En Turquie, de la mosaïque dans les rues d’Ankara avec le Français Ememem (en images)

Une mosaïque sur un trottoir fissuré créée par l'artiste de rue français Ememem à Ankara, en Turquie. © Adem Altan/AFP via Getty Images

Depuis quelque temps, les passants de la capitale turque Ankara croisent des mosaïques là où ils s’y attendent le moins, entre les fissures, les trous et les nids-de-poule des rues, installées par l’artiste français Ememem.

Invité par l’Institut français d’Ankara, l’artiste a inspecté les rues d’Ankara pour y repérer les entailles et infractuosités où glisser ses « flackings », un terme inventé par l’artiste pour ses inscrustations de mosaïques et de céramiques. « Ces pansements pour trottoirs », il aime les appeler, sont faits de matériaux recyclés, éclats défectueux ou cassés de céramique.

Pour ses créations à Ankara, il s’est inspiré de « l’esprit de la ville », explique-t-il: alors qu’Ankara apparaît souvent aux non-initiés comme « une ville grise », Ememem y a plutôt observé une ambiance « colorée, lumineuse, portant des motifs traditionnels ». Accompagnées parfois de textes gravés, les couleurs vives de ces « cicatrices de la rue » reflètent ces impressions, ou des expressions entendues en ville comme « Anneni ara » (« Appelle ta maman »).

« La rue est à nous »

Apparus d’abord à Lyon, où vit l’artiste qui ne souhaite pas dévoiler son visage ni son nom, les flackings d’Ememem ont ensuite débarqué à Paris puis dans plusieurs autres villes d’Europe comme Milan, Barcelone et Leipzig et récemment aux Etats-Unis, à Chicago et New York. Ememem avait aussi réalisé une œuvre pour le village des Athlètes aux JO de Paris 2024.

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Mais ce qu’il aime le plus, ce sont les oeuvres réalisées « clandestinement », de nuit. « On ne demande pas d’autorisation, juste on intervient parce que, pour moi, la rue est à tout le monde et m’appartient aussi », affirme l’artiste.

Le souvenir de son grand-père qui balayait sa rue après avoir nettoyé la cour de sa maison, parce qu’il la considérait comme sienne, l’a inspiré pour se lancer dans l’art urbain. « Bizarrement, quand quelque chose est à tout le monde, on pense au contraire que ça ne nous appartient pas. Je veux démontrer que la rue, la ville, la société sont à nous, qu’on est tous des acteurs de nos cités », ajoute-t-il.

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Ainsi, ses oeuvres sont « artistiques, poétiques et surtout politiques », souligne-t-il. Comme lorsqu’il recouvre un impact de grenade à Mostar, en Bosnie, d’une céramique dessinant des barbelés, référence à la guerre qui a éclaté en 1991 dans l’ex-Yougoslavie.

« Moins direct que les artistes en Turquie »

« Nous sommes moins directs que les artistes en Turquie », tempère Ememem face à Hikmeti Tabiyeci, un artiste de rue originaire d’Ankara avec qui il travaille sur un projet commun de flacking à Lyon. « Je ne m’estime pas comme un artiste politique, mais tout ce qui se fait dans la rue est politisé en Turquie », affirme Hikmeti Tabiyeci qui, comme Ememem, veut être désigné par son pseudonyme.

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L’artiste turc réalise des oeuvres multiformes, dont une pierre tombale portant l’inscription « Ci-gît la démocratie » dans un parc d’Ankara. « Se rassembler dans la rue, revendiquer ses droits, même promener son chien, s’embrasser, boire de l’alcool ou rire sur l’espace publique est devenu un acte politique, ajoute-t-il.

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Le gouvernement du président Recep Tayyip Erdogan redoute toute expression sur l’espace public car il connaît bien le pouvoir de la rue, estime l’artiste turc. La peur de la répression des rassemblements a pourtant été surmontée lors de la vague de contestation qui a secoué le pays après l’arrestation du maire d’Istanbul le 19 mars, rappelle-t-il. Des dizaines de milliers de gens sont descendus dans les rues d’Istanbul, d’Ankara et de nombreuses villes du pays, s’attirant les foudres du pouvoir. « L’art a toujours été présent dans la rue. Quand on l’utilise avec sagesse et de manière esthétique, qu’on soit artiste ou homme politique, on noue très vite des liens », estime-t-il.

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