Citytrip à Ljubljana, 
une merveille en éveil

Ljubljana
Le triple pont de Tromostovje, emblème de la capitale slovène de Ljubljana © Getty Images/iStockphoto

La capitale slovène de Ljubljana, en passe de devenir l’une des villes les plus branchées d’Europe, séduit les amateurs d’art et de culture. Petite promenade parmi ses ruelles, ses parcs, 
ses musées contemporains et ses bijoux architecturaux.

Devant nous, deux femmes habillées de tenues blanches s’affrontent dans un décor clair-obscur. La première a les cheveux rougis au henné, son corps transpirant est noirci de tatouages. La deuxième a le crâne partiellement rasé, une queue-de-cheval et un air féroce à vous faire détourner le regard. Un arbitre guide le combat, un sceptre d’or à la main, et tient le décompte des points. Dans le public, la frénésie monte d’un cran à chaque coup de poing, prise de karaté ou étranglement. Certains montent sur leur siège, applaudissent, sifflent, crient, huent. Pourvu que le sort leur soit favorable.

Non, nous ne sommes pas au cœur d’une arène de combat en cage, mais bien à Ljubljana, dans une salle de théâtre pleine de charme. C’est dans le Stara Mestna Elektrarna, une centrale électrique reconvertie, que la compagnie transdisciplinaire Ex-Teater présente – à guichets fermés – son spectacle Showtime. La foule est composée, non pas de hooligans enragés, mais d’honnêtes citoyens en tenues chics qui, au fur et à mesure du show, sombrent dans la frénésie. Après les applaudissements, ils se retrouvent dans le vaste foyer en briques rouges pour partager un verre de vin et s’étonner eux-mêmes face à l’intensité de la transe qui vient de les quitter.

© Sander Groen

Ljubljana est l’une des capitales les plus petites, les plus vertes, les plus agréables et les moins chères d’Europe. Le gracieux Pont des Dragons mène ses hôtes – au détour de quelques rues et chemins de terre – du château médiéval à la cathédrale baroque Saint-Nicolas. Ce court itinéraire donne le ton: la ville concentre un grand nombre de curiosités architecturales, tandis que son caractère un brin rebelle et sa population étonnamment jeune en font l’une des villes les plus branchées d’Europe. Avis aux amateurs, on trouve ici un tas de cafés artistiques, de 
restaurants, d’hôtels, de galeries et de musées…

Des ponts entre les joyaux

Un cortège hétéroclite de souverains, de guerres, d’iconoclastes, d’incendies et de catastrophes naturelles ont marqué l’histoire de la ville successivement connue sous le nom d’Emona, de Laibach puis de Ljubljana. Le merveilleux mélange de bâtiments, parfois classiques, tantôt Renaissance, baroques ou Art nouveau, témoignent de ce passé agité.

En 1895, à la suite d’un tremblement de terre dévastateur, un architecte reçoit pour mission de remodeler la cité. Son nom: Joze Plecnik, qui conçoit la bibliothèque nationale, un théâtre de plein air, des églises, des écoles, des bureaux, des cimetières et des places. Il recrée également les rives de la Ljubljanica, imagine des sentiers bordés de saules pleureurs et de bancs, ainsi qu’un réseau de ponts pour lier le tout. L’un d’entre eux, le Tromostovje (Triple Pont), deviendra d’ailleurs l’un des symboles de la capitale.

© Sander Groen

Sous les arches du marché couvert – autre création de Joze Plecnik –, les terrasses des cafés sont noires de monde et le pont iconique qui lui fait face est pris d’assaut par les touristes. A 15 minutes de marche de là, dans le quartier de Trnovo, se trouve la maison, modeste et élégante, qu’occupait l’architecte. L’homme a lui-même remodelé, agrandi et meublé les lieux.

Depuis, la demeure a été reconvertie en un joli musée qui se visite en deux temps: d’abord le jardin et ses vitrines ornées de croquis, photos et maquettes, ensuite les quartiers d’habitation. Il n’y a pas foule, et le lieu semble figé dans le temps, comme si personne n’avait jamais rien touché depuis la mort de Plecnik en 1957; même pas ce crayon, toujours couché sur sa table à dessin.

Une caserne reconvertie en pôle créatif

«Metelkova? Je n’y mets jamais les pieds, je tiens à la vie, nous confie la jeune femme de l’office de tourisme. Quand je sors, je veux m’amuser. Or, les gens vont là pour se droguer, et je ne parle pas là d’un gentil petit joint. Entre les sans-abri, les alcooliques et les junkies, ces casernes sont plutôt à éviter à la nuit tombée. Des femmes ont même rapporté des cas de harcèlement.»

© Sander Groen

Sa réputation de berceau de la créativité, Ljubljana la doit en grande partie à cette caserne désaffectée nommée Metelkova, squattée par les artistes et les étudiants dans les années 90. Apprécié pour son street art et sa vie nocturne très libre, ce «lieu branché» a longtemps reçu les louanges de nombreux guides de voyage et influenceurs.

Aujourd’hui, la situation s’est détériorée. Les peintures sont défraîchies et le quartier s’est vidé. Nous nous y rendons le soir, et seules quelques minutes nous suffisent pour confirmer que l’endroit n’est pas très rassurant. En Europe, d’autres sanctuaires culturels – le Christiania à Copenhague, l’Uzupis à Vilnius ou le Ruigoord à Amsterdam – paraissent bien plus vivants et accueillants.

Trois musées qui en jettent

A l’extrémité sud du site, autre ambiance: les casernes abandonnées par l’armée yougoslave ont été habilement transformées en un charmant trio de musées. Le premier, axé sur l’art ethnographique, abrite des expositions temporaires et un café populaire avec jardin. Le second, antenne du musée national, expose sculptures et autres objets issus du Moyen Age à nos jours. Le dernier, dédié à l’art contemporain, se présente sous la forme d’un large cube blanc qui accueille sculptures, art vidéo et installations surdimensionnées. Si les noms des artistes, essentiellement slovènes, ne nous évoquent pas grand-chose, cela n’enlève rien à la haute qualité des œuvres…

© Sander Groen

La Galerie moderne de Ljubljana se trouve de l’autre côté du centre-ville, dans un temple culturel en pierre conçu par l’architecte slovène Edvard Ravnikar. Elle regroupe depuis 1948 la collection nationale de peintures, de sculptures, d’estampes, de dessins et de photographies du XXe siècle. On y croise les noms de Tone Kralj, France Mihelic ou Stane Kregar, dont on découvre les créations avec les yeux grands ouverts, tout comme celles des artistes de l’ex-Yougoslavie ou des expositions temporaires. Pour la pause-café, direction le sous-sol et, en cas de soleil, son agréable terrasse.

© Sander Groen

Hôtel avec (belle) vue

Un tunnel piéton nous guide de la promenade chic dessinée par Plecnik – son parlement, son opéra, ses musées, ses restaurants et ses ambassades – jusqu’à l’immense parc municipal de Tivoli, le poumon vert de Ljubljana. Au détour d’un complexe sportif, nous nous égarons pour tomber, par hasard, sur une colline à l’orée du parc. Nous traversons la dense végétation, avant d’atteindre un bâtiment désaffecté.

Edifié en 1909, le Bellevue fut jadis un célèbre hôtel Art nouveau réputé pour ses prestations raffinées. Ses hôtes profitaient de repas en terrasse avec une vue panoramique sur la ville, puis faisaient la fête sur de la musique jazz jouée en live depuis le kiosque en contrebas. Depuis 2009, le logis est abandonné et la nature y reprend ses droits. La clôture métallique endommagée ne décourage pas les curieux ou les passionnés d’urbex…

© Sander Groen

Nous retrouvons notre chemin jusqu’à l’allée centrale bien ordonnée de Tivoli. Face à nous, se dresse une imposante villa blanche: le Centre international des arts graphiques. L’exposition temporaire actuelle regroupe une série de dessins, estampes, lithographies, gravures, photographies et affiches. En dégustant un cappuccino dans le café voisin, le barista nous approche: «Vous voyez ce chalet en bois, là-bas, un peu plus haut sur la colline? Il est ouvert et l’entrée est gratuite. Allez y jeter un coup d’œil, ça vaut le détour.»

© Sander Groen

L’hôtel Svicarija, avec ses ornements sculptés et ses larges balcons en bois, semble tout droit débarqué des Alpes suisses. Il a l’air fermé, mais un homme apparaît et nous fait signe d’entrer. Dès son ouverture en 1910, l’hôtel Schweizerhaus – de son ancien nom – a immédiatement attiré les artistes. En 2017, il a rouvert ses portes… sous la forme d’un centre culturel. Comme un hommage rendu à sa clientèle passée, il accueille des expositions en tous genres, mais aussi des ateliers reconstitués, dont celui du sculpteur slovène Stojan Batic, élève de Zadkine. Une œuvre à part entière, posée au cœur de ce joyau caché que l’on n’imaginait pas devenir le point culminant de notre escapade artistique à Ljubljana. Comme quoi, il faut toujours accepter de se perdre…

EN PRATIQUE

Pour un maximum d’infos sur la ville: visitljubljana.com/fr/visiteurs/

Comment y aller?
Ljubljana est accessible en train depuis la Belgique. Embarquez dans un ICE vers Stuttgart dans l’après-midi, puis installez-vous dans le train couchette pour atteindre la capitale slovène dans la matinée. Durée du voyage : 18 heures. Aller simple dès 90 euros. Pour l’ICE: bahn.de/fr. Pour le train couchette : oebb.at

Pour circuler sur place:
La Carte City Pass de Ljubljana offre un accès illimité aux transports publics et à une variété d’attractions et d’activités: musées MG+, +MSUM, maison de Plecnik, visite guidée de la ville, tour en bateau ou location de vélo… à un prix très doux: 36 euros pour 1 journée, 44 euros pour 2 jours, 49 euros pour 3. visitljubljana.com

Une petite faim? Ne passez pas à côté des cafés du musée d’art moderne (Moderna), du musée ethnographique (Kavarna SEM) et du Centre international d’arts graphiques (Caffe Bienale).

Un hôtel qu’on recommande? Le Grand Hotel Union. Elisabeth II, Roger Moore, le Dalaï-lama et 
Orson Welles ont séjourné derrière la façade Art nouveau de ce lieu historique de Ljubljana, en activité depuis 1905. Dès 135 euros pour deux personnes, petit-déjeuner compris. eurostarshotels.co.uk

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