Le melon, cette madeleine de Proust

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« La diversité du melon, c’est la clé »: devant des bacs de plastique blanc, Tony Chartier montre des pépins de melon encore noués dans un écheveau de chair orangée. Sélectionnées, puis croisées, ces graines vont générer de nouvelles variétés de fruits.

Dans les serres du centre de sélection variétale du numero un mondial de la graine de melon, HM Clause, à Saint-Remy-de-Provence, dans le sud de la France, on ne plaisante pas avec la sécurité.

Ici, on élabore au quotidien des processus de fabrication gardés jalousement secrets pour créer de nouvelles « semences jardinières ».

« Nous avons une responsabilité très importante » pour définir le goût des melons dans le monde entier, reconnaît M. Chartier, responsable « melon » de HM Clause, filiale du groupe coopératif Limagrain, deuxième semencier mondial en semences potagères, derrière Monsanto.

Pour ce fruit d’été par excellence, les OGM n’existent pas, trop chers à développer par rapport au volume de consommation. Mais on croise volontiers le gêne de résistance à la sécheresse issu d’un minuscule melon sauvage africain à celui du goût de miel d’un melon de type Charentais, le plus consommé en France.

‘Une madeleine de Proust’

« Nous croisons toutes les typologies du melon, avec des axes de sélection en plein développement sur les melons d’Asie du sud-est », explique M. Chartier. La famille déjà très large sur la planète ne cesse de s’agrandir. Ce qui ne veut pas dire que le consommateur lambda trouve tous ces melons à acheter. Au contraire.

Car, plus que tout autre fruit, le melon reste lié aux habitudes de consommation locales. Sur l’étal d’un primeur, rien ne ressemble plus à un melon qu’un autre melon. Les Américains ne veulent que des « western » ou « eastern » shippers, les Espagnols parient sur le « piel de Sapo » de forme oblongue, désaltérant mais peu sucré, les Russes consomment du « Ananas », les grecs du « Gallia », tandis qu’en Sicile, au Maroc et en Algérie, on parie sur le « Canari » à la chair jaune, explique Franck de Langen, sélectionneur « melon » de HM Clause.

A l’état sauvage, certains melons ressemblent à des courges, d’autres sont à cuire. Les sélectionneurs travaillent surtout sur les melons sucrés qu’ils font évoluer avec les ressources génétiques de leurs banques de gênes, collectées depuis des dizaines d’années.

« Autant la tomate s’est mondialisée, autant le melon reste +régionalisé+ », souligne Bernard Miozzo, de l’association française interprofessionnelle du melon. « C’est un produit culturel » qui a un marché très segmenté.

En France, le melon préféré, le Charentais, appartient à la famille des « cantaloupe », rond, à la chair orangée et sucrée, enrobé dans une écorce striée de broderies blanchâtres.

« Le melon, c’est une madeleine de Proust, dans tous les pays du monde, les consommateurs ne veulent que +leur+ melon », affirme M. Chartier. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir essayé d’imposer certaines innovations. Mais rien à faire, aux dires des semenciers.

Soupesé, retourné, humé

« Un Anglo-Saxon en vacances dans le sud de la France va acheter le melon local, mais, de retour chez lui, n’en voudra pas. C’est comme si les consommateurs avaient une relation amoureuse d’exclusivité avec leur melon », constate M. Miozzo. « Il faut 10 ou 15 secondes pour choisir des tomates mais il y a tout une théatralisation pour le melon: on le soupèse, on le retourne dans tous les sens, on le hume », ajoute-t-il.

Ce qui n’est presque plus nécessaire, chacun des types de melon ayant évolué en profondeur depuis une quinzaine d’années. Le goût sucré notamment s’est nettement amélioré avec le travail des semenciers, note M. Miozzo.

Selon des statistiques de la FAO, les Turcs consomment 23 kilos de melon par personne et par an, contre 22 kilos pour les Marocains, 18 pour les Iraniens, 14 pour les Espagnols, 13 pour les Egyptiens, 12 pour les Tunisiens, 10 pour les Italiens et seulement 7 pour les Français.

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