Marjorie, jardinière aux Serres de Laeken: « Je prends soin des plantes et d’un patrimoine »

travail serres laeken
© Damon De Backer
Anne-Françoise Moyson

Depuis dix ans, Marjorie Cordivani, 34 ans, œuvre au sein de ce patrimoine unique qui appartient à la Donation Royale, totalement et financièrement indépendante, dans cette ville de verre dessinée par l’architecte Alphonse Balat à la fin du XIXe siècle pour servir d’écrin à une collection de milliers d’arbres, d’arbustes, de fleurs et de plantes. Dans la Serre Palmiers, humblement, la jeune femme trône, durablement impressionnée par tant de beauté.

«Un jour, la cousine de maman a visité les Serres de Laeken et elle est tombée sur une annonce pour un poste de jardinier. J’étais diplômée en horticulture depuis un an, j’avais travaillé dans une boucherie, puis décroché un job chez un horticulteur, j’y faisais du rempotage intensif de chrysanthèmes – depuis, je ne les aime plus du tout! J’ai donc envoyé mon C.V., j’ai passé l’entretien; je me rappellerai toujours qu’on m’a demandé si je savais tirer des tuyaux, histoire de voir si j’avais assez de force! J’étais la première fille dans l’équipe…»

© Damon De Backer

«J’ai commencé le 18 juin 2014. Le chef des Serres, Johan Lauwers, m’a emmenée faire le tour du domaine. Il faisait beau et chaud, tout me plaisait. J’étais éblouie par l’étendue de la galerie des géraniums et celle des fuchsias, par le parfum des Hydrangea et par la hauteur de la serre qu’on appelle l’Eglise de Fer. Tout me semblait tellement grand, je me demandais si j’allais un jour savoir retrouver mon chemin…

Quand on est arrivés à la Serre Palmiers, 604 mètres carrés de superficie, 1.308 mètres carrés de verre et plus de 40 plantes différentes, il m’a dit: «C’est ici, ton service.» Je n’avais jamais vu autant de palmiers de ma vie, c’était impressionnant. «Et tu oublies tout ce que tu as appris à l’école», m’a-t-il alors conseillé. Mais de toute façon, je ne connaissais rien aux Washingtonia Robusta, aux Cibotium regale, aux Polypodium ni aux Dicksonia antartica!»

« Dans les Serres de Laeken, il faut que tout soit parfait. »

«Cela fait désormais dix ans que je travaille ici. Nous bossons toute l’année pour être prêts pour l’ouverture au public au printemps, c’est un challenge, cela nous stresse, c’est un défi à chaque fois et c’est sans fin. Le régisseur du domaine de Laeken pour la Donation Royale, Jean-Yves André, dit toujours que c’est un travail de bénédictin. Ma marraine est enfin venue cette année pour la première fois, elle a trouvé que c’était magnifique. Quand je lui ai expliqué qu’on bouture les sélaginelles une à une, elle a été impressionnée, on ne s’imagine pas tout le travail qu’il y a derrière. A la fin de la journée, je suis évidemment courbaturée, j’ai des crevasses, les mains abîmées et si je porte du vernis noir, c’est pour qu’on ne voie pas que j’ai mis mes doigts dans la terre! Je viens de Cuesmes dans le Hainaut, tous les matins, par le train de 6h04. Si je n’aimais pas mon job, je ne viendrais pas jusqu’ici. Et j’espère y rester jusqu’à la fin de ma carrière, si mon corps le permet.»

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Marjorie. Koninklijke Serres van Laken. Oktober 2024.

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Marjorie. Koninklijke Serres van Laken. Oktober 2024.

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Marjorie. Koninklijke Serres van Laken. Oktober 2024.

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Marjorie. Koninklijke Serres van Laken. Oktober 2024.

«Ai-je le sentiment d’être une princesse en œuvrant ici? Non, mais je savoure et je sais que c’est un plus. C’est drôle, mais ce sont surtout mes tantes et mes oncles, très fiers, qui racontent à tout le monde que je travaille chez le Roi et la Reine. Je vais parfois au Château, quand nous sommes invités pour les vœux du Nouvel An. Un week-end, j’ai même été au Belvédère chez Albert et Paola, pour arroser leur terrasse, je ne me sentais pas tout à fait à ma place, c’est intimidant, on est dans leur intimité. Je me répétais sans cesse: «Ne fais pas de mouvement brusque, Marjo, ne casse rien.»»

«J’ai vu mourir des arbres mais le pire, c’est de devoir couper un palmier quand ses feuilles atteignent les vitres de serres. Quel gâchis! Le but de la mission qui nous a été confiée, et qu’on s’applique à remplir chaque jour, c’est de préserver et transmettre ce patrimoine aux générations futures. Je prends soin des plantes et d’un patrimoine. Il faut que tout soit parfait. Et quand les gens visitent les serres, ils ne peuvent s’en empêcher, je les entends dire «waouh!»»

ksdr.be

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