Les bonnes adresses du collectionneur belge Hubert Bonnet sur la Côte d’Azur
Collectionneur avisé d’art contemporain, propriétaire de la Fondation CAB à Bruxelles, et de son extension à Saint-Paul-de-Vence, en Provence, Hubert Bonnet a noué depuis l’enfance un lien étroit avec la Côte d’Azur. Il nous livre ses adresses préférées. Ensoleillées, forcément.
C’est l’histoire d’une amitié de quarante ans. On est au mitan des années 70, et même un peu après. Comme pour tant d’autres Belges, la destination estivale d’Hubert Bonnet, né en 1969, s’appelle la Côte d’Azur. Le Midi, comme on disait. La famille partait en voiture depuis Bruxelles. Toute une aventure. «Il faut se souvenir qu’à l’époque, il n’y avait pas d’autoroute jusque Dijon. On faisait le trajet en plusieurs étapes avec des haltes gastronomiques et culturelles.» Il garde de ce rituel une image du bonheur. Même s’il fallait prendre son mal en patience. Le Sud ne semblait jamais vouloir se montrer jusqu’à ce que la sculpture de Vasarely – le grand «V» en trompe-l’œil posté à la hauteur d’Aix, le long de l’A8 – fasse son apparition. Le paysage commence alors à ressembler à un tableau de Cézanne.
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© Antoine Lippens
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© Antoine Lippens
«Pour moi, la Côte d’Azur est synonyme d’enchantement», confie l’homme d’affaires qui est à la tête depuis 2012 du CAB, la Fondation d’Art, à Bruxelles. L’an passé, il a ouvert une antenne homonyme à Saint-Paul-de-Vence. L’adresse n’est pas qu’un réjouissant centre d’art dédié à l’art minimal et conceptuel qu’admire le collectionneur, elle est aussi un lieu d’une élégance rare où l’on peut séjourner en toute quiétude. Une parfaite entrée en matière pour prendre la route et parler des lieux que le Belge affectionne particulièrement.
Le CAB
«Au départ, je ne cherchais pas à implanter ma fondation spécialement dans la région ni en France, l’endroit est venu à moi.» Le destin fait parfois bien les choses. L’architecture mi-moderniste, mi-provençale du CAB, situé à Saint-Paul-de-Vence, en contrebas de la Fondation Maeght, est étonnante. Le lieu abrite une partie de la collection majeure du propriétaire (Donald Judd, Carl Andre, Richard Long, Robert Mangold…) et dévoile le travail d’artistes invités (la Belge Ann Veronica Janssens jusqu’à ce 11 septembre). On peut prolonger le plaisir immersif en déjeunant au bar restaurant de poche du CAB, le SOL (comme l’artiste Sol LeWitt), voire dormir dans l’une des quatre chambres superbement aménagées par le décorateur Charles Zana. Le CAB offre aussi l’opportunité unique de poser ses valises dans un pavillon de 6X6 m, construit en 1944 par l’architecte autodidacte Jean Prouvé (1901-1984) et délicatement posé dans la verdure.
5766, chemin des Trious, à Saint-Paul-de-Vence. Ouvert tous les jours de 10 à 18 heures. Tarif: 12 euros. Chambres dès 200 euros la nuit.
Le Café de la Place
En dépit de son statut hautement touristique, Saint-Paul-de-Vence n’a pas été vidé de ses habitants. Le Café de la Place, qui longe les remparts et son terrain de boules, fait partie de ces institutions encore fréquentées par les autochtones. A l’ombre des platanes, les locaux viennent y lire Nice-Matin devant un petit serré. Le changement, ce n’est pas pour maintenant: banquettes en Skaï marron, rideaux en dentelle et radiateur en fonte plongent le client dans un autre espace-temps. Sur la terrasse, on ne vient plus pour voir Yves Montand lancer le cochonnet mais, à la fraîche, la magie opère encore.
Place du Général de Gaulle, à Saint-Paul-de-Vence. Ouvert tous les jours dès 7 heures.
Le col de Vence
Sur la départementale de Coursegoules qui mène au Col de Vence, on peut apercevoir plusieurs fois par semaine, à l’aube, la silhouette d’Hubert Bonnet sur son Trek, un vélo de compétition en carbone et alu. Il n’est pas le seul. Les amateurs de la petite reine connaissent bien cette escapade sportive qui culmine à 963 mètres d’altitude. Là-haut, on vide sa gourde, on reprend son souffle et on admire la beauté âpre et caillouteuse de la garrigue. Si l’on n’aime guère la sensation du vent dans les mollets, il est recommandé de garer son véhicule à mi-chemin pour emprunter le circuit pédestre des Blaquières. Deux heures de marche et de plénitude garanties.
Le parc à sculptures d’Arik Levy
Le designer et sculpteur israélien Arik Levy a délaissé Paris pour s’installer avec sa compagne, la plasticienne Zoé Ouvrier, près de Saint-Paul-de-Vence. La sublime bastide qu’ils occupent au milieu d’une végétation hirsute appartenait à une danseuse étoile. L’ancienne salle de répétition est devenue un atelier de création encombré de croquis et de selles en bois où reposent les œuvres en chantier. Une fois achevés, les totems prismatiques très reconnaissables de l’artiste trouvent leur place dans la nature environnante. Un havre privé d’1,2 hectare parsemé d’orangers, de jasmins, de cyprès mais aussi de ruches et de potagers que l’on découvre au détour d’étroits sentiers accidentés. Le genre d’endroit qu’on ne voudrait pas quitter.
Visitable sur rendez-vous uniquement. ariklevy.fr
Le restaurant d’Alain Llorca
«De plus en plus, ma région est mon ancrage», revendique avec fierté Alain Llorca. Le chef quinquagénaire a grandi à Cannes, travaillé à Monaco et le restaurant qui porte son nom à La Colle-sur-Loup est l’une des sensations – étoilées – de la Côte d’Azur. Ancien collaborateur d’Alain Ducasse qui lui a appris, dit-il, à délaisser la technique pour l’épure (mais une épure généreuse), le chef à l’accent chantant défend une cuisine méditerranéenne centrée sur le produit. Dans les cuisines de son hôtel-restaurant panoramique qui dialogue d’égal à égal avec le village de Saint-Paul, thym, romarin, anchoïade et anis étoilé occupent une place centrale sur le piano. La mostelle de roche piquée aux olives impose le respect.
350, route de Saint-Paul, à La Colle-sur-Loup. Menus de 90 à 195 euros. Ouvert tous les jours. alainllorca.com
L’espace d’Art concret
Emanation de l’art abstrait, l’art concret se nourrit de la pensée mathématique au moment où il apparaît, au tournant des années 1930. «Rien n’est plus concret, plus réel qu’une ligne, qu’une couleur, qu’une surface», clame dans son manifeste le peintre Theo van Doesburg (1883-1931). Largement méconnu, le mouvement a pourtant un musée de premier plan déployé dans l’ancien château de Mouans et dans un bâtiment voisin aux formes cubistes. Enrichi par la donation Albers-Honegger, le fonds accueille également le travail d’artistes contemporains. «Ici, il faut prendre le temps de rêver, d’interpréter», conseille Hubert Bonnet.
Château de Mouans, à Mouans-Sartoux. Ouvert du mercredi au dimanche. Tarif: 9 euros. espacedelartconcret.fr
La maison Bernard
Le fondateur du CAB ne cache pas son admiration pour l’«habitologue» Antti Lovag (1920-2014). Des trois constructions organiques que l’architecte hongrois a menées à bien dans la région à partir des années 60, seule la Maison Bernard sur la commune de Théoule est accessible au public. Ce chef-d’œuvre pop qui bannit tout angle droit aurait inspiré la maison des Barbapapa. Unique en son genre, le cocon ondulant s’apparente à une suite de pièces encapsulées, lovées sous des dômes en béton couleur terracota. Extravagant et savant. Lire aussi Notre roadtrip en Europe pour les amateurs d’architecture.
Port-la-Galère, à Théoule-sur-Mer.Tarif: 20 euros. Visite le mardi sur rendez-vous. fonds-maisonbernard.com
Le chemin des Douaniers
Cachées sous la pinède, les grandes fortunes de la planète. Saint-Jean-Cap-Ferrat, accroché aux flancs de la Grande Bleue, n’est pourtant pas (totalement) coupé de la réalité. La petite plage de Passable est l’un des ces spots plus que charmants dont on peut profiter sans être milliardaire, et sans être éborgné par le parasol du voisin, à condition, en juillet et août, de venir de bonne heure. Mais la destination vaut aussi par l’extatique chemin des Douaniers qui, juste après Passable, en partant du chemin du Lido, serpente le long de la Côte pendant deux kilomètres jusqu’au phare. On comprend pourquoi, en 1971, Keith Richards, poursuivi par le fisc britannique, avait fait de ce coin de paradis sa terre d’exil…
La Villa E-1027
La Villa E-1027, datée de 1929, est un«navire blanc mis en cale sèche à flanc de colline», selon les mots d’Eileen Gray (1878-1976), sa géniale conceptrice (voir notre portrait Dans les pas d’Eileen Gray). Coincée entre la mer et une voie de chemin de fer, elle a été superbement restaurée il y a quelques années. «C’est une architecture en totale rupture avec l’époque qui témoigne d’une grande ouverture d’esprit, également en ce qui concerne l’aménagement intérieur», éclaire l’architecte Claudia Devaux qui a encadré la réhabilitation de l’édifice. «Ce qui distingue ce projet du Mouvement moderne, c’est la présence très forte du mobilier que Gray a conçu. Elle venait de cet univers-là et cela se ressent dans sa volonté de proposer une architecture à échelle humaine où tout est fait pour l’Homme.» Immanquable.
Sentier Massolin, à Roquebrune-Cap-Martin. Tarif: 18 euros. Visite guidée de 2 heures, tous les jours. Réservations: capmoderne.com
Le Coya
Quoi de plus antinomique, a priori, que la Société des Bains de Mers qui règne en maître sur Monaco et le poncho péruvien? Ce mariage improbable de la flûte andine et de la Principauté est pourtant le petit miracle accompli par Sanjay Dwivedi, un chef indo- britannique qui hisse très haut les saveurs sud-américaines à Londres, Doha, Dubai… et sur le Rocher. Sous la direction de Victoria Vallenilla, le Coya Monaco respecte à la lettre la charte maison, avec ses pas de côté gustatifs en direction de l’Asie (Bar du Chili miso, poitrine de porc aux noix de cajou). Ici, l’aji, l’épice péruvienne aux saveurs fruitées, a trouvé sa terre d’élection.
26, avenue Princesse Grace, à Monaco. Environ 90 euros par couvert. Ouvert du mercredi au dimanche, en soirée uniquement. coyarestaurant.com
La Venet Foundation
S’il ambitionne de se lancer dans les NFT, Bernar Venet, 81 ans, ne délaisse pas pour autant la matérialité de l’acier Corten qui, depuis plus de cinquante ans, porte sa signature. Ses monumentaux rubans d’acier sont visibles partout dans le monde, y compris en Belgique, et, plus que partout ailleurs, au sein de la Venet Foundation qu’il a créée au Muy, dans le Var. Sur des pelouses entretenues avec le soin que l’on apporte à un terrain de golf, triomphent les gigantesques arcs couleur rouille de l’artiste minimaliste. Généreux, Venet a aussi commandé in situ des installations à Frank Stella, Larry Bell ou James Turrell, prince de la couleur, qui nous invite à regarder le bleu ciel par le biais d’une expérience résolument méditative.
150, chemin du Moulin des Serres, à Le Muy. Ouvert sur rendez-vous les jeudis et vendredis, jusqu’au 30 septembre. Tarif: 15 euros. Réservations: info@venetfoundation.org
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