Islande: terre de feu et de glace

Bien qu'au nord de l'île, la vallée de l'Eyjafjördur est l'une des plus douces du pays. © Eric Vancleynenbreugel

En plein essor touristique, le pays constitue un mélange d’eau, de glace, de terre et de feu qui ramène aux origines du monde. Toutes les forces enfouies au centre de la planète ont trouvé ici le terrain libre pour s’exprimer, formant un décor puissamment fascinant.

Comme par magie, la vallée tapissée de laves rouge, jaune ou brune cède sa place à un kaléidoscope de prairies vert vif.

Reykjavik est derrière nous, les kilomètres défilent mais l’émerveillement ne s’émousse pas. Loin d’être monotones, les paysages islandais se renouvellent sans cesse. Ainsi, comme par magie, la vallée que l’on quitte, cernée de montagnes tabulaires et tapissée de laves rouge, jaune ou brune, cède sa place à un kaléidoscope de prairies vert vif piquetées de moutons. Quelques minutes plus tard, la route plonge dans un décor de blocs de lave hérissée, de sable noir, puis de mousses étranges et tellement épaisses que l’on s’y enfonce jusqu’aux genoux.

Un peu plus loin, surgissent d’énormes dômes de roche craquelée, comme autant de mini éruptions avortées. L’Islande est née des volcans et reste balafrée du sud-ouest au nord-est par une impressionnante ligne de feu : Krafla, Askja, Laki, Hekla, Eyjafjöll, autant de monstres qui ont provoqué les pires cataclysmes, avec parfois des conséquences sur la planète entière. L’exemple le plus catastrophique fut l’éruption du Laki, en 1783. Elle tua un quart de la population islandaise, ses gaz sulfurés provoquèrent la mort de milliers d’habitants du Royaume-Uni, tandis que les cendres entraînèrent des hivers rudes et des récoltes médiocres notamment en France, précipitant la Révolution française. En moyenne, une éruption se produit tous les cinq ans. Les milliards de tonnes de poussières crachées confèrent au décor une apparence extraterrestre, qui attire aussi bien les cinéastes que… la NASA. Avant leur voyage vers la Lune, les astronautes d’Apollo ont ainsi mené un ultime entraînement dans les cendres du Krafla et de l’Askja…

 Fraîcheur polaire du seul lagon glaciaire d'Europe. Namafjall, en direct de l'enfer.
Fraîcheur polaire du seul lagon glaciaire d’Europe. Namafjall, en direct de l’enfer.© Eric Vancleynenbreugel

Une terre dans tous ses états

Etrangement, le climat est plus clément au nord qu’au sud de l’Islande, comme en témoigne la hauteur inhabituelle des arbres qui poussent autour du lac Myvatn. Encore une fois, le contraste des paysages est saisissant. Nous grimpons les pentes de sable noir du volcan Hverfell, aujourd’hui éteint.

Le compagnon millénaire des Islandais.
Le compagnon millénaire des Islandais.© Eric Vancleynenbreugel

Du sommet, la vue porte loin et dévoile les traces laissées par le Krafla, l’un des plus explosifs d’Islande. En dépassant la rive nord-est du lac, l’horizon se strie brusquement de fumées blanches vomies par le sol. Tout autour de la colline de Namafjall, le sol est crevassé, semé de vasques de boue en fusion, de solfatares, de sources sulfurées et de jets de vapeur sifflant comme une bouilloire. Ici, on touche l’enfer du doigt. A cent mètres de profondeur, la chaleur dépasse les 200 °C et la vapeur se mélange à divers gaz, dont l’hydrogène sulfuré, qui donne aux sources chaudes leur odeur si caractéristique d’oeuf pourri. L’endroit est situé exactement sur la faille séparant les continents européen et américain.

Un autre choc nous attend en arpentant le champ de lave de Leirhnjukur, né en 1984 d’une éruption du Krafla. La roche brûlée n’est pas entièrement refroidie, et de la vapeur souffrée dresse des volutes continues dans l’air frais. Si elle permet de réchauffer les mains des randonneurs, elle laisse imaginer l’énergie contenue en dessous. Une partie de cette chaleur est d’ailleurs recueillie par une centrale géothermique (que l’on peut visiter), à moins d’un kilomètre de là.

 Le site de Hraunfossar devient sublime à l'automne
Le site de Hraunfossar devient sublime à l’automne© Eric Vancleynenbreugel

Le pays des bannis

Entre le nord, le sud, l’est et l’ouest de l’Islande, il existe une cinquième dimension : l’intérieur du pays, un désert de hauts plateaux où l’homme n’a jamais réussi à s’installer. Bien que les quelques pistes qui le sillonnaient permettaient jadis de relier plus facilement les côtes nord et sud de l’île, peu s’y risquaient, si bien que la région s’est refermée, en proie à l’imaginaire collectif. Repaire supposé de hors-la-loi mais aussi de géants et de trolls, elle ne s’est rouverte que récemment. Deux routes balisées la traversent. Celle de Kjölur est la plus courte. Défoncée sur une partie de son tracé, elle ne se parcourt qu’en 4×4. Un itinéraire à préparer, car il n’y a rien sur 180 kilomètres, hormis le refuge de Hveravellir. Havre de verdure au milieu du désert de cendres et de pierre, cette oasis est née de sources chaudes. On peut même s’y baigner, dans un décor surréaliste, loin de tout.

L'Islande éternelle aux fermes de Glaumbaer...
L’Islande éternelle aux fermes de Glaumbaer… © Eric Vancleynenbreugel

Vallée de couleurs

... où les moutons islandais, mâles ou femelles, arborent des cornes.
… où les moutons islandais, mâles ou femelles, arborent des cornes.© Eric Vancleynenbreugel

Au sortir méridional de la piste de Kjölur, en poursuivant vers l’est, on débouche sur les vallées fréquemment ravagées par l’Hekla, le plus actif des volcans islandais. Le paysage semble annoncer l’ouest américain, avec ses montagnes tabulaires couvertes de mousses. Puis la piste 208 s’enfonce dans des terres qui hésitent entre début et fin du monde, tant le minéral l’emporte. Ici, les volcans ont dessiné et habillé les roches de coloris savamment mêlés par le pinceau du temps. Rabotée, usée, souvent nue, la terre est tantôt dure, tantôt fragile. L’érosion ne cesse de la travailler : le gel la fragilise et la craquelle, l’eau la lave et la relave, le vent la réduit en poussière, la fait tourbillonner et l’emporte plus loin, le feu la refaçonne. Pour tenter de fixer les terres, le gouvernement a lancé un vaste programme de reboisement…

Plus à l’est encore, le site de Landmannalaugar, l’un des plus beaux d’Islande, se mérite vraiment, tant la piste qui y donne accès est chaotique et ravinée. Ensemble de douces montagnes de rhyolite – une roche de teinte jaunâtre caractéristique du volcanisme acide -, la zone se trouve au coeur d’une forte activité géothermale. Les eaux froides en provenance des glaciers s’y mélangent à une source chaude permettant, en se baignant à la confluence des deux cours d’eau, de se  » régler  » à la température de son choix.

Namafjall, en direct de l'enfer.
Namafjall, en direct de l’enfer.© Eric Vancleynenbreugel

Six tonnes d’eau par seconde

Ponctué de plus fréquents villages, le sud de l’Islande semble presque surpeuplé lorsqu’on revient d’un périple dans les terres intérieures. Mais cette région constitue un autre must : les eaux issues de la fonte des glaciers des hauts plateaux y déferlent en cascades spectaculaires vers les terres plus basses des rivages. Le pays compte ainsi des dizaines de chutes parmi les plus puissantes de la planète. Gullfoss – la chute d’or -, d’une énergie phénoménale, est la plus célèbre. Celle de Skogafoss, près du village de Skogar, impressionne par sa hauteur, sa forme parfaite et sa force : le fracas de six tonnes d’eau par seconde s’écrasant au sol d’une hauteur de 60 mètres est assourdissant.

La chute de Skogafoss cacherait un trésor viking.
La chute de Skogafoss cacherait un trésor viking.© Eric Vancleynenbreugel

En poursuivant vers l’est, le paysage change encore, verdoyant puis montagneux à l’approche de Vik, dont la petite église perchée sur un rocher semble veiller sur le village, face à la mer. Plus loin, la route débouche subitement au détour d’un virage sur les  » sandar « , immenses plaines de cendres et de sable noir piquetées d’herbes jaunes. Puis, pendant une centaine de kilomètres, la route s’illumine des reflets bleutés du plus grand glacier d’Europe. Toujours plus à l’est, une autre merveille : le lagon de Jökulsarlon, qui est le seul endroit de l’île où l’on peut admirer des icebergs. Le spectacle est permanent : les blocs de glace basculent ou s’entrechoquent et, de temps en temps, une détonation retentit lorsqu’un pan se détache brusquement pour s’effondrer lourdement dans le lagon. Le petit lac glaciaire débouche directement sur la mer dans un festival de couleurs fraîches. Sur la plage, des glaçons translucides viennent s’échouer sur le sable noir comme du charbon. Un spectacle hypnotisant, un de plus…

Hveravellir, oasis d'eau chaude au coeur des déserts de l'intérieur.
Hveravellir, oasis d’eau chaude au coeur des déserts de l’intérieur.© Eric Vancleynenbreugel

Un serment étonnant

Grâce à l’arrivée des compagnies low cost ou même des voyageurs « en séries » (plusieurs saisons de Game of Thrones ont été tournées sur ses terres, dont la saison 7 qui vient de s’achever sur nos écrans), l’Islande atteindra cette année le chiffre record de 2,3 millions de visiteurs – contre environ 500 000 il y a sept ans.

Hélas, l’île ne voit pas uniquement débarquer des touristes bien éduqués. Camping sauvage, vandalisme et déchets abandonnés ont, dès lors, poussé le gouvernement à lancer, en août dernier, une initiative originale : faire signer un « serment islandais » à ceux qui s’apprêtent à poser leurs valises sur son sol. Une charte de bonne conduite qui n’est pas obligatoire, mais qui invite à la préservation des sites naturels d’un pays qui, encore aujourd’hui, est aussi passionnant que très mal préparé au tourisme de masse…

EN PRATIQUE

SE RENSEIGNER

Gallia est le spécialiste belge des circuits autonomes en voiture et des voyages accompagnés en Islande.

www.gallia.be et brochure en agences de voyage.

Pour toute autre info pratique : http://fr.visiticeland.com

Y ALLER

Icelandair opère quatre vols directs (3 h 15 de vol) par semaine de Bruxelles vers Reykjavik en hiver, et des vols quotidiens l’été.

Avec des bonnes connexions vers les USA et le Canada.

www.icelandair.com

SUR PLACE

Les transports publics sont réduits, la voiture de location est impérative.

Excellentes conditions et service via www.holdur.is

SE LOGER

101 Hotel.

Un boutique-hôtel façonné de matériaux bruts, avec spa et galerie d’art.

10, Hverfisgata, à Reykjavik. www. 101hotel.is

Icelandair hôtel Akureyri.

Chambres modernes et confortables (plutôt rare en dehors de Reykjavik) et excellent resto pour les retours d’excursion.

23, Thingvallastraeti. www.icelandairhotels.com

SE RESTAURER

Fish Market.

Près du Parlement, à Reykjavik, dans une maison en bois rouge et une ambiance feutrée : un festival pour les papilles. Une adresse qui prouve que la cuisine islandaise est en pleine révolution. Le menu dégustation, mélangeant viandes et poissons, est un must. Aux commandes, Hrefna Rosa Soetran marie avec bonheur les produits locaux (achetés directement aux producteurs) et les saveurs exotiques.

12, Adalstraeti, à Reykjavik. http://fiskmarkadurinn.is

Fridheimar.

Dans la ville de Selfoss, une adresse avec serres à tomates chauffées à l’énergie géothermique, mais aussi un resto dans les serres et… un spectacle équestre.

Blaskogabyggd, à Selfoss. http://fridheimar.is/en

Rub 23.

L’une des meilleures adresses d’Akureyri, mais surtout un concept original : ici, on choisit sa viande ou son poisson, puis la combinaison d’épices pour l’accomoder.

6, Kaupvangsstraeti, à Akureyri. www.rub23. is

Par Eric Vancleynenbreugel et Christophe Ragonig

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