Mexique: la lagune de Bacalar, un modèle d’écotourisme

Habitas Bacalar, des cabanes au milieu de la nature. © Arkasha Keysers

Surnommée le « lac aux sept couleurs » pour son exquis dégradé de bleus, la lagune mexicaine de Bacalar connaît un boom touristique qui contraint les locaux à prendre des mesures draconiennes. Objectif: préserver un formidable écosystème naturel, mais aussi servir de modèle à tout un pays.

Texte et photos: Arkasha Keysers

Avec leurs mille nuances de bleu, les eaux limpides de la Laguna Bacalar attirent tous les regards. Longue de 55 kilomètres, cette merveille est longtemps restée un secret bien gardé. Jusqu’à ce que les touristes la découvrent : rien qu’en 2019, l’offre d’hébergements est passée de 500 à 1 200 chambres.

Un an plus tard, pourtant, coup du sort : la tempête tropicale Cristobal vient mettre son grain de sel dans cette histoire prometteuse, déversant sur la région des pluies torrentielles et provoquant de dramatiques inondations. Les mangroves, chargées de purifier l’eau avant qu’elle n’atteigne Bacalar, sont rapidement débordées et, accumulation de sédiments aidant, la lagune bleue vire au brun boueux pendant plusieurs semaines d’été. L’écosystème perd la boule.

Un écosystème vulnérable

S’il ne faudra « que » quelques mois au lac pour retrouver ses couleurs, l’événement permet au secteur touristique de la région de prendre conscience de la vulnérabilité de ses trésors. Ainsi, pendant que la population locale s’efforce de sensibiliser les visiteurs à la fragilité de la lagune, les initiatives durables se multiplient sur ses berges.

Notre précédente visite à Bacalar remontait à 2018. Nous avions logé dans l’un des rares hébergements du coin, qui possédait son propre ponton et des kayaks que les hôtes pouvaient emprunter gratuitement pour aller découvrir les environs. Les restaurants se comptaient pratiquement sur les doigts d’une main. Le soir venu, nous écrasions des avocats, de l’ail, des oignons, des tomates, du jus de citron vert et de la coriandre pour nous préparer un guacamole… que nous dévorions avec des nachos dénichés à l’épicerie du coin. Lors de notre retour en 2022, nous avons découvert un village avec des dizaines de bars à brunch, restaurants, cafés, hôtels et auberges, ainsi que des kayaks payants partout. La lagune a aussi pris des mesures pour bannir la circulation tous les mercredis, histoire de s’offrir un peu de répit…

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Tourisme vert

Au cours d’une soirée au Yak Lake Hostel, nous rencontrons Enrique Kikin, qui a lancé la fondation Mía Sustentable pour tenter de protéger Bacalar. Sur Google Earth, il nous montre comment plusieurs rivières rejoignent la lagune avant de poursuivre leur voyage vers la mer au fil d’une série de cours d’eau se jetant dans la baie de Chetumal. « Bacalar abrite un écosystème aussi petit qu’extrêmement fragile, explique l’homme.

La lagune est bordée de stromatolithes, des pierres sédimentaires fossiles composées d’une série de couches de bactéries. Les strates extérieures font de la photosynthèse et produisent des quantités énormes d’oxygène qui contribuent à préserver la santé de l’eau. Ces structures sont très sensibles au changement climatique, à la pollution et au simple contact humain. Hélas, comme elles ressemblent à de simples rochers, les touristes n’ont pas conscience des graves dommages qu’ils causent en y appuyant leur pagaie pour lancer leur kayak ou en grimpant dessus pour sortir de l’eau. La crème solaire aussi fait des ravages, ce qui explique pourquoi la population locale nage souvent en casquette, lunettes de soleil et manches longues.»

© National

Les entrepreneurs de Bacalar, eux aussi, ont pris conscience de la nécessité d’une protection rapprochée afin d’assurer la survie de la lagune. Autant dire qu’ici, désormais, la plupart des investissements concernent l’écotourisme. On fait appel à des travailleurs locaux, les matériaux viennent des environs et on fait la promotion d’activités durables qui permettent aux visiteurs de profiter de la beauté des lieux tout en limitant le plus possible leur impact sur l’écosystème. Petit tour d’horizon à travers cinq adresses qui ont tout compris.

Des spots inspirés

Soit on réserve une place sur le catamaran, soit on explore le lac à son rythme, sur un kayak (tous les hôtels et auberges de jeunesse en louent). Los Rápidos est un site idéal pour pique-niquer et se baigner. Un peu plus loin, Rancho Alegre offre une alternative plus authentique. Comme on le disait plus haut, attention aux stromatolithes…
Facebook : RanchoAlegreBacalar


Installée dans un coin de jungle avec vue sur la lagune, La Playita propose une cuisine fusion sud-américaine en version viande, poisson, végétarienne ou végane – à arroser d’un mango mezcal aussi beau que bon avant de piquer une tête depuis le ponton.
laplayitabacalar.com


Chez Nixtamal, la carte arbore de délicieux poissons, fruits de mer et viandes grillées. Les végétariens, eux, peuvent se ruer sur un savoureux portobello farci à la patate douce, au fromage de chèvre et au chimichurri. L’explosive margarita jalapeña est à réserver aux palais les plus aventureux.
@nixtamalcocinaafuegoyceniza

La margarita jalapeña du bar et resto de plage Nixtamal.
La margarita jalapeña du bar et resto de plage Nixtamal. © Arkasha Keysers


Casa Hormiga est un élégant boutique-hôtel de 18 chambres aux tons grèges. Détour obligatoire par sa splendide piscine entourée de murs où s’insinue la végétation tropicale. A tester aussi: les rituels insolites, comme les cérémonies du temazcal et du cacao qui s’inspirent de la culture maya afin de combler le besoin de relaxation et d’autoréalisation…
casahormiga.com


L’hôtel Habitas Bacalar est ouvert depuis quelques mois. Ses bâtiments «ont été adaptés au paysage et non l’inverse», insiste la gérante. Les petites cabanes au toit pointu ont ainsi été installées au milieu de la végétation, une particularité qui se remarque dans les douches extérieures, où les plantes se faufilent à travers les orifices du sol. Le bar offre une magnifique vue sur la lagune: le coin idéal pour apprécier une cervesa Bacalar, bière locale enrichie en spiruline qui lui confère une surprenante couleur bleutée. Le restaurant In Siete propose principalement des plats végétariens, comme une salade à la mangue nappée de sauce aux cacahouètes, de pastèque et de concombre à déguster à l’ombre du toit en chaume. Comme dessert? Va pour un Yucatecan lime, un délicieux cake au cacao, basilic pourpre et zestes de citron vert. Quand les sept couleurs du lac se retrouvent dans l’assiette, c’est le paradis…
ourhabitas.com

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