La mort à petit feu du camping des Flots Bleus

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Caroline Lallemand
Caroline Lallemand Journaliste

En France, la « gentrification » touche aussi les campings, c’est ce que révèle une étude de la Fondation Jean Jaurès.

En France, les campings traditionnels et modestes à l’image de celui des « Flots Bleus » popularisé par Franck Dubosc dans sa comédie à succès (Camping, 2006) tendent à disparaître, remplacés par de véritables villages de vacances aux multiples options. C’est la conclusion d’une étude d’un institut de recherche français, la Fondation Jean Jaurès, dévoilée par le journal Le Parisien.

A l’heure actuelle, les exploitants des 7.800 campings de France (la plus grande concentration en Europe) proposent de plus en plus de nouveaux services: parcs aquatiques, mobilhome au confort 5 étoiles, cabanes luxueuses en matériaux écologiques, tentes aménagées avec douche et wc, espace wellness… Les professionnels du tourisme préfèrent d’ailleurs désormais parler d’ « hôtellerie de plein air » pour désigner un mode de vacances au confort proche de celui d’un hôtel-club 4 étoiles, explique Le Parisien.

Résultat : les prix augmentent, ce qui exclue de facto la clientèle historique plus modeste qui n’arrive plus à se payer une semaine de vacances dans ce genre d’infrastructure où le « glamping », néologisme crée à partir des termes ‘glamour’ et ‘camping’, est désormais la norme.

Un problème tout sauf futile, explique Le Parisien, dans le sens où cette « gentrification » des campings prive une majorité de Français issus des classes moyennes et populaires de vacances cet été. La location d’un « bungalow » tout confort de 6 personnes dans ce genre de village de vacances peut en effet monter jusqu’à plus de 3000 euros la semaine. On est loin des 25 euros la nuitée facturés pour un emplacement en plein air dans un camping affichant une ou deux étoiles. A l’heure actuelle, cette gamme de campings représente en France moins de 25 % de l’offre globale, contre 60 % il y a seulement quelques années, révèle l’étude de la Fondation Jean Jaurès.

La mort à petit feu du camping des Flots Bleus
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Fracture sociologique

« Une véritable ligne de faille sociologique apparaît dans le niveau d’accès aux vacances, dénonce dans le quotidien français Jérémie Peltier, directeur des études de la Fondation Jean-Jaurès. Le bas de la classe moyenne vient rejoindre les classes les plus défavorisées dans leur incapacité à atteindre le niveau que nous vend la société de consommation, dans la vie de tous les jours comme dans celle des vacances.« 

Le camping populaire est non seulement victime de l’embourgeoisement des standards, mais également de la concurrence internationale. Avec les offres « all inclusive » actuelles, il est parfois plus intéressant de réserver ses vacances sur une île en Grèce ou sur la côte espagnole que de passer une semaine dans un camping de la Côte d’Azur, avance le chercheur.

L’étude constate aussi une fracture manifeste entre les habitants des grandes villes, qui sont 40 % à pouvoir s’offrir le luxe de partir à l’étranger durant l’été, et ceux des zones rurales, qui ne sont que 25 % à pouvoir se le permettre. D’après la Fondation Jean Jaurès, la tendance à renoncer aux vacances s’observe surtout au sein du mouvement des gilets jaunes, qui ont protesté en France, contre Emmanuel Macron ces derniers mois. 65 % des Français avouent avoir déjà renoncé à prendre des vacances pour des raisons financières, et 4 sur 10 de manière répétée. Ce taux de renoncement « fréquent » grimpe même à 61 % chez les gilets jaunes pour lesquels il devient une norme, vécue comme une « injustice sociale », selon les auteurs de l’étude.

Autre désavantage épinglé par le journal français, l’obligation, imposée par de nombreux exploitants de campings, de réserver au moins une semaine sur place, ce qui restreint la liberté de mouvement des campeurs plus nomades.

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