Visiter la sauvage Tasmanie, en 4X4 et sac sur le dos

Le cap Pillar et ses falaises de dolérite. © GETTY images

De l’autre côté du globe, presque oublié, se trouve l’un des derniers fragments de terre avant le grand Antarctique. Un paradis originel de forêts primaires, monts enneigés et plages solitaires. Encore peu touristique, cahoté par les quarantièmes rugissants, le trésor tasman se visite en 4×4, sac à dos et chaussures de rando. Itinéraire d’un road trip d’une semaine, la tête en bas et les pieds dans les nuages.

Façonnée, taillée, rognée, polie par les eaux tumultueuses du Pacifique sud et de l’océan Indien, cette splendeur émeraude – surnommée l’île du diable – est le plus petit Etat d’Australie. Séparée de la majestueuse île-continent par le détroit de Bass, elle s’étale sur 68 400 km2 et compte un demi-million d’habitants, pour une densité de population très faible de 7,5 habitants au km2. Une solitude frappante dès que l’on s’aventure hors des deux villes principales de l’île, Hobart et Launceston. C’est justement ce que viennent chercher ici les touristes aventuriers : une expérience intime et brute, face aux éléments.

JOUR 1 – MOULTING LAGOON GAME RESERVE

En atterrissant à Launceston, au nord de l’île, la première chose à faire est de louer une voiture, un 4×4 de préférence pour, plus tard, ne pas être freiné par une route rocailleuse ou un chemin de boue. Sur la plaque d’immatriculation, une inscription : comme une promesse ou un défi, la phrase  » Explore the possibilities  » (Explorez les possibilités) brille sous les chiffres habituels. Sacs et provisions dans le coffre, volant en main (à droite en Australie ! car on conduit à gauche…), il est déjà grand temps de quitter la ville pour se lancer sur les routes orientales : direction Moulting Lagoon Game Reserve. La côte est ralliée en 2 heures de pâturages dorés, vallées de jade et vignes grenat. Si la Tasmanie est un Etat essentiellement sauvage, elle est aussi connue internationalement pour sa production viticole. Les conditions météorologiques et géologiques de l’est de l’île en font une terre propice au développement de vignes de climat froid. Pinot noir et chardonnay sont les cépages rois. Un détour par le vignoble Devil’s Corner est donc de mise pour déguster un pinot grigio à la robe translucide, avec une vue imprenable sur le domaine, qui s’étend jusqu’à la zone humide de Moulting Lagoon Game. En face, de l’autre côté du lagon, les Friendly Beaches (littéralement  » plages amicales « ) sont vierges de toute trace humaine. La brume de fin d’après-midi drape l’endroit désert d’une atmosphère cotonneuse. Et si, face à la mer de Tasman, on enlevait nos chaussures pour prendre le temps de sentir le sable, blanc et glacé comme de la neige, entre nos orteils ? Les vents marins ont tôt fait d’effacer les pas et de rendre la plage à sa candeur. Il est temps de reprendre la route, direction le village de Coles Bay pour y passer la nuit.

JOUR 2 – FREYCINET NATIONAL PARK

Dans la baie de Wineglass, au pied de la chaîne des Hazards.
Dans la baie de Wineglass, au pied de la chaîne des Hazards.© Claire Carosone
Rencontre inévitable avec le wallaby.
Rencontre inévitable avec le wallaby.© Claire Carosone

Pour explorer la péninsule de Freycinet, il faudra laisser la voiture au parking. Le bout de terre abrite un des plus anciens parcs naturels de l’île, créé en 1916 : le Freycinet National Park, qui se visite en randonnée. Réduite en son centre en un isthme de 2 km de large, et ceinturée des monts de granite rose de la chaîne des Hazards, la péninsule dissimule ce qui est considéré comme l’une des dix plus belles plages au monde : la baie de Wineglass. Nouvelle référence à la culture viticole, elle tire son nom de sa forme évocatrice de verre à pied. Et c’est à pied justement que l’on explore la presqu’île : un circuit de 11 km relie cette baie à la plage des Hazards (des deux côtés de l’isthme), en 5 heures. Au détour du sentier, une femelle wallaby surgit des fourrés, un petit dans sa poche, et disparaît aussitôt en deux bonds. Les plus sportifs peuvent tenter l’ascension du mont Amos (3 heures) pour prendre de la hauteur et, si l’effort ne s’en est pas déjà chargé, se laisser couper le souffle par la vue sur la Great Oyster Bay.

JOUR 3 – TASMAN PENINSULA

Après une deuxième nuit à Coles Bay, réveil aux aurores pour prendre son petit-déjeuner avec le soleil, lui aussi à peine levé sur la (bien nommée) Sleepy Bay, à environ 15 minutes de route. En contrebas des monuments granitiques, deux otaries virevoltent entre les vagues matinales.

Retour dans la voiture pour 3 heures de paysages côtiers vers le sud. Après la péninsule de Freycinet, place à celle de Tasman, reliée, elle aussi, à la Tasmanie par un isthme, Eaglehawk Neck, d’à peine 30 m de largeur. Entre terre et mer, la presqu’île se construit de formations géographiques improbables : damier naturel de Tessellated Pavement, arche de Tasman ou encore cathédrales de dolérite du Cap Pillar, plus hautes falaises maritimes de l’hémisphère Sud. On passera la nuit dans la ville de Hobart, capitale économique et culturelle de l’Etat, avant de repartir, dès l’aube, pour des contrées plus sauvages.

JOUR 4 – BRUNY ISLAND

Le phare de Bruny Island.
Le phare de Bruny Island.© Istockphoto
Sur Bruny Island, l'huître est reine.
Sur Bruny Island, l’huître est reine.© Claire Carosone

La petite soeur de l’île du Diable est accessible uniquement par ferry depuis le port de Hobart. Les voitures s’entassent en ligne sur le large pont du bateau, 30 dollars (environ 25 euros) pour toute l’équipée et 20 minutes sur les flots cobalt. Bruny Island, du nom de l’explorateur français Antoine Bruny d’Entrecasteaux, regorge de petites pépites pour les papilles. A côté des vins de terroir, des caramels et des fromages, on fera notamment une halte à la ferme ostréicole Get Shucked pour goûter l’océan tout entier en une bouchée d’huître. Sur l’île de 300 km2, les graviers et la boue reprennent leurs droits sur l’asphalte et mettent à rude épreuve les suspensions du 4×4. On se laisse guider par les courbes et inflexions des chemins et digresser sur les pistes désertes. Lors d’une énième échappée de route, le panorama rend l’arrêt nécessaire. Une avancée boueuse surplombe la forêt d’eucalyptus, qui brume encore de la pluie récente. Et en face, plus de limites, seules les mers du Sud. Immenses, glaciales, absolues. On l’a finalement atteint, le bout du monde.

JOUR 5 – MOUNT FIELD NATIONAL PARK

Mount Field National Park, splendide étendue de forêts, de lacs et de cascades.
Mount Field National Park, splendide étendue de forêts, de lacs et de cascades.© Claire Carosone

Après le sud, le tour de l’île continue dans le sens des aiguilles d’une montre, direction l’ouest, ses forêts primaires et ses chutes d’eau. La moitié de la Tasmanie est couverte de forêts, protégées par 823 parcs et réserves naturelles. Certaines de ces jungles, classées au patrimoine mondial de l’Unesco, abritent parmi les arbres les plus vieux et les plus hauts du globe. Des sentiers de randonnée permettent de rencontrer ces titans de bois, qui cachent, dans leur ombre, les fougères arborescentes et les cascades assourdissantes de Russell et de Horseshoe. Une dernière bouffée d’air mousseux, c’est parti pour 4 heures et demie en voiture, les vallées s’enchaînent derrière la vitre, les butes deviennent des collines et les collines des montagnes. Nous voici dans la chaîne de Cradle Mountain. Pas de réseau et encore moins de 3G, il faut revenir aux bonnes vieilles méthodes, carte et sens de l’orientation, pour trouver son chemin jusqu’à un chalet solitaire avant que la nuit ne tombe.

Si le confort du feu de cheminée et des bras de Morphée rend la chose difficile, on se laisse tirer du lit en pleine nuit pour se glisser dehors sans bruit, la couette sur les épaules, et admirer le ciel le plus étoilé. Loin, très loin de toute pollution lumineuse, les plus chanceux attraperont, d’un battement de paupière, une étoile filante ou une aurore australe.

JOUR 6 – CRADLE MOUNTAIN

Pour des randonnées mémorables, direction Cradle Mountain.
Pour des randonnées mémorables, direction Cradle Mountain.© GETTY images

Le ciel dégagé de la nuit a laissé place à des averses inflexibles. Ça tombe bien, aujourd’hui, c’est randonnée toute la journée. En vue : l’ascension du mont Cradle, qui culmine à 1 545 m d’altitude. Ciré sur le dos, sacs emballés dans du plastique et chaussures imperméables aux pieds, c’est parti pour 6 heures à grimper. Les wombats, ces petits marsupiaux qui ressemblent à des oursons, sont aussi insensibles à la pluie qu’à la présence humaine. Tandis qu’ils paissent sur les côtés, les roches glissantes du sentier ralentissent la marche. La végétation se fait plus rare et les gouttes se transforment en flocons. Enfin le sommet. La vue promise sur les montagnes et leurs lacs est… absente, bouchée par les nuages et la brume. Mais la satisfaction est tout de même là, celle d’avoir vécu (et survécu à) une épopée trempée.

JOUR 7 – MOLES CREEK

Grottes de Moles Creek.
Grottes de Moles Creek.© Istockphoto

Plus que 150 km, nord nord-est, pour boucler la boucle et revenir à Launceston. Mais un dernier arrêt s’impose : Moles Creek et ses grottes de calcaire. Les plus impressionnantes, Marakoopa Cave (du mot aborigène  » marakoopa  » : splendide) et King Solomons Cave, se visitent avec un guide. Syndromes du paysage karstique du nord de l’île, les grottes se charpentent de formations vertigineuses de stalactites et stalagmites, qualifiées de cathédrales souterraines. Dans cet environnement humide et obscur, propice au développement de vies particulières, des vers luisants nichent en silence. Le guide éteint alors toutes les lumières (il ne faut pas perturber ces insectes fragiles plus longtemps) et le plafond rocailleux s’illumine d’une myriade d’étoiles fourmillantes. L’infinie voûte céleste de Tasmanie n’a jamais été aussi proche.

A prévoir

– Un permis international (à commander avant le départ)

– De solides chaussures de randonnée imperméables

– Une casquette

– Un ciré

– Des cartes détaillées des routes et chemins de randonnée

– Une bonne playlist pour les longues routes

– Des réserves de nourriture à portée de main dans tous les recoins de la voiture

Le currawong ou
Le currawong ou  » réveilleur noir « .© GETTY images
En pratique

Se renseigner

www.australia.com

www.discovertasmania.com.au

Y aller

L’île est accessible uniquement depuis l’Australie continentale. Les deux principales villes de Tasmanie, Hobart et Launceston, ont des liaisons directes depuis Melbourne, Sydney et Brisbane. Une liaison en ferry depuis Melbourne est également disponible.

Etihad Airways propose des vols Bruxelles-Melbourne-Launceston à partir de 1 300 euros A/R.

www.etihad.com

Période idéale

L’île se visite surtout de fin septembre à mi-mars (pendant les printemps et été austraux).

Conduire

Entre 300 et 350 euros pour un SUV pour 7 jours. Comparer les prix sur

www.vroomvroomvroom.com.au

Bonnes adresses

Devil’s Corner Cellar Door. Dégustation et achat de vin, mais aussi restaurant. 1, Sherbourne Road, Apslawn.

www.brownbrothers.com.au

Get Shucked Oyster. Ferme et bar à huîtres. 1735, Bruny Island Main Rd, Great Bay.

www.getshucked.com.au

Airbnb Cradle Mountain. Le Round Hill Coffee and Accomodation est un châlet pour 5 voyageurs (4 chambres et une salle de bains), perdu au milieu des monts boisés. 80 euros la nuit.

www.airbnb.fr/rooms/16725395

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