Poisson révolution

Erik Portier: « Tout peut être travaillé, à part les branchies. » © Tony Le Duc
Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

Découverte de notre gourmande Belgique, avec des produits locaux qui subliment un savoir-faire forcément unique.

  • Quoi: Urban Fish Farm & Market
  • Spécialité: Poisson maturé et charcuterie de la mer
  • Où: A Bruxelles, depuis 2021
© Tony Le Duc

Avec un tranchage minute et une approche rigoureuse du métier, Erik Portier (1971) s’est attiré les bonnes grâces de la pointilleuse clientèle japonaise. Cette popularité ne tient pas qu’à la précision des découpes du néo-poissonnier habile à manier sa gamme de couteaux Yoshihiro et Kikuichi. En ouvrant Urban Fish Farm & Market avec son épouse Maureen Pitz (1970), l’homme renouvelle nos certitudes alimentaires sous l’influence de la culture nipponne du poisson et des enjeux écologiques actuels. Il explique ce changement de paradigme: «Le vin, le fromage, la viande… Tout ce qui est bon est affiné. Or, quand nous entrons dans une poissonnerie, notre réflexe est d’obtenir le produit le plus frais possible. Il est grand temps de nous interroger sur cet atavisme qui n’a plus lieu d’être.» De fait, l’empire du Soleil levant a compris depuis longtemps l’importance du phénomène de maturation – en Belgique, quelques chefs avant-gardistes comme Willem Hiele ou Viki Geunes ont adopté ce savoir-faire. Maturer pour quoi faire? «Ce processus induit une évaporation de plus ou moins 15% d’eau, ce qui transforme les acides aminés et les protéines… Du coup, la chair du poisson se fait huileuse et le goût s’intensifie», détaille celui qui possède trois cellules de maturation, brevetées par Alessandro Cuomo, permettant de régler température, ventilation, humidité et renouvellement de l’air de façon très pointue. Les appareils disposent même de sondes pour mesurer le pH des saumons ou des bars, ce qui assure une maîtrise totale sur l’évolution de la chair. «Après de nombreux essais, nous savons aujourd’hui que l’affinage idéal d’une sériole est de dix-huit jours, tandis que pour une dorade, il faut compter huit jours.» Le perfectionnisme du couple réside aussi dans le refus d’utiliser de la glace pour présenter le poisson – une hérésie qui lui porte préjudice –, mais aussi dans le souci de glaner des ressources locales à la criée de Nieuport (barbue, plie, sol limande…), la promotion des poissons méconnus (chinchard, brosme…), l’équilibre trouvé entre élevage (40% de la gamme, surtout destiné au sashimi) et sauvage (60%), voire un souci des saisonnalités avec un approvisionnement opéré selon les recommandations d’Ethic Ocean, organisme œuvrant à la préservation des ressources océaniques. Ce soin culmine aussi dans l’approche «nose to tail», le fait d’utiliser les poissons dans leur entièreté, via l’élaboration de nombreuses charcuteries de la mer, l’autre spécialité d’Urban Fish Farm. «Avant, on se contentait des mousses, rillettes ou terrines. Nous poussons la démarche plus loin, sous l’influence entre autres du chef australien Josh Niland, en proposant jambon de thon, d’espadon, boudin de saint-jacques, pastrami de sériole, lard de calamar… Tout peut être travaillé, à part les branchies», confie Erik Portier.

Point de vente

Sur place: 95, chaussée de Tervuren, à 1160 Bruxelles. urbanfishfarm.be

Autres produits locaux: terroir.be

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content