Nos favoris de l’été: Il était une fois la cabine de plage…
Sagement alignées le long de nos digues, les cabines de plage se sont mises à picorer le décor du littoral vers le début du XIXe siècle. Même que jadis… elles bougeaient !
Un bref voyage de l’autre côté de la Manche s’impose. Nous sommes vers le milieu du XVIIIe siècle lorsque le Docteur Russel se met à vanter les incroyables bienfaits des bains de mer auprès de sa clientèle fortunée. L’homme habite à Brighton, qui va très vite se transformer en destination branchée pour la famille royale et la bourgeoisie londonienne. Séduite par les vertus des bains, cette même bourgeoisie traverse bientôt les flots pour arriver dans le Nord de la France. Où, là aussi, les premières « stations balnéaires » sont en train de conquérir les cœurs. Mais attention : à l’époque, les Anglais refusent de dévoiler leurs corps au milieu des badauds qui profitent du sable doux. Surtout que, par moments, une vision d’horreur les assaille : certains Français s’autorisent à faire trempette en tenue d’Adam et Eve… So chocking !
Les roues de la fortune
Pour faire trempette, les gens de bonne éducation préfèrent la discrétion. Ils optent donc pour des cabines de plage sur roulettes et s’adonner à un petit rituel parfaitement huilé. La scène se déroule comme suit. Arrivée sur la plage, Madame prend place dans sa cabine, accompagnée de sa servante qui l’aide à se vêtir de son coquet costume de bain. Pendant ce temps, la cabane est tractée jusqu’au bord de l’eau par un cheval et un cochet qui, une fois arrivés à destination, font tourner l’équipage afin que Madame ait une jolie vue sur la mer. Dès qu’elle le souhaite, Madame peut ainsi plonger ses orteils dans l’eau et profiter sereinement des vagues, loin des regards indiscrets. Parfois, Monsieur rémunère même un pêcheur du coin afin qu’il aide Madame à prendre son bain en toute sécurité – on ne sait jamais que la mer décide soudainement de s’agiter…
Quand le bain est fini ? Madame remonte dans sa maisonnette roulante et manipule une petite manivelle faisant apparaître un drapeau sur le toit de la cabine, pour prévenir le cochet qu’il peut revenir la redéposer sur le sol sec. Une scène que les vacanciers de Boulogne-sur-Mer seront parmi les premiers à observer lors de l’été 1824, où apparaissent les premiers engins de ce type. Quarante plus tard, environ 150 cabines de plage garnissent les plages françaises. Il faut dire qu’avec le développement du chemin de fer, à cette époque-là, les gens rejoignent de plus en plus facilement les villes et villages du bord de mer. Du pain bénit pour les communes qui, au passage, prélèvent une petite redevance sur chaque cabine de plage qui pointe le bout de son toit…
Une longue liste d’attente
Il faudra attendre quelques décennies avant que les cabines ne connaissent une véritable évolution. Deux faits vont changer les choses. D’abord l’augmentation du nombre de maisonnettes, puisque celles-ci vont se mettre à obstruer littéralement le paysage. Ensuite l’évolution des mœurs : la plage finit par s’imposer comme un lieu de liberté où les corps s’abandonnent au même soleil et aux mêmes vagues, peu importe l’origine sociale. Conséquence : on retire les roues des cabines et on se met à les aligner les unes à côté des autres le long de la digue.
Beaucoup d’entre elles sont achetées par des particuliers qui, encore aujourd’hui, se les transmettent de génération en génération. Aussi, que ce soit en France ou en Belgique, difficile de dégotter l’un de ces abris en bois permettant d’entreposer raquettes de plage, transats, paravents ou planches de surf. Allez donc admirer les célèbres cabanons de Deauville, qui portent chacun les noms de stars américaines comme Tom Cruise, Kristen Stewart ou Robert Redford. Sachez que, là-bas, l’expression « liste d’attente » n’a rien d’un vain mot : il est possible d’attendre jusqu’à une quinzaine d’années avant de pouvoir s’acheter l’une des 450 cabines de plage Art Déco qui garnissent l’orée de la plage.
Tout un art !
Ne pas en posséder n’empêche pas d’en louer… ou d’admirer ces petits lieux magiques au charme désuet qui « font partie du paysage », comme on dit. Surtout que, parfois, elles font l’objet d’une attention pour le moins insolite, à l’instar des cabanons de Saint-Idesbald qui, depuis maintenant quinze ans, se muent en œuvres d’art le temps du festival Cabin Art. Durant chaque été, les dos des cottages sont recouverts de dessins qui varient selon la thématique de chaque édition. En 2022, c’est un hommage à Paul Delvaux qui attirait tous les regards. Cette année, le thème de cette exposition à ciel ouvert est « la vie dans les dunes », qui a pour ambition de rendre hommage à une époque où les familles de Coxyde vivaient de la pêche, de l’élevage ou de l’agriculture côtière, au cœur d’un XIXe siècle où les cabines de plage… entamaient à peine leur longue vie. Belle façon de tourner les p(l)ages de l’Histoire…
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