Chant du coq, meuglement des vaches, coassement des grenouilles… Un maire veut classer les bruits de la campagne française au patrimoine national

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Le maire d’une localité du sud-ouest de la France lance un cocorico d’alerte: dépité de voir des villageois de sa commune traînés en justice par d’autres habitants originaires de la bourgade ne supportant pas le braiment des ânes, le meuglement des vaches ou le chant du coq… il veut faire classer les bruits de la campagne au « patrimoine national » français.

Bruno Dionis du Séjour, maire de Gajac, 400 habitants, a eu vent des mésaventures judiciaires du coq Maurice dans l’île touristique d’Oléron, réputée pour ses dunes, ses forêts de pin et ses jolis ports de pêche, au large de la côte ouest française.

Le coq Maurice vit chez sa propriétaire Corinne Fesseau, dans la commune de Saint-Pierre d’Oléron. Mais ses « cocoricos » dès l’aube agacent les propriétaires d’une résidence secondaire voisine.

Le contentieux doit être examiné en justice jeudi à Rochefort (sud-ouest), en l’absence du gallinacé, « fatigué » et « traumatisé » selon sa propriétaire. « Ce sont les seuls voisins que ça gène », assure à l’AFP l’avocat de Mme Fesseau, Julien Papineau, « ce sont juste des gens qui ne supportent pas grand chose ».

Le maire de Saint-Pierre d’Oléron, Christophe Sueur, a voulu donner un coup de pouce à Mme Fesseau en prenant un arrêté pour préserver « les modes de vie liés à la campagne notamment pour ce qui concerne la présence des animaux de la ferme ». L’arrêté s’appuie sur le caractère à « dominante rurale » de l’île d’Oléron.

« Aujourd’hui c’est un coq, demain ce sera quoi? », s’interroge M. Sueur, « les mouettes, le bruit du vent, notre accent!? ».

De son côté, le maire de Gajac a envoyé à Corinne Fesseau la lettre ouverte qu’il a publiée à l’occasion du « grand débat national », organisé par le gouvernement français pour tenter de remédier à la crise sociale des « gilets jaunes ». Il y défend les bruits de la campagne que, selon lui, certains Français, « d’origine urbaine pour la plupart », « découvrent comme le sot découvre que les oeufs ne se cueillent pas sur les arbres ».

« La ruralité, c’est 365 jours sur 365 »

Son but? Que le coq chante, la cloche de l’église résonne, le chien aboie et l’oiseau pépie en toute liberté, « sans qu’aucun procès ne puisse à compter de ce jour leur être intenté ».

« Dès que vous attaquez les cloches, vous attaquez tout un village », tranche le maire. Selon lui, « c’est une humiliation pour le campagnard de passer en justice à cause de quelqu’un qui vient de l’extérieur. Moi quand je vais en ville, je ne demande pas qu’on enlève les feux rouges et les voitures… ».

« J’ai été éleveur pendant 40 ans et je supporte mal qu’il y ait des procès contre les agriculteurs, qui entretiennent l’espace paysager français », dit le septuagénaire. « Je ne vois pas l’intérêt de leur reprocher que leurs vaches meuglent trop ».

« Et les grenouilles, pourquoi coassent-elles? Pour se reproduire! Tout le monde est pour la biodiversité et les animaux n’auraient pas le droit de se reproduire tranquillement… ». En 2016 pourtant, un couple de Périgourdins s’était vu condamné à combler sa mare après avoir été assigné en justice par des voisins.

L’initiative de M. Dionis du Séjour, reprise par nombre de médias français, a vite fait grand bruit. En quatre jours, plus de 150 courriels de soutien sont parvenus à sa commune, depuis toute la France. Même si le maire ne sait pas exactement comment un tel « patrimoine national » pourrait être constitué légalement.

Pierre Morel-à-L’Huissier, député d’un des départements les plus ruraux de France, la Lozère (sud), va creuser le sujet. « Je regarde ce qu’on peut demander au ministère de la Culture en la matière et, si les procédures législatives ou réglementaires en vigueur ne sont pas suffisantes, je proposerai une extension juridique » en ce sens, dit-il. Pour lui, ces bruits sont « un cadencement de la vie ».

« La ruralité, c’est 365 jours sur 365, des gens y vivent et essaient de gagner leur vie », dit le député à l’AFP. « Ce qui est insupportable, c’est que des personnes qui n’en sont pas originaires veulent imposer leur conception au détriment de la vie rurale ».

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