Est-il prudent de réserver ses vacances de ski ?

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Vous rêvez de l’air pur des montagnes et de son beau manteau blanc ? Rien n’indique pourtant qu’il sera possible de skier cette année dans des conditions normales. Est-ce dès lors prudent de réserver de telles vacances ?

Le ski n’a pas échappé au choc de la pandémie et avec les nouvelles mesures de confinement prises à l’automne à travers le continent, l’horizon reste bouché et les stations craignent un décembre noir.

Annuler sans frais

De nombreux Belges ont tout de même déjà réservé leurs vacances au ski. « Les vacances au ski sont celles qui se portent le mieux, car on peut s’y rendre en voitures et revenir facilement. Elles représentaient en septembre environ 40 % de l’ensemble des vacances d’hiver réservées pour la saison 2020/2021 », assure la porte-parole de TUI Sarah Saucin. « Un Belge sur deux choisit la France, l’Autriche vient en seconde position puis la Suisse ». De quoi réjouir les stations de ski. La montagne avait déjà tiré son épingle du jeu cet été avec 62 % de taux d’occupation des hébergements cet été (de fin juin à fin août) et même un pic à la fin août avec 72 % et même 80 % de réservations pour la dernière quinzaine, tous massifs confondus », précise Joël Retailleau, directeur général de l’ANMSM dans La Meuse.

Chaque année, en Europe, ce secteur représente 34 milliards d’euros. Soit la moitié, des 68 milliards que pèse cette industrie au niveau mondial. Les Alpes sont en effet la destination ski par excellence. Ce massif commun à l’Italie, la France, la Suisse, le Liechtenstein, l’Autriche, l’Allemagne et la Slovénie concentre plus d’un tiers de toutes les installations mondiales. Il attire 43% des skieurs de la planète, devant les Etats-Unis (21%), pour un chiffre d’affaires de quelque 28 milliards. Les deux leaders européens sont la France et l’Autriche, les seuls pays au monde à avoir « plus de 10 stations qui attirent plus d’un million de visiteurs par saison ». L’essentiel de l’industrie « est concentrée dans les grandes installations qui attirent plus de 100.000 skieurs par an ». Elles ne représentent « que 20% des stations, mais elles rassemblent 80% des skieurs », précise un expert suisse.

Si le reconfinement a ralenti les réservations (dans les Alpes, la semaine de Noël enregistre -50% de réservation et celle du Nouvel An -40%), il n’y a pas de raison de ne pas réserver selon les directeurs de station.

Les différents acteurs proposent en effet quasiment tous des annulations sans frais.

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Par exemple l’annulation sans frais des forfaits jusqu’à J-1 de l’utilisation en fonction de la situation sanitaire au moment de votre séjour. Et comme le rappelle Test Achats « en cas de passage en zone rouge, et donc d’annulation contrainte, vous avez légalement la possibilité de le faire sans frais pour cause de cas de force majeur. Mais l’invocation de la cause majeure peut faire l’objet de négociation. »

Il sera aussi possible de choisir des dates plus mobiles pour les arrivées et départs. En évitant le chasser-croiser du samedi, ils espèrent ainsi éviter les embouteillages sur les routes. La station des Ménuires, l’une des plus grosses de France, propose des séjours du dimanche au dimanche, mais aussi à la carte

Pas une bonne idée pour De Croo et Van Ranst

Le Premier ministre, Alexander De Croo, a déconseillé aux Belges de partir aux sports d’hiver afin d’éviter de relancer la pandémie. « Il ne faut pas être virologue pour savoir que les vacances comportent un grand risque », a souligné le chef du gouvernement fédéral, en rappelant que c’est au retour du congé de carnaval, à la fin février, que les premiers cas avaient été détectés en Belgique. Le message n’a pas non plus varié pour les fêtes de fin d’année et la perspective de retrouvailles familiales et amicales. Un dessin du caricaturiste flamand Lectrr illustrait la communication du gouvernement à la presse vendredi. Trois courbes représentent les vagues d’épidémie, la dernière d’entre elles ayant la forme d’un sapin de Noël. « La dernière chose que nous voulons, c’est d’une troisième vague à Noël. A Noël, le virus sera toujours là et très peu de gens seront vaccinés. Il faut donc être prudent. J’aimerais aussi pouvoir rencontrer plus de gens mais, moi, je passerai ces fêtes avec les gens qui vivent sous mon toit », a déclaré M. De Croo.

M. Van Ranst souligne lui que les personnes de retour des stations de ski ont contribué à la première vague. Et que les retours de l’été ont été pire encore. « Dix à vingt fois plus de compatriotes sont revenus des régions où nous savions que le virus circulait. » s’indigne Van Ranst. « Je pense que cet été une nouvelle infection sur trois était le fait à des personnes qui revenait au pays. » Partir à l’étranger reste donc une très mauvaise idée pour le virologue.

La situation en France

Le gouvernement français n’a pas encore précisé quand il compte commencer à assouplir le confinement. Pour l’instant, il est a minima de rigueur jusqu’au premier décembre. Les stations françaises, soit 350 stations et 10 milliards de retombées économiques, suivent donc avec fébrilité les courbes du Covid. Si 90% du chiffre d’affaires d’une station se réalise en hiver, c’est surtout les mois de février et mars qui pèsent pour la moitié de sa saison. L’avant-saison ne représente que 13,5% de la fréquentation et Noël 13,0%.

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Les stations alpines et celles des Pyrénées sont néanmoins dans les startingblocks en cas de feu vert. Ainsi, un protocole sanitaire en phase de finalisation explique Jean-Luc Bloch, président de France Montagnes au Point. « Nous espérons une réponse d’ici à la fin de la semaine et nous verrons s’il faut y apporter des modifications. On espère un lancement autour de la mi-décembre, peut-être la troisième semaine. »

La première règle est le port du masque obligatoire à partir de 11 ans, dans tous les lieux publics, intérieurs et extérieurs : gare, quai, bus, files d’attente, points de vente, remontées mécaniques (télésiège, télécabine, téléphérique), à l’exception des téléskis puisqu’on est tout seul, et les tapis. Contrairement à certaines stations en Autriche ou en Italie, il n’est pas prévu de régulation des remontées mécaniques. On ne devrait donc ni reduire le débit, ni la capacité. On pourra être six dans une télécabine, comme huit sur un télésiège. Par contre la distanciation physique s’impose dans les files d’attente. Le port du masque ne devrait pas être obligatoire sur les pistes même.

En Suisse

A Verbier, comme dans d’autres domaines, les forces de l’ordre, non loin de la zone de départ des télécabines, surveillent que les règles anti-coronavirus sont respectées. Car si les restaurants sont fermés, les pistes de Verbier sont prises d’assaut par la clientèle régionale en ce début de saison. Pour l’instant, les skieurs sont au rendez-vous, puisque fin octobre, quelque 110.000 personnes avaient déjà souscrit au Magic Pass, un forfait low-cost permettant de skier dans plus de 30 destinations. C’est davantage de monde que la saison précédente, si l’on tient compte du départ de Crans-Montana de l’offre.

Le roi et la reine en 2018 à Verbiers.
Le roi et la reine en 2018 à Verbiers.

Ce qui n’empêche pas les domaines skiables de s’adapter: le port du masque est de rigueur non seulement dans les cabines fermées, mais désormais aussi sur les installations à l’air libre (télésièges et téléskis) et dans les files d’attente, y compris celles à ciel ouvert. Le personnel porte des visières en plexiglas et les fenêtres des télécabines sont ouvertes toute la journée. Le port du masque est donc obligatoire partout. Sauf sur les pistes, afin de profiter du grand air.

La Suisse espère que les touristes européens viendront skier à Noël puisque le gouvernement ayant sorti la plupart des pays européens de sa liste rouge de mise en quarantaine. Reste à savoir s’ils pourront quitter leur pays, nombreux étant confinés comme les Britanniques, très friands des pistes suisses.

Oubliez les après-ski

Si tâter de la poudreuse ne semble pas, encore, complètement compromis, il semble de plus en plus certain que l’on doit oublier l’après-ski. La plupart s’agglutinent à l’intérieur et on y croise des gens qui viennent partout d’Europe, voire de plus loin. Les camps d’école, interdits par plusieurs cantons. Or ces camps « représentent entre 5 et 30% des chiffres d’affaires des stations.

En Italie, les pistes restent fermées jusqu’au moins le 24 novembre et en Autriche qui va repasser à un confinement total tout devrait rester fermé jusqu’au 6 décembre.

Il n’y a pas que le Covid, les jeunes skient moins

Un constat: les baby-boomers déchaussent. Le dernier gros défi, pour M. Vanat auteur d’un rapport annuel sur le marché mondial du ski, est donc « le vieillissement des baby-boomers, une génération très skieuse » alors que « chez les plus jeunes, la culture du ski est moins répandue. » « Nous n’avons pas encore trouvé une façon d’apprendre à skier qui cadre avec le XXIe siècle et des jeunes qui n’ont pas envie de passer trois jours de calvaire à tomber avant de prendre goût au ski explique à l’AFP Laurent Vanat, auteur d’un rapport annuel sur le marché mondial du ski. » Les générations suivantes sont moins nombreuses, et en partie issues de l’immigration, donc sans culture du ski. Ce qui fait que les jeunes générations génèrent moins de skieurs, mais cela ne veut pas dire qu’elles ne skient pas »

En outre, renchérit l’historien du sport Grégory Quin, « la diversification touristique rendue possible grâce aux compagnies aériennes low-cost et l’éparpillement disciplinaire dans les choix des pratiques jouent contre le ski, qui est très cher et doit rivaliser avec d’autres pratiques ». Le coût élevé des vacances aux sports d’hiver, qui n’ont d’ailleurs jamais été à la portée de toutes les bourses, est aussi un frein au moment où les difficultés économiques et sociales s’accumulent.

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