La nouvelle vie d’hôtel du Belle-Vue

© Philippe Cornet

Au bord du Canal de Bruxelles, d’anciennes brasseries deviendront bientôt un hôtel low cost et la première tour passive de Bruxelles. Le promoteur Jean-Paul Pütz croit au futur urbanistique au-delà de la rue Dansaert.

« J’ai de la poussière de brique dans le sang ». Autour de nous, de la brique, du béton, des tapis colorés en attente de pose, habitent les vastes couloirs de l’ex-brasserie Belle-Vue qui, le premier mai, s’ouvrira sous les auspices de l’Hôtel Nelson. Quai du Hainaut, à Molenbeek, entre la rue Dansaert et le boulevard du Midi.

« Pour l’hôtel, on a conservé la structure originale, c’est ici que la Kriek fermentait, et puis il y avait ces énormes tonneaux dans l’entrée du bâtiment, c’était devenu un site industriel en déshérence, 15 000 m2 au bord du canal de Bruxelles, à vendre ».

On est en 2009 et Jean-Paul Pütz, avec ses partenaires Nicolas de Bellefroid et Christophe d’Ansembourg, rachètent ce vestige d’une autre époque en pensant qu’il faut le faire passer à la suivante.

Faut dire qu’avec son allure de paquebot échoué, le batiment daté de 1913 planté juste au bord du canal, fait impression. Vaisseau brunâtre au bord d’une eau -de la même couleur café…- le Belle-Vue, un moment propriété du groupe Inbev, commence sa nouvelle vie à l’automne 2011 lorsque que les premiers travaux du futur hôtel se mettent en place. « On en a gardé les pilastres, les murs, la coque. Et on a supprimé le bâtiment qui empêchait un accès direct au canal. Des chambres à l’avant, on pourra voir le cours d’eau » explique Pütz, dont le projet évolue au fil du temps.

Fiesta djeunes

Un moment, l’idée d’un lieu plus trendy flotte, ce qui ne dépareillerait pas la gentrification actuelle du canal: à quelques centaines de mètres de là -au voisinage de Tour & Taxis- on construit la méga-tour UP-site, 142 mètres de luxe. Le nouveau Belle-Vue jouera finalement une toute autre partition, plus populaire et moins énergivore.

Début mai, l’ancien corps principal des brasseries sera définitivement transformé en 150 chambres d’un Hôtel Nelson qui se baptise lui-même low cost mais où le client peut espérer plus de considération que sur les lignes aériennes du même label…En ce mois glacial de février, des ouvriers allemands finissent les chambres : ils travaillent pour le partenaire de Pütz, la chaîne berlinoise Meininger qui possède déjà 17 établissements du même style dans son pays, en Autriche et aux Pays-Bas.

Pas de restau autre que pour le petit déjeuner et un esprit de décoration sans esbroufe. Les couloirs ont une largeur quasi nord-coréenne et le volume pour dormir, dépasse celui de l’hôtel standard. C’est sympa même si le mobilier n’affolera pas le baromètre des designers. La clientèle visée est une combinaison de familles avec (jeunes) enfants, d’étudiants en mini-trips et de groupes en goguette urbaine. On mettra jusqu’à 8 personnes par habitation et certaines nuits pourraient être longues, rayon fiesta djeunes.

Polliniser Molenbeek

Sur le toit de l’Hôtel -d’où la vue sur Bruxelles impressionne-, 323 panneaux photovoltaïques démontrent la vocation du lieu: si la construction originale des brasseries, en partie préservée, ne permet pas une isolation de très basse consommation d’énergie, c’est bien le cas de sa voisine, la tour neuve passive de 14 logements.

Oeuvre du même promoteur, elle sera occupée par ses nouveaux propriétaires dès la mi-juillet 2013. Tout cela va amener environ 800 personnes quotidiennes dans ce coin de Molenbeek, à 5 minutes à pied des promesses branchées de la rue Dansaert. Pas pour rien que l’ex-bourmestre Moureau, a soutenu l’affaire, sachant qu’il faut polliniser Molenbeek la multiculturelle d’autres habitants et touristes pour en faire véritablement une commune intégrée.

Les 15-20 millions de budget n’ont pas été une mince affaire à rassembler, mais la volonté de Pütz et de ses deux associés, en partenariat avec l’architecte Sébastien Moreno (A2M) et le constructeur Democo, a fini par vaincre tous les pessimismes.

Reste le bâtiment à l’avant, des anciennes brasseries: un moment, il était question de le convertir en salle de concert de 500-700 places, mais cette option-là semble aujourd’hui fânée. Vu le nombre de cyclistes qui roulent -généralement à toute blinde- sur la piste qui leur est réservée le long du canal, il se peut bien que ce morceau d’édifice soit dédié à une préoccupation bien belge: le vélo. Moins goûteux certes que la bière autrefois brassée mais plus efficace pour parcourir la ville.

Philippe Cornet

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