La course aux étoiles: comment les hôtels sont-ils classés, par qui et pourquoi ce n’est pas clair?
Même s’il a perdu une partie de son influence au profit des photos et commentaires clients façon Tripadvisor & Cie, le classement étoilé reste un critère de choix pour le secteur hôtelier. En cinq questions, on vous explique les méthodes d’attribution en Belgique… et ailleurs.
Connue dans le monde entier par son échelle étoilée – de 1 à 5 dans l’immense majorité des pays, jusqu’à 7 dans quelques lieux hors normes -, la classification des hébergements touristiques est aussi disparate qu’il existe d’organismes certificateurs, donc de destinations. Aucun système international n’a pu être mis en place jusqu’ici. Chaque pays a le sien, parfois public, souvent privé, pas toujours indépendant et, pour tout dire, pas forcément obligatoire.
En France, aux Etats-Unis, en Allemagne ou au Royaume-Uni, la classification s’effectue sur une base entièrement volontaire, alors qu’elle est imposée en Italie ou en Espagne. Conséquence: à nombre d’étoiles équivalent, un hôtel italien peut offrir des prestations très différentes de celles d’un établissement français, américain ou thaïlandais. Et même au sein d’un même pays, d’importantes disparités régionales peuvent subsister.
Toute proportion gardée, c’est le cas en Belgique. La certification ayant longtemps été communautaire, une enseigne bruxelloise pouvait choisir de se faire contrôler par la Cocof (Commission communautaire française) ou par la Communauté flamande. Résultat: « On trouve des hôtels situés dans la même rue qui affichent le même nombre d’étoiles mais dont les qualités n’ont rien en commun, souligne Rodolphe Van Weyenbergh de la Brussels Hotels Association. Je ne citerai pas de noms… »
1. Comment s’effectue la classification?
Depuis 2017, notre pays a choisi de s’aligner sur ses voisins du Nord en adoptant la classification établie par Hotelstars Union (HSU), une structure privée créée par la Fédération hôtelière européenne. Elle regroupe aujourd’hui dix-sept pays d’Europe centrale et septentrionale. Poids lourds: l’Allemagne, les Pays-Bas, la Scandinavie, l’Autriche ou la Tchéquie. Grands absents: les géants du tourisme que sont la France (n°1), l’Espagne (n°2) et l’Italie (n°5). Ces trois membres du top 5 mondial ont un statut d’observateur dans la HSU, mais ne semblent pas vouloir aligner leurs grilles d’évaluation sur celle développée par l’organisation.
Revue tous les cinq ans pour tenir compte de l’évolution du secteur et des technologies à leur disposition, celle-ci compte environ 250 critères de confort, de qualité, d’aménagements et d’équipements relatifs aux chambres, aux salles de bains, aux prestations hôtelières et à la restauration. Pour chaque catégorie, certains paramètres sont obligatoires (une bonne centaine pour pouvoir prétendre aux 5 étoiles), d’autres facultatifs (ils valent alors un certain nombre de points). « Des adaptations sont possibles d’un pays à l’autre », précise Pascal Fontaine, responsable des hébergements au Commissariat au Tourisme wallon. « Là où la climatisation sera exigée à Malte, les pays du Nord se focalisent plutôt sur le chauffage. » De même pour la piscine, indispensable au sud de l’Europe pour décrocher 3 étoiles alors qu’en Allemagne, par exemple, elle ne l’est même pas pour les catégories supérieures.
2. Quels sont les principaux critères?
« Ce qu’apporte l’adhésion à Hotelstars Union, c’est une harmonisation relative au niveau européen qui pourra s’étendre au fur et à mesure que d’autres pays rejoignent le nouveau système, souligne Pascal Fontaine. Mais celui-ci n’est pas radicalement différent de l’ancien. Sur les 240 hôtels classés en Wallonie, 210 sont aujourd’hui passés par la grille HSU et parmi eux, environ 10% ont été déclassés tandis que 5% ont gagné un rang. » Pour les clients, le changement le plus visible réside dans l’introduction de niveaux intermédiaires. Le classement compte dix classifications contre cinq auparavant, de 1 à 5 étoiles avec des divisions supérieures à chaque niveau. Elles permettent à l’hôtelier de monter en gamme sans forcément répondre à tous les critères exigés pour décrocher une étoile supplémentaire.
La liste des critères de la Hotelstars Union (disponible sur son site Web) stipule notamment qu’un hôtel 5-étoiles se doit de proposer de grandes chambres (10 points pour 14 m2, 25 points pour 30 m2), minimum deux suites, une réception ouverte 24 heures sur 24, un service de repassage, un accueil personnalisé, deux oreillers par personne, un coffre-fort, un appareil relié à Internet, une machine à cirer dans chaque chambre, un concierge, un restaurant, un bar, etc.
Pour passer à l’échelon supérieur, il doit totaliser 700 points au lieu de 600 – une piscine intérieure ou… un portier en vaut 15, une salle de congrès de 250 m2 en rapporte 25. Le cahier des charges est donc le même pour tous les établissements, mais en Belgique, ce sont les administrations régionales qui effectuent les contrôles. Et comme elles le reconnaissent elles-mêmes, d’une administration – voire d’un inspecteur – à l’autre, il peut y avoir des nuances.
3. Pourquoi ça cafouille en Belgique?
La classification hôtelière étant devenue une matière régionale, Bruxelles a pris un train de retard sur ses voisines. La mise en oeuvre du nouveau mécanisme est progressive et son rythme si différent entre les Régions que les étoiles affichées aujourd’hui par beaucoup d’établissements sont encore celles héritées de l’ancien classement.
Avant de pouvoir l’appliquer et effectuer les contrôles nécessaires, il a d’abord fallu couler la nouvelle grille dans les textes légaux. La Flandre fut la première en janvier 2017, rapidement suivie par la Wallonie en avril, la Région germanophone en juin… puis plus rien. La Région de Bruxelles-Capitale a dû attendre mars 2019 pour voir son parlement adopter l’ordonnance et janvier 2020 pour qu’elle entre en vigueur. Ensuite, bardaf! La Covid est arrivée. Aujourd’hui, il est donc quasiment impossible de savoir si la catégorie affichée par un hôtel belge correspond à la grille d’évaluation de l’ancien ou du nouveau système. Et tandis que la capitale sommeille, la Flandre et la Wallonie ont une ardeur d’avance.
4. Quels hôtels belges sont les mieux classés?
Bien sûr, un 4-étoiles « ancien système » ne va pas subitement se retrouver déclassé de deux catégories avec le nouveau. Mais il peut y avoir des différences. Jusqu’à la mise en oeuvre des nouveaux critères, le sud du pays se flattait de compter deux hôtels 5-étoiles. Ce n’était déjà pas beaucoup (Toerisme Vlaanderen en répertorie… 279 et Visit Brussels 14), mais ils ont aujourd’hui pratiquement disparu.
Passé au tamis de la nouvelle grille par les inspecteurs du Commissariat Général wallon au Tourisme, le Martin’s Château du Lac à Genval devrait se voir retirer un macaron – ce qu’il conteste et fait toujours l’objet de discussions, la décision étant dès lors mise en suspens. Tandis qu’à Liège, l’ancien Crowne Plaza devenu Van der Valk Sélys a lui aussi perdu une étoile mais, dans son cas, il se dit que le nouveau propriétaire lui-même préférait un positionnement moins luxueux histoire d’élargir sa clientèle business. Les crises successives ont en effet poussé de nombreuses multinationales à interdire les hôtels trop luxueux à leurs cadres en déplacement professionnel.
A l’inverse, certains commencent à viser plus haut, puisque la nouvelle classification le permet. A ce jour, deux établissements sont ainsi passés à 5 étoiles ou Supérieur, tous deux situés en Flandre: le Domaine La Butte au Bois à Lanaken et le Duke’s Palace brugeois. A Bruxelles, l’Amigo Rocco Forte et le Steigenberger Wiltcher’s auraient également fait une demande de surclassement, mais ils sont suspendus à la reprise des certifications par l’administration bruxelloise, paralysée depuis un an par la crise…
5. Y a-t-il plus chic que les 5-étoiles?
La plupart des destinations touristiques dans le monde classent leurs hôtels selon un système d’étoiles qui leur est propre, mais certains utilisent aussi d’autres symboles. Le Royaume-Uni privilégie les couronnes, les Etats-Unis préfèrent les diamants, la Grèce des lettres et l’Inde des points. Mais même avec les étoiles, difficile de s’y retrouver ou d’oser les comparaisons. En Turquie ou en Egypte, les contrôles sont tellement laxistes que les hôtels s’attribuent eux-mêmes leurs astres. Dans certains pays d’Asie comme la Thaïlande ou le Japon, ce sont aussi les hôtels qui décident de leur nombre, mais la plupart du temps, ils sont d’une honnêteté si scrupuleuse qu’ils offrent une qualité et un confort supérieurs aux attentes de leurs clients.
En Italie en revanche, la classification est obligatoire et rigoureusement contrôlée, mais les vingt régions compétentes appliquent chacune leurs propres critères… certaines permettant même aux hôtels d’acheter leur classement. En France, les 5-étoiles n’existent que depuis une dizaine d’années. La réforme du classement hôtelier initiée en 2009 a également introduit la distinction « palace » qui permet d’isoler certains établissements présentant des caractéristiques exceptionnelles en termes de situation géographique, d’intérêt historique, patrimonial ou architectural et de service sur mesure. Il en existe trente-et-un dans l’Hexagone, dont douze à Paris et… six à Courchevel.
Et puis il y a le Golfe et toute sa démesure. Dans les Emirats arabes unis, c’est la course aux 6, 7 ou même 8 étoiles! La palme revient au premier d’entre eux, le Burj al-Arab et sa forme caractéristique de voile gonflée par le vent au large de Dubai. Il ne compte que des suites dont la plus petite mesure 170 m2 et dont les prix varient de 1.000 à 18.000 dollars la nuit. Pour ce tarif, vous avez droit aux robinets en or, à un majordome dédié et à votre plage privée. Quelques rares autres hôtels affichent également 7 étoiles à Dubai (Pentominium), mais aussi à Milan (Town House Galleria), à Pékin (Pangu Plaza) et bientôt à Orlando en Floride (iSquare Hotel & Mall, ouverture prévue en 2022). Le premier 8-étoiles, lui, est né à Abu Dhabi, mais ce palais-là est hors catégorie: construit, dit-on, avec 40 tonnes d’or, il est en partie réservé à la famille royale…
Indépendamment des classements étoilés, on trouve aussi des labels visant à distinguer un nombre limité d’établissements remarquables dans le monde. Les deux plus connus sont The Leading Hotels of the World (LHW) et Relais & Châteaux. Le premier, né en 1928, compte aujourd’hui quelque 400 hôtels de luxe dans 80 pays, dont deux en Belgique: l’Amigo à Bruxelles et le Botanic Sanctuary à Anvers. Le second a vu le jour en 1954 et sa collection aligne 580 hôtels et tables d’exception sur les cinq continents, dont six chez nous: l’Heritage à Bruges, le Château de Vignée à Villers-sur-Lesse, le Domaine La Butte au Bois à Lanaken, l’hôtel Franq à Anvers ainsi que les restaurants Le Chalet de la Forêt à Bruxelles et Pastorale à Rumst.
Dans ces clubs très sélects, on trouve des palaces, des châteaux, des trésors d’architecture urbaine, mais aussi des camps de safaris et même des îles privées. Beaucoup sont des bâtiments classés ou des monuments historiques. Mais cela ne suffit pas. « Pour intégrer le portfolio, un établissement doit faire partie de la catégorie « hôtel de luxe », afficher des caractéristiques hors du commun et répondre à un certain nombre de standards en termes d’hébergement, de service, de gastronomie, de qualité du personnel et des équipements. Bref, dans tous les domaines impactant le confort et le bien-être des clients », résume Lise Veinand, Public Relations Manager de LHW. Il ne suffit pas de poser sa candidature, il faut ensuite passer une inspection rigoureuse où plusieurs centaines de critères sont passés au crible. Et seuls les plus raffinés atteignent le Graal…
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici