From, la crème de la crème

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Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

Etienne Boissy, Meilleur Ouvrier de France (MOF) fromager en 2004, a ouvert il y a peu, avec son épouse belge, une fromagerie haut de gamme à Bruxelles. Considéré comme la crème de la crème des métiers de bouche en France, le titre de MOF force le respect des pairs.

Au départ, rien ne prédestinait Etienne Boissy au métier de fromager. Si ce n’est les fromages de chèvre que sa grand-mère élaborait dans sa Drôme natale. Au Centre de formation tourisme et hôtellerie de Chambéry, il s’est d’ailleurs orienté vers le service en salle. Et c’est en tant que maître d’hôtel qu’il a commencé sa carrière, notamment au casino de Divonne-les-Bains avant de se poser à Lyon. En 1992, il a rejoint le nouvellement créé Institut Paul Bocuse (IPB), une école cofondée par le grand chef français dans le but de former des experts en arts culinaires y compris en management.

 » J’y suis rentré comme maître d’hôtel formateur, se souvient-il. Et comme j’ai toujours adoré le fromage, je l’ai développé au sein de l’école car, à l’époque, c’était, un peu, le parent pauvre. De fil en aiguille, je suis rentré en contact avec Hervé Mons et Philippe Janier, les premiers fromagers à avoir été élevés au rang de Meilleur Ouvrier de France en 2000. Ils m’ont encouragé à participer à des concours et, notamment, celui organisé en marge du Bocuse d’Or. J’ai terminé troisième. Pas mal pour quelqu’un qui n’était pas fromager. Et puis, ils m’ont dit d’essayer le concours de Meilleur Ouvrier de France. La deuxième session était prévue en 2003-2004.  »

Des experts respectés

C’est juste après la Première Guerre mondiale qu’ont été lancés les concours de Meilleur Ouvrier de France. Ils consacrent, dans un nombre impressionnant de métiers, des artisans qui ont démontré un savoir-faire exceptionnel. Ces concours sont terriblement exigeants et sélectifs. Dans les métiers de bouche, tous les trois ou quatre ans, sont décernés des titres de MOF pour la sommellerie, la cuisine-gastronomie, la boulangerie, la charcuterie, les arts de la table, la fromagerie, etc. La difficulté des épreuves est telle que certains chefs mondialement reconnus ont dû s’y reprendre à plusieurs reprises avant de pouvoir porter fièrement la cocarde.

 » En 2003, le concours destiné aux fromagers était organisé en deux parties, se souvient Etienne Boissy. Une sélection, suivie d’une finale à Rungis pour les meilleurs. Il y avait évidemment des épreuves théoriques, un test d’anglais, de la dégustation à l’aveugle ou encore de la découpe sans balance. A l’aide d’un fil ou d’un couteau, il fallait donc se rapprocher le plus possible du poids demandé. Et puis il y avait une oeuvre magistrale à réaliser sur place. En sélection, c’était un buffet apéritif. Moi qui venais de la restauration, je les ai tous épatés. J’étais arrivé avec des concepts novateurs pour l’époque : des verrines, du concassé, etc. Pour la finale, il fallait faire un gigantesque plateau sur le thème du temps, choisir ses fromages, les apporter soi-même à Rungis et veiller, évidemment, à ce que l’affinage soit parfait le jour J. J’ai été reçu du premier coup ! Je ne remercierai jamais assez mes collègues professeurs de l’Institut Paul Bocuse, MOF eux-mêmes dans d’autres disciplines, qui m’ont préparé, sans concession, à la dure réalité des concours.  »

From, la crème de la crème

Fromagerie Mons

Son titre en poche, Etienne Boissy est devenu le Monsieur Fromage de l’IPB. Au bout de deux années, il a voulu quitter l’enseignement. Il s’est tout naturellement tourné vers Hervé Mons et sa fromagerie familiale près de Roanne. Après un an d’une formation aux spécificités de l’entreprise, Etienne s’associe avec Hervé pour reprendre le comptoir Maréchal dans les célèbres Halles Paul Bocuse de Lyon, ville où les Mons n’étaient pas encore présents. Le chemin fut long avant de donner au comptoir Mons une réputation mondiale. Mais c’est là que la vie d’Etienne va prendre un tour inattendu. La rencontre avec notre compatriote Bénédicte Dartois, sa future épouse.

 » J’ai eu deux vies, explique-t-elle. D’abord un long parcours bancaire qui s’est achevé un jour de l’été 2012 quand le holding Dexia a explosé. J’ai eu le choix : poursuivre le contrôle de gestion chez Belfius ou la grille Claeys. J’ai pris la grille, et même plus (rires…). Depuis que je suis petite, grâce aux étés que je passais avec mes parents dans les Alpes suisses, je suis passionnée par le fromage. Après la débâcle Dexia, j’ai passé six semaines chez un chevrier bio à Bretignolles-sur-Mer, juste au-dessus des Sables-d’Olonne. Ensuite, j’ai suivi, en trois mois, tous les modules de formation au fromage du Centre de formation professionnelle et de promotion agricole de Carmejane (Alpes de Haute Provence). Et après bien des palabres, j’ai fini par rentrer à la fromagerie Mons. J’y ai suivi une formation, payée par Dexia, à la dure pour apprendre la réalité du métier : dans les caves d’affinage, à frotter les croûtes dans le noir, etc. Mon idée de base était d’ouvrir une fromagerie moderne comme Bleecher à New York avec un espace de dégustation. Chez Mons, on m’a dit : va d’abord faire tes preuves aux Halles de Lyon et puis on verra. Engagée comme vendeuse-employée, j’ai fini par mettre mon ancien métier à profit : j’ai remis toute la gestion à plat pour rendre le comptoir profitable. Puis j’ai rencontré Etienne.  »

De Lyon à Bruxelles

Six ans plus tard, Etienne (qui a revendu ses parts à Hervé Mons) et Bénédicte décident de quitter Lyon et d’ouvrir leur propre fromagerie. Après avoir songé à s’installer en Suisse, le couple débarque en Belgique en janvier dernier et, avec l’aide de hub.brussels (agence bruxelloise pour l’accompagnement de l’entreprise), ils trouvent un bel emplacement au 136 de la chaussée de Charleroi à Saint-Gilles. Leur From Comptoir a ouvert ses portes l’été dernier.

 » Cela a pris du temps car installer un espace de production et des caves d’affinage, ce n’est pas si simple, confie Etienne. En attendant, nous avons tenu un petit espace pop-up dans la Maison Brémond, rue du Page à Ixelles. Histoire de nous faire connaître.  »  » Après trois mois d’ouverture de la boutique, nous sommes totalement en phase avec le business plan initial, plan que les banques et atrium.brussels nous avaient fait revoir à la baisse, sourit Bénédicte. La seule chose que nous n’avons pas développée, ce sont les restaurants. On verra. La concurrence est féroce en Belgique et nous n’avons pas les moyens d’imiter les offres de certains… Cela va se jouer sur la qualité des produits proposés. A Lyon, les restaurateurs venaient à nous, et non des moindres. J’espère qu’il en sera de même ici. Nous en avons déjà, comme Tero par exemple.  »

From Comptoir propose une sélection très qualitative de fromages issus de trois grandes maisons françaises tenues par des MOF : Mons, Janier et Olivier. Des produits français, suisses et néerlandais. Mais aussi de Belgique, notamment en direct d’une ferme d’Andenne.  » Nous allons développer cette gamme belge à l’avenir, poursuit Bénédicte. Mais, pour de multiples raisons, ce n’est pas simple surtout si on ne veut pas heurter la concurrence de plein fouet. L’idée est d’aller prospecter et de trouver nos propres fournisseurs en direct.  »

From Comptoir ne se contente pas de fromages. L’enseigne propose aussi les foies gras de la Maison Masse, fournisseur des étoilés français, et les délicieuses charcuteries de Sibilia, la star des Halles Paul Bocuse. Sans oublier des salaisons belges en provenance du Pont d’Amour à Dinant. La maison dispose aussi d’un espace restauration pour le lunch et propose des sandwiches, des salades et des assiettes garnies.

L’an prochain, Bénédicte et Etienne lanceront leur propre production.  » Des produits frais comme des yaourts et des faisselles, conclut Bénédicte. Nous avons déjà quelques fournisseurs de lait bio. Je compte développer un fromage ‘signature’ genre tomme de chèvre. Et d’autres choses que je garde encore secrètes à ce stade. « 

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