Pour les vignerons français, un millésime 2024 très compliqué

millésime 2024 compliqué
"La résilience, c'est le cœur de notre métier, mais beaucoup ont jeté l'éponge cette année", raconte © Getty Image

Gérer les dégâts de la grêle ou de la sécheresse sur le raisin, chasser un parasite dans les vignes: déjà éprouvés dans certains vignobles par les difficultés à écouler leur production, les vignerons français ont de nouveau dû composer en 2024 avec une météo capricieuse.

La propagation du mildiou, une maladie causée par un champignon et favorisée par l’humidité, a particulièrement occupé presque tous les viticulteurs interrogés par l’AFP. Autre particularité en 2024: les vendanges devraient débuter plus tardivement que ces dernières années.

Des premières estimations sur la production viticole en France seront publiées vendredi par le ministère de l’Agriculture. En 2023, elle avait légèrement progressé, permettant à l’Hexagone de devenir premier producteur mondial de vin devant l’Italie et l’Espagne.

Deux fois plus de travail

Le mildiou, c’est « deux fois plus d’heures de travail, deux fois plus de traitements, deux fois plus de coûts, avec des équipes appelées la nuit et les week-ends… » explique Stéphane Gabard, président de l’ODG Bordeaux rouge, la principale appellation du vignoble bordelais.

« Depuis 2017, il n’y pas eu une seule campagne sans aléas météorologique… La résilience, c’est le cœur de notre métier, mais beaucoup ont jeté l’éponge cette année », raconte ce viticulteur installé à Galgon (Gironde).

En crise de surproduction, le vignoble bordelais s’est résigné à arracher une partie de ses vignes, avec des compensations financières. « Une petite récolte permet de rééquilibrer le marché, mais une récolte trop faible fait perdre des parts de marché », met en garde M. Gabard.

Des cultures écoresponsables « plus délicates »

Jean-Marc Lafont, président d’Interbeaujolais, s’attend à une récolte disparate. « Nos vignobles se sont beaucoup engagés dans des cultures plus écoresponsables, ce qui rend le travail plus délicat, plus précis, et les marges de manœuvre beaucoup plus faibles », précise-t-il. « Quand on a une météo compliquée comme cette année, c’est plus difficile de produire. »

Par exemple, la sécheresse a encore fait des dégâts dans le Languedoc-Roussillon. « C’est catastrophique, tout est en train de se dessécher », déplore Etienne Laris, 50 ans, président de la coopérative Mont Tauch, dans le sud-est de l’Aude.Il s’attend à des rendements autour de 20 hectolitres par hectare (hl/ha), contre 35 habituellement.

Dans les Pyrénées-Orientales, sur les 14 hectares du domaine de Tambour où l’irrigation est interdite, Clémentine Herre espère, elle, un « beau millésime ». Avec quelques pluies au printemps, « les vignes ont repris un peu de couleur, on n’a pas une mortalité comme ces dernières années », se réjouit la vigneronne.

Plus au nord, le gel d’avril a fait souffrir les vignes de la vallée du Lot. Anne Swartvagher, gérante du Château Saint-Sernin, estime que 95% du domaine a été touché. « Si on fait entre 10 et 15 hl/ha, ce sera bien le maximum. A moins de 5 hectolitres, on ne vendangera même pas », soupire-t-elle.

Les pieds dans l’eau

Dans le Val de Loire, Luc Poullain décrit une « année de merde » pour ses vignes du Domaine des Echardières, près du château de Chenonceau, en raison « d’un printemps et d’un été humides et d’une attaque de mildiou ultra-précoce », qui pourrait faire baisser sa production d’environ 20%.

Christophe Vilain, vigneron au Loroux-Bottereau et président de la Fédération des vins de Nantes, s’est lui retrouvé avec de la vigne « les pieds dans l’eau ». Il prévoit une récolte de 20 à 25 hl/ha, contre 42 à 45 habituellement en moyenne. « On a un peu de stock, on va pouvoir alimenter les marchés, mais ça va être serré. »

Une floraison chaotique

La production en Bourgogne avait grimpé à un record en 2023. « On va avoir au moins 30% de moins », estime Ludivine Griveau, régisseuse des 60 hectares de vignes des Hospices de Beaune.

Le « printemps froid » a freiné le bon développement des grappes puis la pluie a provoqué « une floraison chaotique », ainsi que des maladies comme le mildiou, explique-t-elle.

A Goxwiller, dans le vignoble alsacien, Christophe Koenig a dû augmenter les traitements de bouillie bordelaise, à base de cuivre, pour combattre le parasite.

Son coût de production s’en ressent, non seulement à cause de l’achat du fongicide, mais aussi du carburant nécessaire au tracteur qui pulvérise la solution, les pluies récurrentes obligeant à retraiter les vignes entre chaque phase de précipitations.

Le vigneron ne prévoit pas de démarrer les vendanges avant le 5 ou le 10 septembre pour le crémant, alors qu’il avait pris l’habitude de commencer fin août. « On revient presque sur une année normale », comme avant les changements climatiques, souligne-t-il.

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