En images: dans l’intimité d’un refuge de poche vieux de 115 ans, perché au-dessus de Chamonix

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Les derniers mètres dans la neige sont les plus difficiles. Quand le grimpeur lève enfin la tête, tout près du refuge, il rencontre le regard amusé de Sarah, bonnet de hipster et boucles d’oreille élégantes. « Bienvenue! Si je peux juste vous demander de ne pas faire trop de bruit, le bébé dort ».

Assise en tailleur sur le seuil, à 2.841m d’altitude, elle scrute la montagne et les glaciers de ses jumelles, pour repérer les visiteurs annoncés pour la soirée, comme ceux qui sont partis dans la nuit pour l’ascension d’un sommet derrière sa petite cabane en bois, l’une des plus vieilles du massif du Mont-Blanc, dans les Alpes françaises. Si quelqu’un manque, elle le signale aux secours, c’est l’une de ses nombreuses missions de gardienne.

Le refuge de la Charpoua, qui porte le nom du glacier attenant, peut héberger douze personnes à tout casser. Depuis 115 ans, il est resté dans son jus: à gauche la cuisine et la table en bois d’origine dont le plateau porte des marques anciennes de brûlures, à droite deux rangées superposées de matelas.

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Pas d’eau, pas d’électricité. Pour gagner les toilettes dehors, un trou sommaire entre des pierres, il faut encore grimper un peu. « Après avoir vu ça, personne ne te demande s’il y a une douche », s’esclaffe Sarah Cartier, brune aux yeux clairs qui entame là sa cinquième saison, de fin juin à fin août. « Il y a plein de façons de faire ce métier », assure d’une voix douce la Chamoniarde de 30 ans, monitrice de ski pendant l’hiver. « L’idée d’être toute seule, sans employé, ça m’a toujours séduit. Plutôt que travailler dans un gros refuge. »

« J’ai aussi décidé de n’utiliser que des produits locaux et bio, je fais mon propre pain et je ne vends pas d’eau en bouteille, je capte celle du glacier que je filtre », dit-elle, une discipline largement partagée par des montagnards soucieux d’un environnement qui se dégrade rapidement sous leurs yeux.

Deux cordées trempées

Un hélicoptère la livre une seule fois en début de saison. Son amoureux, ingénieur bois en Suisse toute proche, monte tous les vendredi avec « du frais » pour améliorer l’ordinaire. Trois bonnes heures pour un marcheur en grande forme, par les nombreuses échelles et le nouveau sentier aménagé pour pallier une insécurité croissante, entre chutes de pierre et séracs (blocs de glace).

Quand le mauvais temps la prive de visiteurs des jours durant, Sarah savoure la solitude là-haut. Cette saison sera différente, en tête-à-tête avec Armand, son « bébé facile ». De fait, le joufflu gazouille et sourit à tous, passant de bras en bras quand sa maman commence le repas du soir. Y compris ceux de grands costauds au physique sec, un poil déconcertés ou attendris par sa présence.

Ce soir, il y a foule. Deux cordées, trois aspirants-guides avec leur formateur, revenus trempés d’une ascension du Cardinal (3.647m), ainsi qu’un jeune intello allemand monté de la vallée avec ses livres, deux journalistes de l’AFP et leur guide.

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Tout le monde a fait connaissance sur les piles de lauzes devant la cabane. Ballet rituel et réconfortant: enlever ses chaussures, inspecter et se masser les pieds, enfiler T-shirt et chaussettes sèches, boire une bière pour fêter ça, raconter sa journée, les conditions de neige et de vent…

Une odeur de soupe et de gâteau au chocolat au four s’échappe de la porte, il faut passer à table. Sarah place deux petites lampes de bureau: « Je les sors la journée comme des plantes vertes, pour qu’elles se rechargent au soleil ».

Après une nuit de sommeil aléatoire émaillée de ronflements et diverses accusations croisées dans la bonne humeur au petit déjeuner, Sarah souhaite à tous « bon courage pour le retour à la ville ».

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