Le vol-au-vent parfait: notre recette et conseils pour sublimer ce classique de la gastronomie belge (ou presque)

vol au vent parfait
© Anais Lesy

Chaque saison, notre journaliste-cuisinier Jorik Leemans traque la meilleure recette d’un classique du répertoire gourmand. Cette fois, il s’attaque à l’indémodable «bouchée à la reine».

Sommaire

Tout savoir sur le vol-au-vent

On dit que c’est dans sa baignoire qu’Archimède a eu sa fameuse révélation. La légende raconte qu’il s’est ensuite précipité dans la rue, sans même avoir revêtu sa toge, en s’écriant: «Eurêka!» («j’ai trouvé!»). Nous ne saurons jamais si les choses se sont réellement passées de cette manière. Quoi qu’il en soit, certaines histoires sont simplement trop belles pour faire l’objet d’un fact-checking. Nous dirons donc que c’est un Grec dans le plus simple appareil qui est à l’origine de la physique contemporaine. 

La naissance du vol-au-vent relève d’une fable similaire. Lors de la réalisation d’un pâté en croûte, le célèbre chef français Marie-Antoine Carême, qui a vécu à cheval entre le XVIIIe et le XIXe siècle, aurait utilisé de la pâte feuilletée au lieu de pâte brisée. Voyant que cette erreur avait donné lieu à une tourelle aérée, plus légère que les pâtisseries ordinaires, il se serait exclamé: «Il vole au vent!» Le résultat l’avait littéralement bluffé. 

Le plus étonnant dans cette histoire est peut-être que ce classique dont on dit qu’il est belge n’a pas vu le jour sur notre sol. «La paternité de ce mets revient à la France, comme souvent, s’amuse l’historien Peter Scholliers. Depuis la fin du XVIIe siècle, mais surtout au cours des XVIIIe et XIXe siècles, c’est la culture culinaire française qui fait autorité. Le célèbre chef français André Viard, auteur de l’ouvrage Le Cuisinier Royal (1822), est un des premiers à avoir transcrit une recette de bouchée à la reine. Cela ne signifie pas qu’il en est l’inventeur, mais que ce plat était déjà répandu dans les cercles aisés à cette époque.»

© Anais Lesy

Poulet de standing

«La bouchée à la reine est sans doute un des plus beaux exemples de diffusion de la culture culinaire élitiste, poursuit l’expert. Aujourd’hui, les bouchées feuilletées sont relativement bon marché. On en trouve même dans des supermarchés, mais vers 1800, c’était un produit très onéreux, dont la préparation prenait beaucoup de temps. Il existait différents types de farces. L’appellation «à la reine» a fait son apparition dans plusieurs livres de cuisine. Elle indique qu’il s’agit d’un mets exceptionnel ou raffiné. Les cuisiniers travaillaient souvent avec des poulets de petite taille, moins gras et donc idéaux pour les dames de plus haut standing.»

Nous avalons un peu de travers au moment d’acheter un poulet fermier à plus de 20 euros, mais presque chaque recette que nous trouvons souligne l’importance de la qualité des ingrédients, étant donné que la préparation du vol-au-vent est assez simple. «Si vous travaillez avec les bons produits, ce sera un véritable délice», garantit Peter Goossens.

Lors de l’ouverture du restaurant La Rigue à Knokke-Heist, le chef étoilé belge a annoncé son intention de servir le meilleur vol-au-vent (NDLR: il a, depuis, quitté cet établissement). «Il est déconseillé de travailler avec un poulet gonflé à l’eau acheté dans un supermarché. Le plus important est de pocher et cuire correctement le poulet. La poitrine doit mijoter moins longtemps que les cuisses. Bien sûr, il convient de cuire le poulet entier puis de le découper.»

L’importance du pochage

Plumer notre poulet est sans doute l’étape la plus intensive de toute la préparation du vol-au vent. Tandis que nous désossons notre poulet, le bouillon mijote sur le feu, comme nous l’a conseillé Peter Goossens. «Pour pocher le poulet, il faut prévoir un grand volume d’eau et idéalement le laisser réduire d’environ un tiers. Après l’avoir laissé épaissir une nuit entière, on peut gratter la couche de graisse. Les impuretés retomberont dans le fond. L’objectif est d’obtenir un bouillon clair.»

Ceci dit, en contemplant le résultat le lendemain, on se dit que la différence n’est pas notable par rapport au bouillon que l’on préparait à la minute lors de nos essais précédents. Mais c’est peut-être notre côté impatient qui en arrive à cette conclusion. Par ailleurs, la recette sera tout aussi réussie avec un poulet bio, presque deux fois moins cher que le poulet premium acheté la première fois (sur les conseils du boucher). C’est ce qu’on appelle l’art de réaliser des économies royales. 

Des souvenirs d’enfance

Demandez aujourd’hui à un Français ce qu’il pense des bouchées à la reine, et vous verrez qu’il sera nettement moins enthousiaste qu’un Belge, remarque Peter Scholliers. Comment se fait-il que ce plat fasse partie du canon culinaire dans notre pays? «On peut dire que la cuisine belge du XIXe siècle a été «colonisée» par la française, explique l’historien. Les premiers livres de cuisine publiés chez nous au XIXe siècle reprenaient la bouchée à la reine. Ils attestent qu’à cette époque, ce plat était déjà préparé tel que nous le connaissons aujourd’hui: une bouchée feuilletée farcie de poulet. Les petites boulettes sont sûrement une touche que les Belges ont apportée par la suite.»

Les petites boulettes sont sûrement une touche que les Belges ont apportée par la suite

«Ce plat a également fait son entrée dans les restaurants. On le servait déjà dans certaines tavernes avant 1914, mais c’est surtout après la Seconde Guerre mondiale qu’il a tout à coup figuré sur des cartes, à des prix très démocratiques.

«Beaucoup de Belges ont mangé des vol-au-vent dès leur plus tendre enfance», avance le chef Kenny Bernaerts du restaurant De Vijfhoek à Wavre-Sainte-Catherine pour justifier le succès de ce plat. En 2024, son vol-au-vent a été élu le meilleur de Belgique. «C’est un plat réconfortant qui nous rappelle notre enfance.» Le chef opte pour les cuisses de poulet, plus tendres que le filet. «Leur préparation demande beaucoup d’énergie. Les petites boulettes, les champignons… Tout doit être parfait.»

En ce qui concerne les boulettes, il ne jure que par un mélange de poulet, veau et bœuf. Nous essayons tout d’abord la viande de veau seule, suivant le conseil de Peter Goossens. L’assaisonnement adéquat rehaussé d’un œuf et de chapelure a plus de goût que le haché de poulet seul.

Petite perle architecturale

Fort de quelques astuces des chefs Bernaerts et Goossens, nous nous lançons dans l’assemblage de nos premières bouchées feuilletées qui conditionnent la réussite d’un vol-au-vent. D’après Peter Goossens, les croquettes et les frites sont même superflues. 

Malheureusement, nos premières réalisations comportent quelques erreurs d’assemblage. Pourtant, le principe était simple: découper la pâte feuilletée en forme de cercles à l’aide d’un emporte-pièce ou d’un verre. Avec un modèle de plus petite taille, nous avons ensuite formé un trou dans les cercles, comme si c’étaient des donuts. Nous avons utilisé du jaune d’œuf allongé avec un peu d’eau entre les couches afin de les souder. Vingt minutes plus tard, nous doutions de notre composition. Voici un conseil avisé pour les pâtissiers amateurs: veillez à ce qu’il n’y ait pas de grille au-dessus de la plaque de cuisson, au risque de voir vos bouchées feuilletées pencher. 

Une semaine plus tard, ce sont de vraies petites perles architecturales que nous sortons du four. Les deux chefs avaient insisté sur le fait que les amateurs ne devraient pas s’aventurer à réaliser leur pâte feuilletée eux-mêmes. Peter Goossens recommande de l’acheter fraîche chez le boulanger, et Kenny Bernaerts est d’avis que celle vendue au supermarché fait l’affaire. Quelques tests plus tard, nous souscrivons avec plaisir à cette dernière option bon marché. Un bon entrepreneur sait quelles tâches il a intérêt à déléguer.

Bouchées aux crevettes

En ce qui concerne la touche finale, bien entendu, les champignons de Paris sont incontournables. Toutefois, Peter Goossens aime aussi les morilles lorsque c’est la saison. «On peut également travailler avec des truffes, des crevettes ou des ris de veau afin d’apporter une petite touche festive.»

Le meilleur conseil est peut-être d’ajouter un filet de jus de citron à la fin pour conférer la fraîcheur nécessaire à la sauce. 

Lorsque nous présentons notre recette définitive à quelques amis venus la tester, ils se jettent avec enthousiasme sur nos exquises bouchées à la reine. Certains désagrègent les délicates feuilletés, et d’autres repêchent les champignons dans la sauce. Quant à nous, nous engloutissons une large portion de vol-au-vent, et c’est habillé que nous marmonnons avec un sentiment de victoire: Eurêka! 

Les pièges à éviter

  1. Acheter son poulet au supermarché. Choisissez un beau poulet (fermier) chez le boucher.
  2. Utiliser des cubes de bouillon. Préparez votre propre bouillon frais pour un goût optimal.
  3. Mettre trop de sel. Limitez-vous à 7 g par litre pour le bouillon et assaisonnez ensuite si nécessaire. Sinon, il est difficile de rectifier le goût.

La recette du vol-au-vent parfait

Ingrédients pour 4 personnes

  • 2 oignons,
  • 2 carottes,
  • 4 branches de céleri,
  • 1 poireau,
  • 6 branches de thym,
  • 2 branches de romarin,
  • 2 feuilles de laurier,
  • huile d’olive,
  • sel, poivre,
  • 1 poulet de bonne qualité,
  • 300 g de veau haché,
  • 2 cuillères à soupe de chapelure,
  • 2 œufs,
  • 115 g de beurre,
  • 115 g de farine,
  • le jus d’un demi-citron,
  • noix de muscade,
  • un trait de crème légère,
  • 250 g de champignons de Paris,
  • 2 feuilles de pâte feuilletée de 230 g

Préparation

  1. Hacher les oignons, les carottes, le céleri et les poireaux. Faire revenir avec un filet d’huile d’olive dans une grande casserole et ajouter environ 3 litres d’eau, en fonction de la taille de la casserole. Faire de la place pour le poulet. Ajouter les herbes aromatiques en bouquet, ainsi que le sel (7 g par litre) et le poivre. Porter à ébullition.
  2. Baisser le feu dès l’apparition des premières bulles. Couper les morceaux de poitrine du poulet et les mettre dans l’eau avec le reste du poulet. Retirer les morceaux de poitrine après 15 minutes de cuisson pour qu’ils restent tendres. Laisser le reste cuire pendant encore trois quarts d’heure. Si nécessaire, utiliser une écumoire pour retirer la graisse et les impuretés.
  3. Retirer le poulet du bouillon et le laisser refroidir. Poursuivre la cuisson du bouillon pendant encore une demi-heure (il doit en rester environ 1,5 litre) et le filtrer. Pendant ce temps, pétrir la viande hachée avec 1 œuf, la chapelure, le sel et le poivre. La rouler en petites boules et les faire cuire dans une casserole séparée avec un peu de bouillon filtré. Découper le poulet refroidi en morceaux. 
  4. Préparer un roux qui servira de base à la sauce. Faire fondre le beurre dans une nouvelle casserole à feu moyen et ajouter la farine. Remuer à l’aide d’un fouet. Lorsque le mélange s’assèche, ajouter progressivement environ 1 litre de bouillon jusqu’à ce que la sauce ait l’épaisseur souhaitée. Assaisonner avec du poivre, du sel et de la noix de muscade. Ajouter un filet de crème et le jus du citron.
  5. Nettoyer et hacher les champignons, et les faire sauter dans une poêle. Les ajouter à la sauce, ainsi que les morceaux de poulet et les boulettes de viande.

Pour la pâte feuilletée

Mixer un jaune d’œuf avec un peu d’eau. Pour chaque bouchée, découper quatre cercles dans la pâte feuilletée. Découper le centre de trois de ces cercles en plus petit rond. Sur une plaque de cuisson recouverte de papier sulfurisé, construire les tourelles: au fond, placer le cercle encore entier.

A l’aide d’un pinceau, badigeonner le jaune d’œuf sur le dessus et piquer le fond avec une fourchette. Placer un cercle sur le dessus et badigeonner à nouveau d’œuf. Répéter l’opération deux fois. Badigeonner également le dessus, tout comme l’un des plus petits cercles qui servira de chapeau. 

Cuire au four pendant 20 minutes à 200°C jusqu’à ce qu’elles soient dorées.

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