En Côte d’Ivoire, les salons littéraires se tiennent dans les salons de coiffure

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Des livres rangés sur une étagère au milieu des crèmes défrisantes, des bigoudis et des mèches: en Côte d’Ivoire, des salons de coiffure deviennent désormais aussi des salons littéraires.

Pour faciliter l’accès des femmes à la lecture, la Bibliothèque nationale de Côte d’Ivoire a installé 23 mini-bibliothèques dans des salons de coiffure à Abidjan et dans des villes de l’intérieur du pays.

Chacun dispose de 50 livres, renouvelés régulièrement grâce à une rotation du fonds de 1.750 ouvrages.

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Le projet « Femmes et lecture » constitue une démarche de « bibliothèque hors les murs » dans un pays où il « n’existe pratiquement pas de bibliothèques dans nos quartiers » et où celles qui existent « ne sont pas fréquentées par la population, encore moins par les femmes », résume Chantal Adjiman, directrice de la Bibliothèque nationale et initiatrice de ce projet lancé en 2012.

Selon elle, entre leurs obligations professionnelles et/ou ménagères, les femmes n’ont pas assez de temps pour lire. C’est pourquoi la bibliothèque a décidé d’aller à leur rencontre là où elles se rendent régulièrement.

« Les femmes ivoiriennes sont très coquettes (…). Et cette raison peut les maintenir pendant au moins une heure et demie dans un salon de coiffure », souligne à l’AFP Mme Adjiman.

Certaines viennent ‘juste pour lire’

A la Bibliothèque nationale, située au Plateau, le quartier administratif et des affaires d’Abidjan, des collaborateurs empilent dans des cartons des ouvrages destinés aux salons de coiffure. Romans, livres pour enfants mais aussi essais qui parlent des droits de la femme ou des enfants…

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A Adzopé, au sud d’Abidjan, l’une des 7 mini-bibliothèques est installée à l’intérieur du marché de la ville. Dans le petit salon, des livres côtoient sur les étagères les produits cosmétiques.

Assise sur un banc devant le salon, ignorant les bruits alentour et les échanges de deux vendeuses installées juste derrière elle, une jeune femme lit un roman. « Comme je n’ai pas d’argent pour en acheter, je viens régulièrement ici pour lire des livres », confie-t-elle à l’AFP. »Il y a même des femmes qui viennent juste pour lire », souligne Bénédicte Ouguéhi, la propriétaire du salon.

Sous un casque, une cliente lit un roman pendant que ses mèches sèchent.

Initier les enfants

La mini-bibliothèque a augmenté la fréquentation du salon, assure Mme Ouguéhi, la mine réjouie. Désormais, les coiffeuses du marché installées en plein air viennent elles aussi emprunter des livres à la mini-bibliothèque pour leurs clientes.

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A Cocody, quartier chic d’Abidjan où elle exerce depuis de nombreuses années, Justine Inagohi, 66 ans, a tout de suite adhéré au concept. « Quand les femmes viennent au salon, pendant qu’elles sont sous les casques, elles papotent. Pour les occuper, je préfère qu’elles lisent des livres, plus instructifs », explique-t-elle bigoudis et peigne en mains.

Anastasie N’Guetta, une habituée du salon, a trouvé le moyen « de passer le temps et de ne pas s’occuper de choses qui sont inutiles »: elle lit « On n’échappe pas à l’amour », de Louisiano N’Dohou – un roman à l’eau de rose comme elle les « aime », dit-elle.

Justine Inagohi a aménagé un espace spécialement destiné aux enfants qui accompagnent souvent leur mère au salon et à ceux de la cité où elle réside également.

L’un des objectifs du projet « Femmes et lecture » est justement « de conquérir un public qui est très proche des enfants », afin d’initier ceux-ci à la lecture, relève la directrice de la Bibliothèque nationale.

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« Les Ivoiriens aiment lire mais ils n’ont pas accès aux livres », estime-t-elle, en soulignant qu’un nombre croissant d’hommes « s’invitent » désormais dans les salons de coiffure pour « emprunter » eux aussi des livres.

Les mini-bibliothèques dans les salons de coiffure ont « suscité un besoin d’alphabétisation », assure Mme Adjiman. Elle y voit un moyen de démocratiser l’accès à l’information et à la connaissance, source de cohésion sociale.

« Les femmes analphabètes ne sont pas oubliées. Dans les ouvrages pour enfants que nous proposons, il y a beaucoup d’images », dit-elle. En leur permettant de parcourir ces livres, on suscite chez elles « un besoin de lecture », se réjouit-elle.

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