Ce que contient vraiment notre alimentation: une vérité peu appétissante

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« Rien de plus de bidon que l’industrie alimentaire. Si on savait ce que contient vraiment la nourriture industrielle, on ne l’achèterait pas. » C’est là le message assez effroyable du livre Swallow This: Serving Up the Food Industry’s Darkest Secrets de la journaliste d’investigation Joanna Blythman.

Joanna Blythman n’a pas commencé à écrire ce livre dans le but de renforcer les préjugés sur tout ce qui sort d’une boîte à conserve, d’un bocal, d’une bouteille, d’un paquet, d’un sac en plastique ou d’un tube. Mais elle a voulu montrer que, même en évitant les aliments de toute évidence mauvais pour la santé comme les snacks frits, le pain blanc pâteux, les gâteaux industriels et les bonbons, on ingurgite tout de même toutes sortes de crasses.

Car les légumes déjà coupés, les jus de fruits, les yaourts, les barres de céréales, les fromages vieillis « de façon traditionnelle » et la viande « au rayon frais », sont plus passés par les moulins de la technologie moderne qu’on ne le pense. Bref, il est pratiquement impossible d’éviter les 6.000 additifs contenus dans la nourriture, les exhausteurs de goût, les agents d’enrobage, les correcteurs de goût, les anti-agglomérants, les solvants, les conservateurs, les colorants, les correcteurs d’acidité, les émulgateurs, les antioxydants, les agents de liaison, les agents de blanchiment, et les édulcorants sans parler d’une série d' »additifs » dont on ne parle pas. Rencontre avec l’auteur de cette charge contre l’industrie agroalimentaire.

Comment avez-vous trouvé vos informations?

Joanna Blythman : Les sites web publics d’usines qui fournissent des ingrédients à l’industrie alimentaires n’apprennent rien, mais servent uniquement à promouvoir les entreprises. Il existe aussi des sites d’entreprise auxquels il faut être abonné et auxquels les journalistes n’ont pas accès. Heureusement, les collaborateurs de certaines entreprises se sont montrés prêts à aider. Ils m’ont procuré une couverture pour accéder à des informations qui n’ont jamais encore été révélées en public. Ainsi, grâce à une fausse preuve d’identité j’ai pu m’inscrire à la bourse annuelle Food Ingredients, où les usines alimentaires font leurs achats. En 2013, cet événement sur trois jours se tenait dans l’énorme Festhalle du Frankfurter Messe.

Pour quelqu’un comme moi qui aime manger, un salon comme ça, c’est surréaliste, car on ne peut absolument pas se fier aux apparences. Vous croyez avoir affaire à un délicieux amuse-gueule de fromage aux herbes? C’est en fait de la feta au glucono-delta-lactone, un ester dans un cycle d’acide gluconique qui prolonge la durée de conservation. Les petits fours ne contenaient ni oeufs, ni beurre, ni crème, mais une protéine de pomme de terre, un ingrédient révolutionnaire qui « imite le volume, la texture, la stabilité et la sensation en bouche » d’un gâteau classique.

Et pour quelle raison un producteur de nourriture utiliserait toutes sortes d’épices s’il existe un mélange tout fait qui donne les caractéristiques souhaitées à votre produit de base ? Ainsi, vous pouvez frotter votre poulet précuit et injecté d’eau de toute une variété de ces mélanges qui donnent un goût chinois, thaï, marocain, tandoori, mexicain, italien ou créole à la viande. Bref, Food Ingredients ne relève pas du domaine d’agriculteurs et de jardiniers, mais d’ingénieurs et de chimistes qui pensent : ce que fait la nature, on peut le faire beaucoup mieux et de manière plus rentable.

Connaît-on les conséquences pour la santé de toutes ces additions chimiques?

Joanna Blythman: Souvent, les producteurs alimentaires qui font leurs courses dans un salon comme Food Ingredients ne comprennent pas eux-mêmes ce qu’ils achètent. Par exemple, ils connaissent la substance qui fait en sorte que les pains ont tous le même brun quand ils sortent du four. Mais ils ne savent rien du processus scientifique qui se cache derrière le procédé. Les producteurs partent du safety in numbers, à savoir: chacun le mange, donc c’est que c’est sûr. Comment démontrer que ce sont les numéros E qui ont rendu un patient malade ? Mais quand on voit que de plus en plus de gens souffrent de problèmes d’intestins, d’allergies alimentaires, d’obésité et de diabète de type 2, le rapport est indéniable.

Les consommateurs ne sont-ils pas hypocrites? Nous voulons manger sainement, mais nous ne sommes pas prêts à y mettre le prix. Un sachet de salade mixte qui reste « frais » pendant une semaine, c’est impossible, non ? Mais l’alternative, c’est d’acheter et de laver quatre sortes de salade.

Joanna Blythman: C’est ce qu’on appelle de la nourriture alibi, cette salade mixte. C’est une façon facile de manger des légumes et de se donner l’impression de manger sainement. Il y a d’ailleurs peu de gens qui trouvent cette salade vraiment bonne. Faire ses courses au supermarché est souvent une routine, on se promène le long des rayons comme un robot et on achète toujours la même chose. Et une fois à la maison, on jette ce sachet de salade dans le réfrigérateur, où pourrit encore le reste de la semaine d’avant. Ces sachets sont d’ailleurs identiques toute l’année. Je suis adepte du fait de se nourrir en fonction des saisons. J’aime faire mes courses au marché, là on se dit : Ah, il est temps de manger des asperges, ou des champignons ou du chou-fleur. Manger sainement demande un petit effort, mais augmente la créativité dans la cuisine.

Les nouveaux supermarchés design où tout est bio, artisanal et authentique sont très tentants. Mais le sont-ils vraiment ?

Joanna Blythman: En général, on peut partir du principe que l’alimentation biologique contient moins d’additifs, on parle de 28 au lieu de 300, par exemple. Et dans la production de l’alimentation biologique, on se préoccupe plus du bien-être animal. Mais il ne faut pas croire aveuglément tout ce qu’ils racontent non plus.

Le chocolat bio ne contient pas moins de sucre que l’ordinaire, mais c’est du sucre bio. À l’époque, ma fille achetait de la sauce biologique à 4 euros le petit pot. Mais l’étiquette mentionnait quand même quelques éléments qui ne lui plaisaient pas. Maintenant, elle cuisine son propre chili, qui est délicieux et ne coûte presque rien. Et cela ne prend pas énormément de temps, puisque finalement, la sauce mijote pendant que vous faites autre chose.

Linda Asselbergs

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