d’un rassemblement annuel à Tajin, à l’est du Mexique.
Mais les « voladores de Papantla » parcourent désormais le monde et se sont déjà produits en France, en Angleterre, en Italie, en Suisse et aux Emirats arabes unis.
Ils participent également à différentes fêtes traditionnelles dans différents Etats du pays ainsi qu’à Mexico, aux abords du musée national d’anthropologie, haut-lieu touristique de la capitale.
Pour susciter plus de vocations, les « hommes-oiseaux » ont toutefois dû faire du lobbying pour améliorer leurs conditions de travail.
« Il y a dix ans, nous n’avions pas d’assurance-vie, pas de couverture médicale, nous n’avions rien », poursuit Ramirez.
En 2009, le gouvernement local leur a finalement accordé une assurance-vie et une couverture sociale en cas d’accident lorsqu’ils voyagent à travers le Mexique ou à l’étranger.
Dans la pratique, les accidents sont très rares grâce à la formation reçue, expliquent les professeurs.
– Don d' »homme-oiseau » –
Eugenio San Martin, 14 ans, est l’un des élèves de cette école. Ce jeune homme timide a hérité de cette tradition pratiquée par son père et ses grands-pères.
Ils l’ont inspiré pour devenir « caporal », le danseur qui joue de la flûte et du tambour en équilibre précaire au sommet du tronc.
« J’ai commencé quand j’avais sept ans parce que j’aimais ça », confie Eugenio à l’AFP.
« La première fois que je suis monté sur le tronc, j’avais très peur, mais un professeur est venu avec moi », dit-il.
L’école rassemble une centaine d’enfants, âgés de 8 à 10 ans. Mais seulement une vingtaine d’entre eux atteindront le niveau nécessaire pour devenir professionnels.
« Tout le monde n’a pas ce don », commente Hernandez. « Quand l’enfant à cette force, tu peux le voir dans ses yeux », assure-t-il.
Selon les professeurs, l’apprentissage de la cérémonie rituelle prend au moins 10 ans.
En réalité, « tu n’arrêtes jamais vraiment d’apprendre », explique Hernandez.
« L’enfant décide à quel moment il est prêt à grimper en haut du tronc, mais une fois là-haut, il doit +voler+ ».
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici