Les perles cachées de la Mer Égée, alternatives insolites aux Cyclades ultrafréquentées

Majestueuse Chora d’Astypaléa. © GETTY IMAGES

Maisons cubiques, terres caillouteuses battues par Eole et brûlées de soleil qui plongent dans une mer bleu encre: les îles grecques sont le bastion d’une Méditerranée éternelle. Aussi belles que fascinantes, Astypaléa et Anafi offrent une alternative insolite aux Cyclades ultrafréquentées.

Leur situation géographique explique leur isolement… et leur authenticité. En bateau, ce n’est pas une sinécure mais l’avion met Astypaléa à 40 minutes d’Athènes. Ne vous attendez pas à un Airbus, c’est un petit bimoteur à hélices qui assure la rotation. D’emblée, le ton est donné en arrivant dans le minuscule aérodrome meublé d’un unique comptoir. Chacun y va de son bonjour, on prend des nouvelles de la famille. A peine 1 500 habitants, c’est dire si tout le monde se connaît sur cette miette de Grèce.

Astypaléa, c’est l’île papillon, la forme qu’elle prend sur une carte. Elle semble voler du Dodécanèse, l’archipel auquel elle est rattachée, vers les Cyclades dont elle se rapproche sur bien des aspects: maisons banches, volets bleus, relief torturé, desséché par le soleil et raboté par les vents une grande partie de l’année. Des vents assez doux en général mais qui peuvent forcir brusquement, jusqu’à «décaper» les murs et empêcher les bateaux de naviguer.

Transition verte

Un voyage à Astypaléa commence à Chora, de loin le village principal de l’île. Une merveille esthétique, en équilibre sur le rocher au-dessus de la mer. Au sommet, un château tel qu’on n’en retrouve pas en Méditerranée orientale car ici, les maisons sont imbriquées dans les fortifications. Il est l’œuvre de Giovanni Querini qui, au XVe siècle, reçoit l’île du duc vénitien de Naxos. A l’époque, Astypaléa est dépeuplée par les razzias des Turcs. Querini ramène donc avec lui des colons de Tinos et de Mykonos. Hormis les deux églises qu’il abrite, il est abandonné en 1956 lorsqu’un puissant séisme met les bâtiments à terre. A son pied, un enchevêtrement de ruelles, d’impasses, de petites chapelles familiales et de passages étroits, de quoi tromper l’ennemi et se protéger de la chaleur. Les balcons en bois rappellent la longue période vénitienne mais les murs blancs et les châssis bleus nous ramènent dans les Cyclades voisines.

Ruelle en balcon dans la Chora d’Anafi.
Ruelle en balcon dans la Chora d’Anafi. © GETTY IMAGES

Les organisateurs de l’un des plus grands challenges mondiaux de freerunning ont bien compris le potentiel de cet immense labyrinthe désordonné. Ce mois de juin, la finale du Red Bull Art of Motion investit l’île entière durant trois jours. Un événement qui traduit la volonté de la petite communauté de se tourner vers l’avenir. L’exemple le plus frappant, c’est son projet de transition énergétique «Astypalaia green & smart sustainable island». Objectif: produire, d’ici 2026, environ 80% des besoins énergétiques de façon renouvelable. D’abord en offrant des primes aux habitants pour acheter des véhicules électriques – les services publics sont déjà totalement équipés –, puis en développant le partage de voitures et enfin, en proposant des solutions de mobilité à la demande via une application. Pour la date fixée, on prévoit même de faire circuler ici des minibus électriques sans chauffeur, alimentés par des éoliennes et des panneaux solaires. Après Tilos, Astypaléa est la seconde île à entamer cette transition verte.

Le banquet des dieux

La terre semble aride mais ne manque pourtant pas d’eau. Elle est l’une des rares à disposer d’un lac de retenue lui assurant une réserve permanente pour deux ans. «Jadis, Astypaléa était même surnommée le banquet des dieux, rappelle Giorgos, jeune trentenaire fort actif pour sa communauté: vin, huile d’olive, fruits, céréales, fromage, miel… On produisait ici ce qu’il y a de meilleur. Et c’est encore le cas aujourd’hui.» Giorgos explique que ses grands-parents cultivaient des agrumes qu’ils revendaient par dizaines de kilos. Ce matin, c’est Vlassis et Efthymia qui nous emmènent à leurs ruches installées dans la garrigue. Plus de 200, qu’ils déplacent quatre fois par an. Vlassis a appris le métier… sur Internet. «Au départ, c’était une passion, car c’est un monde magique, admet-il. Puis c’est devenu mon activité.» Son miel, principalement de thym, est l’un des plus appréciés de l’île. «Contrairement à certains qui les nourrissent toute l’année, je ne donne du sirop à mes abeilles que pour les aider à passer les périodes sans floraison, détaille Vlassis. Dès lors, mon miel est plus puissant.» L’homme écoule son nectar dans sa boutique To Prosvoli située à Pera Gialos, le petit port de Chora.

Un château vénitien à Astypaléa.
Un château vénitien à Astypaléa. © Destination

Depuis la crise qui a frappé la Grèce, les jeunes reviennent dans les îles. «En quelques années, la population a grimpé de 1 300 à 1 500 habitants, détaille Giorgos. Les gens sont déçus par la vie en ville, trop chère, les opportunités sont rares. Ici, il y a de quoi faire, le logement est moins cher, la vie peu stressante et on retrouve beaucoup de solidarité.» Même et surtout dans les parties les plus reculées de l’île. Tout au bout de la route qui monte vers le nord, un chemin mène à travers la rocaille vers la baie de Vathi. Trois maisons et une ouzerie, celle de Maria. Qui vous accueille comme si elle vous avait vu la veille. Au menu, ce qu’il y a en cuisine. Quand la commande est prête, elle vous appelle pour venir chercher vos mets. Il n’y a plus qu’à s’installer sur la terrasse et laisser le temps suspendre doucement son vol. Elle se passe ainsi la vie, sur Astypaléa.

Tout au bout des Cyclades

A l’ouest d’Astypaléa, une autre île à l’écart du temps, Anafi, voisine avec Santorin dont elle partage l’origine volcanique. C’est le dernier arrêt sur la ligne de ferries qui, du Pirée, relie les Cyclades. Amoureux de quiétude ultime et de contemplation, vous avez trouvé votre destination. Aride, pelée, dure, sauvage, Anafi n’a pas de quoi attirer a priori. C’est justement ce qui la rend si attachante et appréciée des Grecs qui y retrouvent une authenticité devenue rare ailleurs dans l’archipel. Une poignée de petits hôtels, des chambres d’hôtes et le camping sauvage sur la plage de sable fin de Roukounas: pas de quoi héberger des masses de voyageurs. A l’image de Santorin, Anafi est une île apocalyptique. «Si le volcan devait entrer en éruption ne fût-ce que quelques minutes, tout serait détruit mais Anafi recréerait ensuite un nouveau décor», plaisante Iannis, dont la famille vit ici depuis des générations. Etrangement, la roche n’est pas spécialement noire mais le plus souvent rouge et surtout ocre et blanc. Au sud de l’île, on retrouve quelques-unes des plus belles plages de l’archipel, dont celle de Potamos qui s’étiole en pente douce dans des eaux cristallines.

La plage de Potamos, à Anafi.
La plage de Potamos, à Anafi. © Getty Images/iStockphoto

Chora, le seul village de l’île, regroupe ses 200 âmes. Un fief immaculé qui coiffe le rocher comme un capuchon de neige éternelle. Perché en amphithéâtre à 300 mètres au-dessus de la mer, dénudé, il s’étire en ruelles étroites d’où s’échappent régulièrement des vues magiques sur la mer et, à l’horizon, sur l’île de Santorin. Seule la rue principale s’anime un peu le soir: comme partout en Grèce, jeunes et anciens se retrouvent en début de soirée sur la place centrale pour discuter, échanger les dernières nouvelles parmi les enfants qui jouent. Si cette couleur blanche qui habille les villages cycladiques est aujourd’hui une marque de fabrique, ils étaient jadis construits dans les matériaux les plus discrets qui soient pour épouser la couleur du paysage et ne pas être visibles depuis la mer, infestée de pirates. Au sol, un dallage irrégulier que l’on ne retrouve qu’ici… «et dans le quartier situé sur les hauteurs de Plaka à Athènes où une forte communauté d’Anafiotes s’est installée au XIXe siècle, raconte Iannis. Anafiotika est depuis le nom officiel de ce coin de la capitale.»

Ambiance typiquement grecque de soirées anafiotes.
Ambiance typiquement grecque de soirées anafiotes. © GETTY IMAGES

Sur Anafi, la vie est aujourd’hui calme et simple mais il y a quelque chose d’unique sur cette île que l’on ne peut expliquer et qui ne peut se ressentir qu’une fois sur place. A fortiori lorsqu’on se rend tout à l’est. Le décor prend alors une dimension supplémentaire. Là, tout au bout de l’îlot, sur le cap Kalamos coiffé du monastère de la Panagia Kalamiotissa, le rocher domine l’Egée à 460 mètres d’altitude. Du sommet du second plus grand monolithe de Méditerranée après Gibraltar, les dimensions se brouillent et la vue porte à 360° sur l’entièreté d’Anafi, jusqu’à Amorgos, Astypaléa et, à l’horizon, jusqu’à cette Crète où les touristes se donnent rendez-vous en oubliant parfois de regarder un peu plus loin que le bout de leur île…

EN PRATIQUE

Se renseigner

Infos dans toutes les langues: visitgreece.gr ou astypalaia-island.gr/eng ou anafi.gr/en

Y aller

Vols Bruxelles-Athènes, puis connexion Sky Express (40 minutes de vol) avec Astypaléa. 12 liaisons hebdomadaires en été, 4 en hiver. Liaisons Le Pirée-Anafi via Santorin 6 à 8 fois par semaine en été.

Se loger

Anatoli. A Astypaléa, ce boutique-hôtel tout récent mérite de s’y installer rien que pour la vue face à Chora. Suites ou studios avec terrasse et kitchenette. Excellents petits-déjeuners. Dès 74 euros la nuit. anatoliluxurystudios.com

Villa Kalamiotissa. Sept studios et appartements avec terrasse et vue imprenable sur la mer. Idéal pour observer les couchers de soleil au large d’Anafi. Dès 85 euros la nuit. villakalamiotissa.gr

Se restaurer

Apanemia Meze Shop (Chora, Astypaléa). Juste à côté des 5 églises. Favas, salades, chaussons fourrés, calamars et pieuvres frais… On se régale ici de mezze maison, préparés par la femme d’Elias (qui, lui, œuvre en salle). Le tout au son de musique rebetiko.

Aiolos (Pera Gialos, Astypaléa). Face au port, spécialités d’Astypaléa préparées par Efthymia. A goûter absolument: les chaussons de pâte fourrés typiques de l’île et la pizza version locale.

Liotrivi (Chora, Anafi). Dans la rue principale de Chora, l’adresse parfaite pour du poisson frais ou une langouste.

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