Le culte de Saint Jean-Baptiste, illustration du syncrétisme des esclaves au Venezuela, classé au Patrimoine immatériel de l’Unesco

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« Mon coeur va exploser. C’est une émotion. C’est pour nos vieux qui ne sont plus là, qui ont tant lutté. 300 ans de souffrance mais ils ont résisté », exulte Maria Elena Franco, 55 ans, institutrice après l’annonce que les festivités autour du culte de Saint Jean-Baptiste au Venezuela ont été déclarées patrimoine immatériel de l’Unesco.

« Vive Saint Jean, carajo!! », ajoute-t-elle célébrant le statut donné à ce culte syncrétique hérité des esclaves et descendants d’esclaves au Venezuela.

Drapeaux bariolées, tenues blanches et colorées évoquant souvent l’Afrique, une dizaine de délégations défilent au son des « tambours » « africains » lors d’une cérémonie organisée mardi par les autorités à Caracas.

Les processions se suivent, tous portant une sculpture de Saint Jean-Baptiste. Celle-ci est souvent traditionnelle avec le saint adulte ou enfant dans une attitude « classique » mais parfois plus kitsch. Dans l’une, le saint ressemble à Elvis Presley, banane et chevelure comprises…

Le cycle des festivités autour de la vénération et du culte de Saint Jean-Baptiste existe depuis 300 ans. Il s’agit de festivités syncrétiques mélangeant le culte catholique et les traditions des esclaves d’origine africaine, explique le professeur Benito Irady , président de la Fondation centre de la diversité culturelle, qui a préparé le dossier de candidature.

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Dans les veines

Le patrimoine culturel immatériel, ou « patrimoine vivant », est « un héritage de nos ancêtres que nous transmettons à nos descendants », définit l’Unesco. Il comprend notamment « les traditions orales, les arts du spectacle, les pratiques sociales, les rituels et les événements festifs ». Le statut permet de préserver un héritage souvent menacé.

Les festivités « ont lieu dans tout le pays mais surtout dans les États côtiers du centre-nord » du Venezuela, rappelle le professeur mettant l’accent sur « l’enracinement africain ».

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Jean Baptiste « vient avec la religion catholique mais ce sont les fils d’africains, les esclaves qui ont été maltraités, et qui après ont été libérés qui ont transformé l’image(…) Le culte s’est imprégné pendant trois siècles de tous les éléments africains apportés par nos esclaves. Ils ont apporté leur musique, leur manière de fabriquer des instruments, la manière de vénérer les Dieux africains. En Saint Jean-Baptiste s’unit la relation profonde de l’Afrique et (…) du monde caribéen et latino-américain », explique M. Irady soulignant que le culte de ce saint a surtout prospéré au Venezuela.

« Nous demandons à Saint Jean et saint Jean nous donne: Si saint jean l’a, saint Jean te le donne ».

« C’est une grande joie, un orgueil. L’émotion emplit mon corps. J’ai 45 ans dont 40 ans comme +San Juanera+ (fidèle de Saint-Baptiste) », affirme Maraye Janzen, enseignante de Naguanagua (nord).

« Ma grand-mère, mon arrière grand-mère, mon arrière-arrière grand-mère étaient +Sanjuanera+. Cette manifestation (dévotion à Saint-Jean) vient de loin. Elle nous a été donnée par nos ancêtres, nous la donnons à nos enfants et nos enfants à nos petits-enfants », dit elle assurant que la foi en Jean-Baptiste « court dans ses veines » et se révèle quand elle « entend un tambour ».

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« Il faut préserver ce folklore, cette tradition. Nous avons du sang africain. Notre sang est africain », affirme Oswaldo Rondon, fonctionnaire, venu de Pamporal (Barlovento) « ce sont nos racines, quand les « Noirs » sont arrivés d’Afrique, esclavagisés, mal traités (…) ils n’avaient pas moyen de se divertir parce qu’ils devaient travailler, mais une fois par an, ils avaient l’occasion de célébrer cette fête ». « Cette tradition c’est tout! », ajoute-t-il « On est né avec elle, on vit avec elle et, le jour où sonnera mon heure, je veux mourir avec elle ».

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