Cuisiner le bortsch, vital pour des réfugiés ukrainiens

© Getty Images

D’une couleur rouge intense, le borchtch mijote, tandis que Ioulia, une réfugiée ukrainienne, retourne sur une poêle des morceaux de saindoux qui assaisonneront les varenyky, ravioli ukrainiens aux pommes de terre, dans les cuisines d’un bistrot parisien.

D’une couleur rouge intense, le bortsch mijote, tandis que Ioulia, une réfugiée ukrainienne, retourne sur une poêle des morceaux de saindoux qui assaisonneront les varenyky, ravioli ukrainiens aux pommes de terre, dans les cuisines d’un bistrot parisien.

« Il est important de promouvoir notre culture », assure Ioulia Tkatchenko, 45 ans, originaire de Tcherkassy (centre), qui a fui la guerre avec sa fille.

Elle est l’une des trois Ukrainiens qui animent le projet éphémère du chef américain Daniel Rose, qui a transformé son restaurant parisien « La Bourse et la vie » en « Le Bortsch (borchtch en français) et la vie ».

On y mange des plats traditionnels ukrainiens comme varenyky aux griottes, gretchanyky (boulettes de sarrasin avec de la viande) ou gâteau au miel à la crème aigre, en plein centre de Paris jusqu’à fin mai.

En raison de l’histoire familiale de Daniel Rose dont l’arrière-grand-mère avait immigré aux Etats-Unis d’un village d’Europe de l’Est aux confins de l’Ukraine actuelle, cette guerre a une résonance particulière pour lui.  « Ce projet est un petit effort pour que des gens puissent continuer à vivre », explique-t-il à l’AFP.

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Appropriation culturelle

Le nom du bistrot éphémère ne s’explique pas que par des similitudes phonétiques entre la bourse et le borchtch: défendre « le plat national d’un peuple qu’on essaie de déficeler », c’est « défendre l’identité ukrainienne », souligne-t-il. 

Avant même l’invasion du 24 février, « la guerre du borchtch » faisait rage entre l’Ukraine et la Russie, Kiev cherchant à faire inscrire cette soupe à la betterave et au choux au patrimoine immatériel de l’Unesco, comme la pizza napolitaine ou le vin de Géorgie, et accusant Moscou d’appropriation culturelle.

Signe que le chemin reste long à parcourir pour l’Ukraine, le guide Michelin, bible des gastronomes dans le monde, a cité le borchtch parmi les plats phares de la « scène culinaire russe » en lançant son édition russe en 2020 avant de se retirer du pays en raison de la guerre en Ukraine.

Ce combat gastronomique a été relégué au second plan, mais n’a pas perdu d’actualité face au discours du président Vladimir Poutine qui nie à l’Ukraine son identité et estime que les peuples russe et ukrainien ne font qu’un. 

« Le borchtch est une arme forte. De nombreuses personnes dans le monde connaissent le borchtch, mais peu savent que c’est un plat ukrainien », dit Ivan Tabalov, chef ukrainien du projet, originaire de la ville d’Odessa, dans le sud de l’Ukraine, et diplômé de l’Ecole culinaire française Le Cordon Bleu. 

« On essaie de faire en sorte que les clients dégustent et s’en souviennent. L’Ukraine ne doit pas être associée seulement à la guerre, mais aussi à la gastronomie », dit-il. 

Comme chez le grand-père

Certains clients sont venus « par pitié », réticents à découvrir des « goûts nouveaux » ce qui l’agace. « On n’est pas brisés, ce n’est pas une corvée, on est heureux de présenter notre culture ici ». 

Alina Prokopenko, 22 ans, diplômée de droit, étudiante en histoire de l’art et pâtissière autodidacte, a fui Kiev avec sa mère et sa soeur, qui sont restées chez des amis en Autriche. Elle est allée jusqu’à Paris pour trouver un travail dans la restauration. 

Elle a répondu présente à l’annonce de Daniel Rose et lui a proposé des desserts comme le gâteau au miel, ou le syrnyk, une sorte de cheese-cake fait à Lviv, en Ukraine occidentale ou encore des fraises servies avec du lait, comme son grand-père avait l’habitude d’en manger.

Le syrnyk

« C’est incroyable, Daniel a adoré l’idée », s’exclame-t-elle.  « C’est cette cuisine familiale et pas de restaurant qui reflète l’identité nationale », estime Daniel Rose en expliquant qu’il n’y avait aucun intérêt à préparer le « poulet à la Kiev » inventé par un chef d’un grand hôtel.  

Après la fin du projet éphémère, Daniel Rose dit vouloir garder le borchtch dans la carte de son bistrot de cuisine française. « J’ai pris goût au borchtch, qui a la même finesse qu’un pot-au-feu ou autre plat mijoté. En fait, il est en partie mijoté, la betterave ayant un goût très subtil et gardant un côté vivant, peu exploité dans la cuisine française », conclut-il. 

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