Les stations-villages, les sports d’hiver en mode doux

© SIMON GARNIER - SDP MEGÈVE

Lovées au pied des plus beaux massifs, les stations-villages font le bonheur des vacanciers en quête d’authenticité. Des Alpes aux Pyrénées en passant par le Jura ou les Vosges, les montagnes françaises regorgent de trésors cachés.

Avec son offre pléthorique – environ 350 stations saupoudrées sur un territoire montagneux de plus de 124 000 km2 -, la France comptabilisait l’an dernier plus de 52 millions de journées-skieur. Si les stations de haute altitude, créées à la faveur du Plan Neige entre 1964 et 1977, à l’instar d’Avoriaz ou encore des Arcs, sont devenues les fleurons du ski hexagonal, les stations-villages ont su habilement tirer leur épingle du jeu. « Lorsque la neige est au rendez-vous, la clientèle est spontanément plus encline à réserver dans les stations-villages prisées pour leur côté plus authentique », atteste Jean-Marc Silva, directeur général de France Montagnes.

Le Grand-Bornand, authentique village du massif des Aravis.
Le Grand-Bornand, authentique village du massif des Aravis.© G. LANSARD-ARAVIS

Leur atout phare ? Elles s’adossent à des bourgades antérieures au développement du ski alpin, discipline importée des pays nordiques à la fin du XIXe siècle. Ainsi, bien avant l’arrivée des premières remontées mécaniques, les spatules fendaient déjà les champs immaculés entourant Val d’Isère, avec la création de la première école de ski française. Outre les villages à forte tradition pastorale, les stations thermales comme les Eaux-Bonnes ou Cauterets, dans les Pyrénées, ont également été des territoires favorables au développement des sports d’hiver.

Des villages séculaires

Lorsqu’ils optent pour ce type de station, les vacanciers sont ainsi nombreux à rechercher l’empreinte du passé, se plaisant à musarder dans les ruelles pittoresques de ces communes perchées qui contribuent à la richesse du patrimoine français. Régulièrement classé parmi les dix plus beaux villages de France, Bonneval-sur-Arc (Savoie), à plus de 1 850 mètres d’altitude, en est l’une des plus captivantes illustrations. Dans la vallée de la Haute-Maurienne, au pied du col de l’Iseran, ce hameau dévoile de charmantes maisons de pierres coiffées de toits en lauze. En Haute- Savoie, Combloux, la bien-nommée « perle du mont Blanc », est tout aussi picturale, offrant en prime de belles sensations de glisse, puisqu’elle est reliée à deux grands domaines skiables : les Portes du Mont-Blanc, totalisant 100 kilomètres de pistes et Évasion Mont-Blanc avec 445 kilomètres.

Vieux bourg planté de solides demeures, Samoëns n'a rien perdu de son âme.
Vieux bourg planté de solides demeures, Samoëns n’a rien perdu de son âme.© OT SAMOËNS

Non loin de là, relié au Grand Massif (265 kilomètres de pistes), le village de Samoëns est lui aussi riche d’une longue histoire. « L’existence et la permanence du bourg remontent au Moyen Âge, comme en témoigne la grande Halle construite en 1555. Avant la Révolution, Samoëns avait même vocation à devenir une ville de montagne. L’activité rurale était puissante et la bourgade très riche en entrepreneurs de maçonnerie et de pierres de taille », raconte Mickaël Meynet, responsable du service patrimoine et culture de la station.

Pour surfer sur cet engouement, trente stations-villages des Alpes du Sud ont décidé de s’unir pour faire valoir leurs paysages préservés, à l’image de Crévoux (Hautes-Alpes) ou encore de Saint-Martin-Vésubie Le Boréon (Alpes-Maritimes).

Rêves de chalet

Outre l’intérêt des vacanciers pour les vieilles pierres, ces stations séduisent par leur art de vivre à l’image de Megève. Considérée par certains comme la première station de sports d’hiver française, la station de Haute-Savoie, dont le nom est indissociable de celui de la famille de Rothschild, cultive à souhait son image d’esthète. Son architecture et ses chalets cossus en font l’un des emblèmes du vivre urbain à la montagne. En Savoie, reliée depuis 1985 à Val-Thorens et aux Menuires, Saint-Martin-de-Belleville mise sur la beauté de son habitat traditionnel pour séduire les touristes. Située au coeur des Trois Vallées, la coquette bourgade dévoile un visage très différent de celui de sa célèbre voisine Courchevel, et joue la carte du cocooning en choyant ses visiteurs. « Nous offrons une gamme de services personnalisés, avec livraison de courses à domicile, prêt de poussettes, transport à la demande… », rapporte Stéphanie Cardon, responsable de la maison du tourisme. Autre atout de ces stations, leur politique tarifaire.

Bonneval-sur-Arc, régulièrement classé parmi les dix plus beaux villages de France.
Bonneval-sur-Arc, régulièrement classé parmi les dix plus beaux villages de France.© OT BONNEVAL-SUR-ARC

D’autres stations très familiales comme les Saisies (Savoie) permettent aux familles de s’offrir la magie d’un Noël en chalet à des prix très abordables. Des villages tels que Gérardmer dans les Vosges ou la Chapelle-des-Bois dans le Jura se révèlent également être d’intéressantes alternatives pour les adeptes de pentes – et de prix – doux.

Des stations animées

Depuis plusieurs années déjà, on ne vient plus à la montagne uniquement pour skier. Et les stations-villages, dont la géographie se prête particulièrement à la diversité, ne cessent de renouveler leur offre, imaginant de nouvelles activités pour séduire des vacanciers avides d’expériences inédites. Ainsi, cet hiver, à Aussois (Savoie), il sera possible de tester le horse-board, une activité ludique visant à se faire tracter en bouée par un cheval. À Val-Cenis (Savoie), les plus givrés testeront le premier spot glacé accessible sans marche d’approche tandis qu’en Haute-Savoie, la station des Gets, jamais en panne d’inspiration, vous propose de goûter aux joies du Sled Dogs, nouvelle discipline venue de Norvège qui consiste à se mouvoir à l’aide de patins à neige monoblocs dotés d’une surface de glisse de la largeur d’un ski.

Puisqu’elles n’ont pas été bâties ex- nihilo, les stations-villages présentent également l’avantage d’être habitées et animées toute l’année. Les fêtes populaires, comme celle du Saint-Cochon à Besse (Puy-de-Dôme) au mois de janvier, sont souvent l’occasion de rencontrer les habitants en toute simplicité.

Des possibilités d’échanges qui séduisent une clientèle curieuse, friande d’anecdotes et de gastronomie. Ainsi, à Arêches-Beaufort (Savoie), on se presse à la coopérative laitière pour ramener dans ses valises le fromage éponyme. Non loin de là, à Notre-Dame-de- Bellecombe, délicieuse station de 80 printemps, vacances riment avec bombance et on ne saurait y séjourner sans dîner au moins une fois à La Ferme de Victorine. « Nous proposons un itinéraire autour des alpages et de l’agropastoralisme afin de privilégier les rencontres entre les agriculteurs et les visiteurs », raconte Élodie Curt-Comte, de l’office de tourisme du Val d’Arly.

Des investissements massifs

Les professionnels du secteur immobilier ne s’y sont pas trompés et ont eu tôt fait de percevoir le potentiel des stations-villages, comme le groupe savoyard MGM, qui inaugure cette saison au Grand-Bornand (Haute-Savoie), Le Roc des Tours, une nouvelle résidence haut de gamme. « Environnement, paysage, politique commerciale très internationale ou encore organisation de la station… Tous ces éléments ont fait que le Grand-Bornand était une évidence », note Régis Bolliet, responsable commercial tourisme du groupe MGM.

Samoëns, une station où il fait bon flâner après le ski.
Samoëns, une station où il fait bon flâner après le ski.© OT SAMOËNS

Quant au Club Med, il a choisi d’implanter 1 100 lits touristiques à Samoëns 1600. D’ici à 2021, le domaine du Grand Massif, qui rassemble 5 stations (Flaine, Les Carroz, Morillon, Sixt-Fer-à-Cheval et Samoëns), devrait donc profiter d’une confortable enveloppe de 70 millions d’euros pour moderniser ses équipements.

Loin de s’opposer aux stations de haute altitude, ces « petites » stations, qui ont tout des grandes, invitent les vacanciers à découvrir un autre visage de la montagne séduisant tant les fondus de ski que les amoureux de montagne authentique.

Par Paulina Jonquères d’Oriola

« Les communes ont conscience que leur attractivité provient du bourg »

Philippe Ganion
Philippe Ganion© dr

Trois questions à Philippe Ganion, architecte des Bâtiments de France de Savoie et Haute-Savoie.

Avant l’avènement du ski, quelle était la vocation de ces villages de montagne ?

P.G : Sur les cols, et notamment dans les zones transfrontalières, on retrouve des villages marqués par des influences multiples. Certains d’entre eux, comme Lanslebourg en Maurienne, abritent des édifices religieux surdimensionnés qui ont servi à marquer la présence du catholicisme. Les villages se sont alors souvent développés autour de ces bâtiments. Mais bien évidemment, l’agriculture était l’une des activités principales de ces villages, à l’instar de Chamonix. Enfin, les stations thermales ont également été des bases privilégiées au développement des sports d’hiver comme à Aix-les-Bains ou Annecy, où des téléphériques, construits dans les années 1930, ont permis la pratique du ski.

Quels sont les codes de ces villages traditionnels que certains tentent aujourd’hui d’importer dans des stations plus contemporaines ?

P.G : Des stations comme Valmorel recherchent des formes mimétiques en adaptant les programmes avec de la compacité et des ruelles étroites. La question du choix des matériaux est aussi centrale. Il est intéressant d’observer que la forme du chalet du skieur descend dans les vallées. Certains lotissements, comme ceux de la Haute-Vallée de l’Arve, en reprennent les codes. Les industriels commencent également à utiliser une architecture plus démonstrative pour transmettre une image différente de leur implantation dans le territoire montagneux.

Comment protéger ce patrimoine architectural et culturel ?

P.G : Les communes ont conscience que leur attractivité provient du bourg et les villages tels que Sainte-Foy- Tarentaise sont sensibles aux problématiques de conservation. Certains villages comme Valloire, qui possède une église classée, ont une servitude de protection. D’autres, comme Val d’Isère, imposent que les opérations, même nouvelles, utilisent de la lauze pour les toitures. Aujourd’hui, on réfléchit davantage aux critères d’insertion dans le paysage, même si cela a parfois du mal à descendre jusqu’à l’échelle du bâtiment, notamment pour des questions de coûts. Tout cela découle d’un travail de concertation avec tous les acteurs communaux et les autres services de l’État.

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