Cuisiner à partir d’aliments rescapés des poubelles: le succès des restaurants anti-gaspillage du chef Adam Smith
Ancien chef, Adam Smith s’est reconverti dans la lutte contre le gaspillage alimentaire en ouvrant dans le nord industriel de l’Angleterre un café où l’on ne sert que des plats concoctés à partir d’aliments rescapés des poubelles. Un projet qui s’est rapidement étendu.
« Dès le premier jour, j’ai cherché à nourrir le monde et c’est toujours ce que je cherche à faire », a déclaré le chef Adam Smith, à l’AFP en revenant sur l’ascension de son empire éthique, the Real Junk Food Project (RJFP), qui compte désormais 120 cafés affiliés dans le monde.
Il s’appelle Adam Smith mais n’a rien à voir avec son célèbre homonyme du XVIIIe siècle, théoricien du libéralisme économique et auteur de La Richesse des Nations.
Lancé en décembre 2013 dans un centre communautaire du quartier défavorisé d’Armley à Leeds, son projet réunit aujourd’hui des établissements en Australie, en France, en Corée du Sud, aux Etats-Unis… et jusqu’au Nigeria.
« Les gens commencent à nous prendre au sérieux », se félicite Adam Smith, au retour d’un événement de sensibilisation à la lutte contre le gaspillage au parlement britannique, où il a servi aux députés des plats composés d’aliments récupérés dans les poubelles.
Le concept est simple: récupérer de la nourriture qui autrement serait jetée – en général parce que la date limite de consommation est dépassée – et la transformer en des plats parfaitement comestibles.
Depuis les débuts du Real Junk Food Project, près de 200 tonnes d’aliments ont été « interceptées » et réutilisées dans les cafés affiliés, indique Adam Smith.
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1,3 milliard de tonnes d’aliments jetés
Selon les Nations Unies, près d’un tiers de la nourriture produite dans le monde pour les humains chaque année est perdue ou jetée, soit approximativement 1,3 milliard de tonnes.
En offrant des repas en échange d’une contribution libre et volontaire dont le consommateur fixe lui-même le montant, les cafés RJFP contournent les réglementations en matière d’alimentation qui interdisent au Royaume-Uni la vente de nourriture périmée.
« Nous jugeons par nous-mêmes si la nourriture est propre à la consommation en la goûtant ou en la sentant », explique Adam Smith.
Son intention première n’était pas de nourrir les pauvres. Mais dans de nombreuses communautés, le système qu’il a initié est devenu un moyen d’aider les personnes à faibles revenus ou sans ressource.
Aidée de 90 bénévoles, Shena Cooper, une retraitée, dirige le café RJFP « Elsie’s » à Northampton, dans le centre de l’Angleterre.
« Certaines personnes viennent pour un café et une part de gâteau et donnent quelques livres. Mais d’autres n’ont pas les moyens de contribuer », explique-t-elle.
Les bénévoles doivent relever le défi de créer des plats savoureux avec les aliments qu’ils trouvent, un challenge qui fait « partie du plaisir pour eux », note-t-elle.
Au Elsie’s ce mois-ci, un chef invité a transformé des produits locaux aux dates de consommation dépassées en un repas qui se voulait gourmet avec en entrée, crostini accompagné d’une sauce à la poire, puis saucisse tressée avec son cake de polenta avant de conclure sur un dessert à la figue et au chocolat.
Ici, « vous pouvez avoir bonne conscience en mangeant un gâteau ! », plaisante Heike Mapstone, employée dans un centre d’appels. A ses yeux, ce café est « une super idée ».
Shena Cooper a conscience que son initiative ne représente « que la partie émergée de l’iceberg » en matière de lutte contre le gaspillage, mais elle espère qu’au bout du compte les efforts cumulés permettront « de montrer le système alimentaire tel qu’il fonctionne vraiment ».
Connectés contre le gâchis
« Il y a tellement de choses choquantes », juge-t-elle. « Le fait qu’on fasse faire la moitié du tour du monde en avion à des bananes que l’on jette ensuite à la décharge est ridicule ! »
A Brighton, Adam Buckingham nourrit chaque semaine 200 personnes dans un café RJFP installé dans une église. Parmi les dons de nourriture, des jambons Serrano et une grosse quantité de chocolat.
« Ça choque les gens de savoir que toute cette nourriture aurait pu finir à la poubelle », dit-il, appelant à un changement des lois et des mentalités.
Dans le nord de Londres, un duo d’entrepreneurs, Tessa Cook et Saasha Celestial-One vient, lui, de lancer une application (« Olio ») destinée à mettre en contact des consommateurs ayant de la nourriture en surplus et d’autres cherchant à récupérer des aliments.
« Nous avons fait une étude de marché et nous avons découvert qu’un tiers des gens souffrent à l’idée de jeter de la nourriture », explique Tessa Cook. « Pour moi, ça a été une révélation ».
Une quinzaine de « fournisseurs », des particuliers et des entreprises, ont pour l’instant adhéré au système, qui se limite à l’enceinte de Londres. Mais Tessa Cook espère pouvoir élargir le champ rapidement.
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