Crise dans le vin: blanc, crémant, rosé… Bordeaux tente de se dépoussiérer

20015, une année exceptionnelle pour les vins de Bordeaux

Des vins frais pour rajeunir l’image de Bordeaux? Souvent résumé à ses grands crus rouges qui peuvent « faire un peu poussière », le célèbre vignoble français veut promouvoir ses vins rosés, blancs ou crémants, une offensive marketing sur fond de surproduction persistante.

C’est l’un des axes de restructuration de la prestigieuse appellation: outre un plan d’arrachage subventionné de 9.500 hectares de vignes à hauteur de 57 millions d’euros, dont le guichet doit ouvrir début juin, et une campagne de distillation des excédents, la filière mène en parallèle une opération séduction.

L’interprofession du premier vignoble AOC de France avec 110.000 hectares, dont 85% en rouge, a lancé ce mois-ci la campagne de promotion « Frais et Bordelais ». Elle cible les moins de 35 ans et met en lumière ses vins blancs, rosés, pétillants ou rouges servis frais, pour concurrencer bières et autres apéritifs.

« On a surtout besoin de gagner en proximité. Que les gens se disent: « les vins de Bordeaux, c’est pour moi aussi » », explique à l’AFP Florence Bossard, directrice marketing du Comité interprofessionnel des vins de Bordeaux (CIVB).

« Part de gosier »

« Il y a de la part de gosier à aller chercher », illustre-t-elle, sans renier l’image patinée des grands crus, qui représentent 5% des surfaces bordelaises et 30% du chiffre d’affaires.

« Ça peut faire un peu poussière, mais ça a de la valeur », assure-t-elle.

En 2022, selon le cabinet d’études spécialisé IRI, les ventes de vins non pétillants ont baissé de 6% sur un an en France, « davantage sur les rouges (-9%) que sur les blancs (-6%) ou les rosés (-1%) ».

« Je suis très confiant sur le développement du blanc », notamment à l’international, tranche Jacques Bouey, président de la maison de négoce bordelaise Bouey.

Selon lui, le vignoble a « loupé collectivement » ces nouveaux modes de consommation depuis dix ans. « Nos racines, ça restera les châteaux, le rouge, l’élevage, l’assemblage… Mais il faut ouvrir notre champ de propositions », juge-t-il.

Certains vignerons ont pris les devants en diversifiant leur offre, comme par exemple le crémant, dont la production a presque doublé en cinq ans.

A Soussac, près de Bordeaux, Thierry Bonnet a lui basculé à 100% en rosé en 2014 pour « se démarquer » de ses voisins.

« J’étais le fou du Bordelais », s’amuse le viticulteur du domaine Château Marot (25 hectares), qui récoltera cette année sa première cuvée en bio. « On a vu arriver la crise et on s’est dit: pourquoi pas les rosés? »

Cet investissement de 100.000 euros permet à Thierry Bonnet et à sa compagne Sylvie Morin de résister « un peu mieux » que leur voisins confrontés à la chute des prix de négoce du vin rouge.

« C’est du flan! »

« Aujourd’hui, le pari est gagné », dit-il à l’AFP dans sa propriété de l’Entre-deux-mers où le millésime 2022 s’est entièrement écoulé. « Ici les cuves sont vides. Désormais mes voisins me disent: +Toi, tu as de la chance, tu fais du rosé+. »

Pour le collectif local de vignerons Viti33, qui réclame davantage d’arrachage subventionné face à une surproduction évaluée à un million d’hectolitres, cette campagne de communication sur les vins frais ne suffira pas.

« C’est du flan! », assène son porte-parole Bastien Mercier. « Le problème, c’est que la mode change très vite. Demain, peut-être que le rosé ne sera plus à la mode. Et quand tout le monde se sera mis au crémant, le crémant va se casser la figure. »

Florence Bossard reconnaît que ce n’est pas une solution « miracle », mais juge positif « d’essayer d’aller grappiller des parts de marché », notamment aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni, grands amateurs de vins blancs.

Bastien Mercier prône plutôt un assouplissement du cahier des charges « tellement complexe » de l’AOC Bordeaux, afin de « s’adapter à la demande », par exemple avec des vins plus sucrés. Certains vignerons bordelais préfèrent d’ailleurs produire en appellation « Vin de France », moins contraignante.

« On a des nouvelles propositions sans sulfites et la réalité c’est qu’on ne les fait pas en appellation Bordeaux », confirme Jacques Bouey, dont la maison exploite 65 hectares dans le Médoc. « Un peu plus de liberté ne nuirait à personne. »

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