Le Brown’s Hotel, maison de maîtres
Pendant tout l’été, on vous fait visiter les coulisses des palaces mythiques du Vieux Continent. Cette semaine, retour sur le destin d’un vénérable établissement londonien, décor et témoin d’événements marquants depuis plus de 180 ans.
Si Londres ne manque pas d’hôtels de luxe, bien peu d’entre eux peuvent s’enorgueillir d’une histoire aussi riche que celle du Brown’s – et pas seulement parce qu’il s’avère être l’un des plus anciens de la capitale britannique. Situé dans le quartier particulièrement posh de Mayfair, entre Piccadilly et Regent’s street, le 5-étoiles est cerné par les innombrables galeries d’art qui jalonnent Albermarle street – si ce nom vous évoque quelque chose, c’est probablement grâce à l’Albermarle Club et à son membre le plus célèbre, un certain Oscar Wilde. D’ailleurs, bien plus qu’aux arts plastiques, c’est à la littérature que le Brown’s doit certaines des plus belles pages de son histoire. Et ce dès les premiers jours: James Brown, qui fonda l’hôtel en 1837 après avoir acquis le numéro 23 de Dover Street, et bientôt les trois immeubles mitoyens, n’est autre que le majordome du plus grand des poètes britanniques, Lord Byron.
D’autres illustres noms de la littérature anglaise ont un jour séjourné ici. A tel point que la liste prend des airs d’anthologie: Arthur Conan Doyle, Robert Louis Stevenson, J.M. Barrie et Bram Stoker (respectivement pères de Sherlock Holmes, Docteur Jekyll, Peter Pan et Dracula, rappel pour les distraits)… Vous en voulez encore? No problem. Tom Wolfe, Arthur C. Clarke, William Golding ou Kurt Vonnegut aimaient y tenir leurs conférences de presse, alors que J.R.R. Tolkien, lui, préférait s’y arrêter en famille. Quant à Mark Twain, il y fit sensation un beau jour de 1907, en sortant uniquement vêtu d’un court peignoir et d’une paire de pantoufles. Même Agatha Christie s’est inspirée du Brown’s pour son A l’hôtel Bertram de 1965, tandis que vingt ans plus tard, Stephen King y coucha les premières lignes de ce qui devint Misery. Encore mieux: Rudyard Kipling y écrivit son Livre de la jungle, dans une immense suite d’inspiration coloniale, accessible à la réservation depuis 2016 – enfin, « accessible », comptez tout de même 6.000 euros en guise de prix de base.
Aux côtés des plumes les plus célèbres de leur temps, on ne peut s’empêcher de remarquer un incessant défilé de têtes couronnées, de Napoléon III à notre reine Elisabeth, en passant par l’empereur d’Ethiopie Haïlé Selassié, ainsi que Theodore Roosevelt à la veille de son mariage, suivi quelques années plus tard par son lointain cousin, Franklin. Il faut aussi évoquer les nombreux scientifiques et aventuriers, comme le pionnier de l’aviation Charles Lindbergh, à avoir fait partie de cette prestigieuse clientèle, et pour cause: sous ses augustes dehors, le Brown’s fut longtemps à la pointe de la technologie. Il bénéficie de l’électricité dès 1884, disposait d’un ascenseur à l’époque où Londres n’en comptait encore qu’une poignée, et fut également le tout premier hôtel-restaurant – jusqu’alors, les repas se prenaient dans les chambres ou dans des suites louées pour l’occasion. Dernière anecdote, et non des moindres: Alexander Bell y passa le premier coup de téléphone sur le sol européen, en 1876 – et, oui, il est possible de réserver la « Alexander Bell room ».
Vendu au groupe Raffles puis racheté par Rocco Forte en 2003, l’établissement a connu sa dernière remise à neuf en avril de l’an dernier. Le Brown’s compte désormais cent-quinze chambres, trente-trois suites et deux restaurants, dont l’un dirigé par un chef trois fois étoilé, et un Donovan Bar relifté, où seize cocktails inédits ont été imaginés par le Cocktail Maestro, Salvatore Calabrese. De quoi prolonger encore le faste héritage de l’endroit, parfait mélange de tradition et modernité, toujours baigné dans un feeling si typiquement anglais.
Brown’s Hotel, 33, Albermale street, à Londres. www.roccofortehotels.com Dès 600 euros la nuit en chambre double.
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