Le foodketing, la recette du succès?

Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

Ce mot-valise, résultant de la contraction de « food » et de « marketing », risque bien de gagner en popularité tout au long de 2016.

Le foodketing, la recette du succès?
© ISOPIX

Dans la foulée du succès de l' »artketing », qui agit de même avec l’aura dégagée par la création plastique, le foodketing, déjà évoqué en 2015 dans nos colonnes, entend « se servir de l’image positive de la gastronomie actuelle pour susciter une demande, une pulsion d’achat, avérée ou encore latente ». Derrière ce phénomène effervescent, se cache une profonde mutation du secteur, qui s’est opérée en une grosse vingtaine d’années. Un peu plus de deux décennies est le temps approximatif qu’il a fallu pour que le cuistot-chrysalide se transforme en chef-papillon, qu’il quitte son sous-sol blafard pour entrer dans la lumière de la cuisine ouverte. Cette métamorphose n’est pas passée inaperçue, tant est tétanisant le hiatus qui existe entre le graisseux métier de tâcheron des fourneaux et la gracieuse profession de rock star étoilée. Car c’est bien de star, voire de people, dont il faut désormais parler quand on fait référence aux cadors de l’assiette. Et la presse, qui accompagne le mouvement depuis le début, n’y est pas pour rien. A tel point que désormais, ces experts en goût ont droit de cité dans les Gala et autre Voici aux côtés des acteurs et musiciens. Sans doute est-ce le revers de la médaille. Côté face, les talents aux physiques les plus avenants – Jamie Oliver (5.), Sergio Herman (1.), Cyril Lignac (2.), il faut avouer qu’on est loin du milieu des années 80 où la cuisine à la télé avait le visage de… Maïté et de sa Cuisine des Mousquetaires – ont les faveurs des caméras. Ils « vendent » bien, ils sont devenus « bankable », exactement comme à Hollywood. Sur le petit écran, il faut s’imprégner des émissions et des publicités qui s’attardent sur leur façon de saupoudrer une création à coup de moulin à poivre afin de comprendre que la photogénie de la cuisine est devenue l’égale de celle du swing d’un golfeur ou de la légèreté d’un danseur classique.

La nourriture comme vecteur d’innovation et de communication positive

Juste après l’industrie agro-alimentaire, qui représente grosso modo les deux tiers des partenariats avec les chefs – mais n’a pas manqué d’engendrer quelques collaborations hasardeuses -, c’est le monde de la mode qui est l’un des premiers à avoir compris tout le bénéfice qu’il était possible de retirer de cette aura nouvellement acquise par la gastronomie. A l’image du défilé automne-hiver 15-16 de Chanel lors duquel la prestigieuse griffe avait transformé le Grand Palais en brasserie, de plus en plus de marques misent sur la nourriture comme vecteur d’innovation et de communication positive : Gucci a récemment ouvert un 1921 Gucci Café à Shanghai, Cavalli a inauguré un restaurant à Ibiza, pareil pour Armani, Kitsuné ou encore Ralph Lauren qui dispose d’un Ralph’s dans la Ville lumière. Si l’on en croit une étude opérée par l’agence de communication parisienne Brand and Celebrities, en avril 2015, 24 % des partenariats marques-gastronomie concernent des secteurs variés tels que les fabricants automobiles, les nouvelles technologies, ou encore l’habillement. Dans ces contextes-là, c’est à l’aspect d’expertise des chefs qu’il est fait appel, une dimension qui n’a pas manqué de transparaître à travers de nombreux crochets de télé-réalité dans lesquels ceux-ci occupent la place de juré, donc de personnalité « crédible », « digne de foi », aux yeux du quidam. Désormais, le roi des fourneaux peut prétendre représenter n’importe quelle cause. L’exemple le plus surprenant ? A n’en pas douter, Jean Imbert, vainqueur de la saison 3 de Top Chef, devenu l’an dernier ambassadeur de Reebok tout au long de la campagne publicitaire #BeMoreHuman. A ceux qui regrettent ce qu’ils considèrent comme une dérive, on rappellera à quel point l’équilibre financier des restaurants étoilés, mais aussi des autres, reste fragile. Le journal L’Echo montrait récemment que la moitié des établissements à macarons se porte mal. Le foodketing serait-il la bonne recette pour que les chefs puissent faire enfin… recette ?

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