Paquebots de croisière à Venise: Cinq choses à savoir pour comprendre les enjeux

Paquebot Disney, dans la lagune de Venise, 1997

Après des années d’atermoiements, l’Italie a interdit l’accès du centre historique de Venise aux grands navires de croisière, accusés de mettre en péril la lagune et le patrimoine culturel de la Sérénissime.

Mastodontes bannis

Le gouvernement italien a adopté mardi soir un décret en vertu duquel, à partir du 1er août, les bateaux affichant plus de 25.000 tonnes de jauge brute, ceux faisant plus de 180 mètres de long ou de 35 mètres de tirant d’air, ou encore dont les émissions contiennent plus de 0,1% de soufre ne seront plus autorisés à entrer dans le bassin de Saint-Marc, le canal de Saint-Marc et le canal de la Giudecca.

Ils devront s’amarrer dans le port industriel de Marghera, tandis que les navires de croisière plus petits (environ 200 passagers) pourront continuer à accoster au coeur de la ville.

Une lagune fragile

Les vagues et la pollution générés par les paquebots érodent les rives, modifient les courants, polluent et brassent les sédiments toxiques, s’alarme une étude de décembre 2019 parue dans la revue Nature. Ces effets aggravent dangereusement l’avenir d’un écosystème « déjà exposé aux processus naturels et anthropogéniques comme la montée du niveau des océans et l’affaissement » du littoral, préviennent ses auteurs.

Venise inondée le 14 octobre 2019
Venise inondée le 14 octobre 2019© Reuters

La lagune de Venise est vulnérable aux grandes marées qui inondent régulièrement la place Saint-Marc et fragilisent les fondations de ses édifices.

Un système de digues artificielles baptisé MOSE (Moïse en italien, Module expérimental électromagnétique) est entré en fonction l’an dernier.

Placés aux points d’entrée de la lagune, 78 caissons remplis d’eau sont censés pouvoir se relever en 30 minutes pour créer une barrière capable de résister à une montée des eaux de trois mètres au-dessus de la normale.

Serpent de mer

L’interdiction de l’accès des grands navires au centre de la lagune vénitienne était un serpent de mer. Le débat s’est accéléré depuis une dizaine d’années.

Venise
Venise© Reuters

Une première loi avait été signée en 2012, interdisant le transit des paquebots de plus de 40.000 tonnes de jauge brute par le bassin de Saint-Marc. Ensuite, le dossier est resté empêtré dans « la marmelade bureaucratique », a dénoncé mercredi le ministre de l’Environnement à l’origine du décret de 2012, Corrado Clini.

Le gouvernement de Mario Draghi a mis le pied au plancher sous la pression notamment de l’association Comitato No Grandi Navi (« Comité Non aux Grands Navires ») et de l’Unesco, dont le Comité du patrimoine mondial menaçait, lors de sa réunion du 31 juillet, de placer Venise et sa lagune sur la liste du patrimoine en péril.

Les croisières génèrent 150 millions d’euros de revenus directs chaque année en moyenne, dont 70% sont dépensés par les touristes, 24% par les croisiéristes et 6% par les équipages

Et maintenant ?

Les retards accumulés n’ont pas permis de préparer à temps le port de Marghera, à l’entrée de la lagune. Dans les mois qui viennent, des quais provisoires seront aménagés et des navettes mises en place entre Marghera et le centre de Venise.

Dans un second temps, des plateformes d’approche offshore seront construites. Mais cela prendra des années. L’Autorité portuaire de la mer Adriatique septentrionale a publié le 29 juin un appel d’offres qui ne sera adjugé qu’en juin 2023.

Un risque économique

Le poids des croisières dans l’économie vénitienne est considérable.

Le port a vu débarquer ou embarquer en 2019 plus de 1,6 million de personnes pour 497 escales, avant que la pandémie ne mette un violent coup d’arrêt aux flux, avec un peu plus de 5.500 passagers pour seulement dix escales en 2020, selon les statistiques du cabinet de conseil et d’études Risposte Turismo transmises à l’AFP.

Les croisières génèrent 150 millions d’euros de revenus directs chaque année en moyenne, dont 70% sont dépensés par les touristes, 24% par les croisiéristes et 6% par les équipages, toujours selon Risposte Turismo.

Mais en y ajoutant les retombées indirectes, le secteur génère jusqu’à entre 400 et 500 millions d’euros de revenus par an et 90.000 personnes (opérateurs, logisticiens, transporteurs, sous-traitants, commerçants) en dépendent dans la région de Venise.

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