La Philharmonie de Paris souhaite faire résonner de nouveau des notes

Philarmonie

C’est une salle de concerts dotée d’une des plus belles acoustiques au monde, mais réduite au silence depuis deux mois par le coronavirus. Des notes pourraient toutefois résonner de nouveau, et bientôt, à la Philharmonie de Paris.

Dans le bâtiment moderne reconnaissable à sa coque métallique, on peut entendre une mouche voler: bureaux, salle d’exposition et ateliers d’enfants sont comme figés dans le temps, les plantes dans les halls depuis longtemps désséchées et une pile de courrier attend toujours ses destinataires confinés.

Longeant les couloirs déserts, le directeur général Laurent Bayle fait partie d’une dizaine de personnes qui passent presque quotidiennement à la Philharmonie. Contre plus de 600 habituellement. Accompagné d’une équipe de l’AFP, il arrive à la grande salle Pierre Boulez qui en cinq ans d’existence s’est taillée une réputation d’excellence internationale, avec des taux de remplissage dépassant les 90%.

Concerts en mode dégradé

« C’est triste », dit-il en contemplant les 2.400 places vides. Mais une fois ce constat émis, il affirme vouloir, sauf contre-indication sanitaire, relancer progressivement l’activité alors que cinémas et salles de spectacles restent fermés en France et ne sont pas concernés pour l’heure par le début du déconfinement lundi.

Vers la fin mai, nous allons tenter un ou deux concerts, avec pas plus de 13 musiciens sur scène, et sans public

Pas question donc de jouer la 9e Symphonie de Beethoven, mais des concerts en mode « dégradé » qui feront l’objet de captations. En plein confinement, la prestigieuse Philharmonie de Berlin a été la première à tester ce modèle en jouant notamment une version réduite de la 4e Symphonie de Mahler, avec 15 musiciens (contre 95 pour la version symphonique).

« Pour un musicien d’orchestre, jouer tout seul est une souffrance. Il faut redonner un signe de vie », assure M. Bayle. Le problème est clair: « un orchestre, c’est entre 70 et 100 musiciens sur une scène de 250 mètres carrés. C’est trop risqué ». Et des instruments comment le hautbois sont jugés « plus à risque » que le violon ou la contrebasse, en raison du souffle et donc des postillons émis par les musiciens. Or « la définition d’un orchestre symphonique (…) c’est les alliages sonores entre instruments à vents et à cordes; on ne peut pas réduire le répertoire symphonique aux seules cordes », précise M. Bayle.

Pour les premiers concerts, le violon solo de l’Orchestre de Paris Philippe Aïche lui a suggéré « Siegfried Idyll » de Wagner, qui ne nécessite pas plus de 13 musiciens et où différents pupitres sont représentés.

Un autre projet, initié par le violoniste Renaud Capuçon, est de réunir 23 solistes pour jouer « Les Métamorphoses » de Richard Strauss. « On ne veut pas inonder le web » d’oeuvres déjà massivement disponibles grâce au streaming, selon M. Bayle. Il évoque également certaines oeuvres ayant recours à la spatialisation, comme La Symphonie Fantastique de Berlioz, avec des musiciens placés aux quatre coins de la salle. Deuxième étape: en juin et juillet, la Philharmonie pourrait expérimenter avec sa salle modulable. Grâce à une technologie pointue, l’arrière-scène et les sièges du parterre peuvent « disparaître », multipliant la surface de la scène par cinq et permettant à plus d’instrumentistes de jouer, tout en restant à distance les uns des autres.

80% d’invités hors Paris

Le risque, note M. Bayle, est que « le musicien perde ses repères ». Et ce format est difficilement compatibles avec la présence du public car « avec les musiciens trop loin, le côté fusionnel du son va disparaître, on va entendre chaque instrument séparément ». Et quand le public sera réautorisé, peut-être en septembre, il risque d’être trop clairsemé.

« L’âge médian en musique classique est au-dessus de 50 ans », rappelle M. Bayle. Et les quinquas et seniors sont à la fois les plus fidèles et « ceux qui achètent les places les plus chères ». Une refonte du programme de concerts classiques jusqu’à l’hiver pourrait être envisagée, en faisant appel à des artistes d’envergure installés à Paris, car la Philharmonie est normalement très dépendante d’invités régionaux et internationaux : 80% contre 20% joués par l’Orchestre de Paris, rattaché à la maison depuis 2019.

Enfin, la situation financière est difficile. Une centaine de concerts ont déjà été annulés jusqu’en juillet, soit une perte de 12 millions d’euros. En parallèle, la direction prévoit d’économiser un million d’euros, mais l’activité de la billeterie (qui représente normalement 50% du budget de la Philarmonie) a subi un coup d’arrêt (-35% par rapport à la même période en 2019). Dans ces conditions, difficile de se relancer avec une jauge réduite, comme l’a préconisé récemment un virologue. Un public « mixte » avec des spectateurs dans la salle et d’autres regardant le concert chez eux à bas prix serait-il jouable ? « C’est compliqué mais c’est une des hypothèses », avance le directeur.

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