Cocktails: Les astuces des bartenders pour mettre le feu
L’engouement actuel des foodies pour les piments ne pouvait qu’inspirer les as de la mixologie. Trois bartenders en vue nous livrent un cocktail exclusif. Chaud devant!
A moins de vivre sur Mars, il est difficile de ne pas constater la « scovillemania » qui déferle sur les lieux de bouche. Pour rappel, l’échelle de Scoville est un baromètre qui mesure la force du piquant et que l’on doit au pharmacologue américain Wilbur Scoville. C’était en 1912. Plus de cent ans plus tard, cette délicieuse brûlure est plus que jamais d’actualité. La preuve, deux marques de sauces piquantes artisanales ont vu le jour récemment chez nous: Swet et Rascal. Derrière celles-ci, deux créateurs, Thibault Fournal et Niels Wyckstandt, en phase avec le zeitgeist, eux qui traquent les derniers soubresauts du goût à Berlin ou à New York. Il n’est pas exagéré de dire que la capsaïcine, le composant actif du piment, génère une quête enragée à la poursuite de l’hybride qui fera cracher le feu. Est-ce à l’extrême monotonie liée aux confinements que l’on doit l’actuelle ruée vers le hot? Il est tentant de le croire tant la plupart d’entre nous sont en mal de sensations fortes. Mais la réalité est plus complexe.
Pour Jurgen Nobels, consultant en vue, cette vague de chaleur trouve son origine à l’est du globe: « La scène du cocktail regarde avec beaucoup d’attention ce qui se fait en gastronomie. Qu’est-ce qui s’y passe? Un engouement terrible pour l’Asie et surtout la Corée dont le goût pour la lacto-fermentation, entre autres le kimchi qui comprend du piment, séduit la planète. Tout cela est une matière première de choix pour créer des cocktails dépassant de loin le traditionnel Bloody Mary en ce qu’ils vont intégrer l’umami, cette cinquième saveur, aux contours harmonieux, si chère au Japon. »
Mary Geraldes, quant à elle, égérie du cocktail, au Bélier Bar, à Bruxelles, confie « aimer la saveur piquante depuis toujours ». Imaginé courant 2018, son Let it be s’est taillé une solide réputation dans la capitale. « Ma touche personnelle, c’est de pratiquer une sorte de « cuisine liquide » inspirée par des ingrédients salés – poivron, oignons ou purée d’avocat », explique celle pour qui le piquant doit être avant tout un parfum végétal apprécié au moment de la rétro-olfaction.
A Liège, enfin, Laurent Hanquet travaille le hot avec délicatesse. « Il n’est pas question de chercher le piquant pour le piquant, il s’agit d’une note qui doit venir s’intégrer dans un ensemble, résume-t-il. Je la distille sous différentes formes: piment africain, épices géorgiennes, voire paprika fumé. » Et vous?
A 28 ans, Mary Geraldes s’est fait un nom à Bruxelles. Les noctambules l’ont croisée au Vertigo où elle s’est fait remarquer pour son talent de bartender. Ce goût du mélange et du contact social lui vient de son grand frère qui « laissait traîner des livres sur la culture du cocktail ». Il n’en a pas fallu plus pour que la jeune femme se lance dans l’aventure grâce aux conseils de Denis Galais, son mentor rencontré place Saint-Géry à La Machine. Ironie du sort, elle renoue aujourd’hui avec lui, ainsi qu’avec Emmanuelle Ampe, dans le cadre du Bélier Bar. L’intéressée s’y sent comme un poisson dans l’eau, elle qui a là l’opportunité de croiser d’autres horizons, tels que la bière artisanale et le vin nature.
- Bélier Bar, 9, Borgwal, à 1000 Bruxelles. belier.bar
Light My Fire (Mary Geraldes)
- 2 cl de Kyro Dark Gin
- 1,5 cl de Nuestra Soledad Mezcal
- 1,5 cl de sirop de jalapeño
- 1,5 cl de vinaigre de cidre de pomme
- 1 c à s de purée d’avocat
- 2 gouttes de jus de yuzu
- 3 traits de bitter Truth Aromatic
- 1 c à c de sauce Pears for Tears de Swet ou 1 c à c de Salsa Picante Verde au piment Habanero (sauce mexicaine)
- 6 feuilles de persil plat
- 2 fines tranches de jalapeño
- Pour décorer: lamelles de pomme disposées sur un pic avec une branche de persil
- Pour la purée d’avocat:
- 1 avocat
- 30 à 40 cl d’eau fraîche
- 1 cl de jus de citron vert
- Pour le sirop de jalapeño:
- 5 jalapeños
- 50 cl d’eau
- 500 g de sucre blanc fin
1. Préparer la purée d’avocat. Dans un blender, mettre l’avocat et l’eau. Mixer jusqu’à obtention d’un mélange lisse et soyeux. Ajouter le citron vert.
2. Préparer ensuite le sirop de jalapeño. Trancher les jalapeños, jeter les queues et disposer les tranches dans une petite casserole. Ajouter l’eau et faire chauffer le tout à feu vif.
3. Rajouter le sucre avant ébullition et mettre à feu moyen. Bien remuer le tout et arrêter la cuisson une fois le sucre parfaitement dissout.
4. Mettre hors du feu et couvrir la préparation pendant 3 à 4 heures. Filtrer et mettre dans un récipient (à conserver au frais).
5. Placer le verre (de préférence à pied de type martini) au congélateur.
6. Mettre des glaçons dans la plus grande partie du shaker.
7. Dans la petite partie du shaker, mettre les feuilles de persil plat, les tranches de jalapeño, la purée d’avocat et le yuzu. Pilonner légèrement.
8. Ajouter ensuite tous les autres ingrédients cités ci-dessus dans l’ordre de lecture. Shaker pendant 10 secondes.
9. Sortir votre verre du congélateur. Filtrez le tout à l’aide d’un strainer et d’une passoire. Décorer et servir.
Né en 1980 à Liège, Laurent Hanquet est un reconverti. Scénographe et prof de dessin, ce quadra a ouvert le Volga pour laisser exploser ses passions: le goût des belles choses et celui de l’hospitalité. Dans ce lieu qu’il anime avec Idris Bicak (25 ans) soufflent des infuences venues des pays baltes et de l’Est. Du choix des verres aux cocktails signatures, 1001 détails contribuent à faire de cette enseigne un espace hybride entre le « bar à potes » et le salon speakeasy.
- Volga, bar d’atmosphère, 3, quai de la Goffe, à 4000 Liège. facebook.com/volga.bar.liege/
French Tequila (Laurent Hanquet)
- 3 cl de tequila infusée
- 1,5 cl de campari
- 3 cl de cordial de vin
- 3 cl de jus de grenade
- 1 blanc d’oeuf
- Pour 75 cl de tequila infusée au piment:
- 1 piment habanero rouge
- 75 cl de tequila
- Pour 1 l de cordial de vin rouge aux noix:
- 200 g de noix
- 1,5 l de vin rouge
- 500 g de sucre de canne
- 1,5 c à s d’acide citrique
1. Préparer d’abord la bouteille de tequila. Emincer le piment habanero. Le faire infuser 1 minute dans la tequila puis filtrer.
2. Préparer ensuite la bouteille de cordial. Concasser et torréfier les noix à la poêle. Porter le vin à ébullition, laisser réduire. Faire infuser les noix dans le vin.
3. Mettre 500 g de sucre dans une casserole avec de l’eau (obtenir un consistance sableuse), laisser à feu vif jusqu’à l’obtention d’un caramel. Incorporer le caramel dans la préparation.
4. Dissoudre ensuite l’acide citrique dans le vin sucré.
5. Mettre tous les ingrédients dans un shaker avec beaucoup de glaçons. Shaker.
6. Shaker ensuite la préparation énergiquement et sans glaçons.
7. Filtrer avec une passoire fine dans une coupe. Servir.
Originaire d’Ostende, Jurgen Nobels (1988) est une pointure du monde du cocktail auréolée de plusieurs récompenses nationales et internationales. Ayant mis très jeune, à 16 ans, les pieds dans le monde du liquide en étant barista, il a ensuite enchaîné les adresses plus réputées les unes que les autres: Pure C, Old Fashioned, Uncle Babe’s, ainsi que la société Dorst. Passionné et perfectionniste, il n’a pas hésité à abandonner ses études d’économie pour se consacrer à 100% au bartending. Désormais, il intervient en tant que consultant, notamment pour la toute nouvelle distillerie gantoise Dada Chapel.
Sun Burn Sipper (Jurgen Nobels)
- 50 ml de vodka Dada Chapel
- 5 ml de Sun Burn Hot Sauce Swet
- 25 ml de purée de mangue
- 6 feuilles de coriandre fraîche
- 20 ml de sirop de miel
- 10 ml de Gimber (gimber.com), soda
- Le soda et le concentré de gingembre peuvent être remplacés par de la ginger beer.
- Pour décorer: brin de coriandre, zeste de citron vert.
1. Verser le sirop de miel dans un verre et ajouter la coriandre.
2. Ecraser doucement les feuilles avec une cuillère pour qu’elles donnent leur saveur au sirop mais que les feuilles ne craquent pas.
3. Remplir le verre de glace et verser les autres ingrédients (sauf le soda ou la ginger beer). Remuer à la cuillère.
4. Ajoutez de la glace supplémentaire et remplir le reste du verre avec le soda ou la ginger beer. Remuer encore doucement.
5. Râper un peu de zeste de citron vert sur le cocktail et le garnir d’un brin de coriandre.
6. Il est recommandé de boire ce cocktail en terrasse, sous une pluie battante ou non, car, comme l’explique Jurgen Nobels: « Les Tropiques sont un état d’esprit »…
Signer des cocktails piquants n’est pas à la portée de tous. Le problème? Eviter le brûle-gueule qui emporte tout sur son passage. On pourrait penser qu’il est possible de s’en tirer en multipliant les expériences façon « recherche & développement », mais sans même évoquer la question des papilles plus ou moins sensibles, ce n’est pas si simple. Car, à moins de se contenter d’infuser un alcool, ce qui demande déjà de la maîtrise, la matière première, le piment, est problématique en soi. « Le nerf de la guerre consiste à trouver des piments stables, explique Thibault Fournal, créateur de la marque de sauce piquante Swet. L’approvisionnement est compliqué. La plupart du temps, les marchands ne les distinguent pas. On les vend par exemple sous l’appellation fourre-tout « pili- pili ». Il manque de visibilité et de traçabilité. » Pour éviter cet écueil, il est recommandé de se tourner vers les appellations d’origine contrôlée, comme le pimenton de la Vera ou celui d’Espelette. Ou d’opter pour des sauces toutes faites, qui constituent une belle source d’inspiration. Qu’elles viennent de Belgique (Swet et Rascal), de France (l’excellente Maison Martin) ou du monde entier via des sites comme Heatsupply et, dans une moindre mesure, Sauce-piquante.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici