La Nouvelle-Calédonie: Jardin d’Eden

L’île se dévoile tout d’abord par le haut, vue du ciel. Une longue bande de terre rouge au sud, verte, montagneuse et inextricable sur toute sa longueur, posée sur un lagon turquoise intense. Le plus grand lagon naturel du monde – certains disent le plus beau -, inscrit au Patrimoine mondial de l’humanité, est caché au coeur du Pacifique, très au large de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande, à l’autre bout de la Terre. Près de 20 000 km depuis la Belgique : la Nouvelle-Calédonie se mérite, comme un bijou précieux.

Ce territoire récemment doté du statut unique de pays d’outre-mer (ni D.O.M, ni T.O.M., mais… P.O.M.) par son suzerain français porte mal le surnom de Caillou que lui ont donné ses habitants d’origine européenne. À savoir les Caldoches ou Calédoniens, ces lointains descendants des colons occidentaux, et les Zoreilles – le surnom familier des Métropolitains, les Français établis plus récemment. Car ce caillou n’est pas nu, loin de là. Doté d’une nature d’une luxuriance millénaire dominée par les fougères géantes et les pins colonnaires (une espèce endémique), de plages de sable blanc désertes et infinies, d’eaux cristallines abondamment peuplées et protégées par la barrière de corail… Et, surtout, une population hospitalière et souriante, partagée entre sa culture mélanésienne et son attachement à la France – en attendant le référendum sur l’autonomie prévu en 2014.

Culte de la terre et du clan

Sa population des origines, c’est le peuple kanak, dont 60 000 ancêtres occupaient déjà l’archipel au XVIIIe siècle avant l’arrivée des premiers colons, bientôt suivis des missionnaires. Aujourd’hui, la population totale de la Nouvelle-Calédonie n’atteint pas 250 000 habitants, et la moitié sont des Kanaks. Ils vivent toujours en tribus (nous dirions : villages), cultivent leurs traditions, respectent leurs coutumes ancestrales, le culte de la terre et la hiérarchie clanique… Mais ont aussi adopté tous les standards de développement occidentaux comme les 4×4 et autres gadgets électroniques dernier cri.

Notre guide Nelly Kamouda nous emmène ce jour-là dans sa tribu, celle de Napoémien, dans la montagne surplombant la commune de Hienghène, au nord de la Grande Terre (ainsi nomme-t-on l’île principale de l’archipel néo-calédonien, longue de 500 km et large de moins de 100 km). Nous sommes en plein pays kanak, qui couvre tout l’est et le nord de l’île, c’est la ville dont le leader indépendantiste vénéré Jean-Marie Tjibaou était maire. Jusqu’à son assassinat en 1989, par des radicaux qui s’estimaient trahis par leur chef, après les accords historiques entre communautés qui ont durablement pacifié ce coin de paradis.

L’homme qui nous accueille d’un sourire franc s’appelle Jehudit Pwija et connaît la montagne comme sa poche. Il organise des randonnées à pied ou à cheval dans la région, dont il sait mieux que personne dévoiler les secrets, mais aussi le passé tourmenté, au temps pas si éloigné où le colon régnait encore en maître. « Vous voyez ce ruisseau ?, nous dit-il. Il marquait la frontière que les Kanaks n’avaient pas le droit de franchir. Les blancs occupaient le littoral, nous étions confinés dans la montagne. On a toujours su l’apprivoiser. » C’est dit sans amertume. Mais cela explique sans doute aussi pourquoi, malgré tous les trésors de l’île et une population si accueillante, la Nouvelle-Calédonie reste sourde aux sirènes du tourisme de masse.

Ici, contrairement à ce qui se passe en Polynésie (presque) voisine ou dans l’océan Indien, les infrastructures hôtelières sont rares, en dehors de la capitale Nouméa. Depuis les accords dits de Matignon signés avec la France en 1988, les Kanaks ont récupéré la pleine propriété de leurs terres. Et ils s’interdisent de la céder aux promoteurs d’un tourisme à grande échelle. Pour le plus grand bonheur des voyageurs épris de nature et de tranquillité.

La case de l’hôte

En revanche, l’accueil en tribu figure au rang des traditions locales. Si les habitants vivent aujourd’hui dans des maisons en dur, chaque famille possède toujours une grande case traditionnelle conique, au toit couvert de chaume, où l’on aime à se réunir le soir autour du feu. C’est là aussi que sont logés les visiteurs de passage. Chambres d’hôtes avec ouverture sur la montagne ou la mer, selon l’orientation, et matelas posés à même le sol. Les Kanaks eux-mêmes préfèrent souvent ce confort rudimentaire à celui de leurs maisonnettes voisines. La hutte la plus grande est toujours celle du chef. Il n’y a pas plus authentique. Pour l’heure, Jehudit et sa femme Priscille initient leurs hôtes à la préparation du bougna, le plat national kanak. Sorte de ragoût qui mélange viande (ou poisson) et légumineuses (igname, tarot, manioc), fruits et aromates, arrosé de lait de coco, enveloppé de feuilles de bananier et cuit sous la cendre à l’étouffée… Les hommes se lèvent à l’aube pour ramasser le bois et allumer le feu, plusieurs heures de préparation puis de cuisson s’imposent encore pour pouvoir déguster ce festival de saveurs.

L’endroit est idéal pour rayonner dans la région, qui concentre bien des atouts de la côte est. Impressionnants rochers karstiques évoquant ceux de la baie de Ha Long, végétation tropicale, montagnes (le Mont Panié, point culminant de la Grande Terre, n’est pas loin) et cascades, plages et îlots qui invitent à la plongée sous-marine, entre une randonnée et des heures de farniente… Déconnexion garantie.

Mais le tour de l’île s’impose, comme le passage par Nouméa, la seule véritable ville du pays. Elle concentre la moitié de la population mais ne manque ni de charme ni d’atouts, avec ses baies résidentielles et son Centre culturel Tjibaou, ode à la culture kanake construite par l’architecte Renzo Piano, dans un hommage contemporain aux huttes traditionnelles. Vous aurez alors gardé le meilleur pour la fin : la magie des satellites insulaires du Caillou. L’île des Pins, au sud, paradisiaque quand elle n’est pas envahie par les navires de croisière américains ; et surtout les îles Loyauté : Lifou, Ouvéa et Maré, au rythme de vie aussi paisible que leurs paysages sont magnifiques. « On est au bout du monde », confirme Paulette, notre hôte originaire de Lifou – comme l’ex-footballeur Christian Karembeu, la célébrité locale. « Après, c’est le paradis. »

Renseignements

Consulat général de France : 42, boulevard du Régent, à 1000 Bruxelles. Tél. : 02 548 88 11. www.consulfrance-bruxelles.org

Maison de la Nouvelle-Calédonie : 4, rue de Ventadour, à 75001 Paris. Tél. : +33 1 42 86 70 00. www.mncparis.fr

Consulter aussi : http://fr.visitenouvellecaledonie.com

Formalités Le passeport suffit, les ressortissants européens pouvant séjourner trois mois sans visa.

Langue Un français coloré est parlé partout, y compris dans les tribus.

Monnaie L’unité monétaire est le franc CFP, dont la parité avec l’euro est fixe : 1 euro = 119,33 CFP et 100 CFP = 0,83 euro. Le coût de la vie est cher, beaucoup de produits étant importés.

Santé Aucun vaccin n’est exigé. Le paludisme est absent de l’archipel, doté de bonnes infrastructures médicales.

Décalage horaire Plus 9 heures en été et plus 10 heures en hiver.

Climat La température moyenne annuelle est de 22,5 degrés. L’été austral (saison chaude et pluvieuse) va de décembre à mars. L’hiver austral ou saison sèche va d’avril à novembre. La saison la plus prisée pour le tourisme s’étale de septembre à novembre.

Y aller La compagnie Aircalin assure, en partenariat avec Air France/KLM (depuis Paris) ou Finnair (depuis Bruxelles via Helsinki), la liaison entre l’Europe et Nouméa, via Séoul ou Tokyo. Le voyage est long et le billet cher, distance oblige : entre 1 500 et 2 000 euros selon la saison. www.aircalin.nc ou tél. : + 33 1 78 09 08 07.

Se loger

À Nouméa

Le Royal Tera Beach Resort & Spa est idéalement situé sur la baie de l’Anse Vata, l’un des plus beaux coins de la ville. Décoration moderne et élégante, chambres très confortables avec cuisine intégrée. C’est l’un des quatre hôtels du groupe Tera Hôtels & Resorts. www.tera-hotels-resorts.com

À Poindimié

Le Tieti Tera Beach Resort est l’un des plus beaux hôtels de la côte est. Bungalows confortables donnant sur la plage, bar chaleureux et soirées animées. www.tera-hotels-resorts.com

À Lifou

L’hôtel Drehu Village, à Wé, est le seul 3-étoiles de l’île. www.drehu.grands-hotels.com

Si vous souhaitez tenter l’expérience du logement chez l’habitant (accueil en tribu), faites-le à Lifou. Charme et accueil chaleureux garantis à la plupart des adresses.

Bureau d’information touristique, tél. : + 687 45 00 32. Courriel : cemaid@cyberdidact.net

Se restaurer

Coup de coeur : avec vue imprenable sur le lagon et l’embouchure de la rivière Tchamba, entre Poindimié et Ponerihouen (côte est), le Calédonien Tonino et son épouse Lucia, d’origine argentine, ont ouvert fin 2011 un lieu magique. Table d’hôte sur réservation, tartes maison et salon de thé jusqu’au coucher du soleil. Également chambre d’hôte. Le Nevaho, tél. : + 687 42 89 60.

À Nouméa

L’Hippocampe, restaurant gastronomique de l’hôtel Méridien, propose une cuisine fusion très raffinée. Tél. : + 687 26 50 00. www.starwoodhotels.com/lemeridien/property

À Lifou

Le restaurant tribal Fenapaza, ouvert par un ancien légionnaire, vous ravira avec ses langoustes cuites sous la braise. Essayez aussi la roussette, ou le crabe des cocotiers, spécialité locale. Tél. : + 687 45 15 02

La possibilité d’autres îles

Con Dao, Vietnam

Les amateurs de Koh-Lanta le reconnaîtront peut-être : c’est sur cet archipel que s’est déroulée l’édition 2010 du jeu de TF1. C’est pourtant un sanctuaire soigneusement préservé, composé de 16 îles plantées en mer de Chine méridionale, à 200 km au sud du Vietnam et du Cambodge. Réserve naturelle marine protégée, interdite à la pêche, Con Dao offre un paysage contrasté : montagnes encaissées couvertes d’une jungle inextricable mais bordées de plages et de lagons qui invitent à l’oubli… du reste du monde. Robinson s’y sentirait chez lui. Cinq mille personnes vivent pourtant à Con Dao, notamment dans la ville de pêcheurs du même nom érigée sur la plus grande des îles. Mais beaucoup travaillent le plus clair de leur temps sur le continent et les autres sont en mer, au large. On y accède en bateau ou en avion depuis Saigon ou la Thaïlande, pour un séjour fait de tranquillité et d’indolence. Les plages sont désertes et la mer regorge de poissons. La plupart des traces de pas sur le sable appartiennent aux tortues marines qui viennent pondre la nuit.

Pour combien de temps encore ? Un peu en retard sur le reste du Vietnam, Con Dao s’ouvre désormais au tourisme. Certains prédisent qu’il rivalisera un jour avec les îles du sud de la Thaïlande… Espérons qu’ils se trompent, pour la sérénité des lieux. En attendant, l’infrastructure hôtelière y est encore anecdotique. C’est l’endroit qu’a choisi le groupe Six Senses Resorts & Spas pour ouvrir l’un de ses derniers bijoux, fidèle à sa philosophie mêlant respect de la nature, confort et charme. Une cinquantaine de bungalows tout de pierre, de bois et de matériaux nobles, plantés dans la nature, au bord d’une plage déserte longue de 1,5 km. Un pari osé, au milieu de nulle part. Mais plutôt réussi. www.sixsenses.com/SixSensesConDao/

Isles of Scilly, Grande-Bretagne

Faut-il partir au bout du monde pour trouver le paradis ? En voici en tout cas un petit coin caché à quelques encablures, mais totalement méconnu de ce côté-ci de la Manche. Son nom : les îles Scilly (Sorlingues, en français). Ce petit archipel formé de cinq îles et de quelques rochers dérive à une cinquantaine de kilomètres de l’extrémité occidentale des Cornouailles et semble évoluer hors du temps – et du climat tourmenté du reste des îles britanniques. Classé « site de beauté naturelle remarquable », il regorge de merveilles naturelles, archéologiques et même préhistoriques, puisqu’on y trouve des tombes mégalithiques vieilles de plusieurs millénaires. Une eau limpide borde des plages de sable fin, sous la chaleur d’un microclimat dû au passage du Gulf Stream. Il y pousse même des palmiers ! Une destination farniente de rêve à portée de voile, où se développe gentiment le tourisme vert. www.simplyscilly.co.uk/

Galapagos, Equateur

Galapagos : le nom seul fait déjà voyager. Ces îles mythiques qui flottent en plein Pacifique à 1 000 km de la côte équatorienne affichent l’incongruité d’une météorite tombée du ciel. Treize îles, une vingtaine d’îlots, un nombre incalculable de rochers à moitié émergés où des tribus d’iguanes marins tentent de résister aux assauts incessants de la houle. Les Encantadas (les Enchantées), comme les appelaient les premiers Espagnols envoûtés par la magie de cet éden des premiers jours, n’ont pendant longtemps attiré que quelques boucaniers et autres écumeurs de mer, en quête d’eau fraîche et de viande de tortue. Seules quatre îles sont aujourd’hui habitées, les autres sont peuplées d’animaux étranges : iguanes, tortues monumentales, otaries espiègles, raies mantas, dauphins et requins pointe blanche pimenteront votre séjour. Prochain départ en mars prochain : www.aventurevolcans.com

Texte et photos: Philippe Berkenbaum

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