Tout, tout, tout, vous saurez tout sur la crème brûlée, le dessert réconfortant par excellence (+notre recette parfaite)

photo de creme brulee
© Anaïs Lesy

Chaque saison, notre journaliste-cuisinier Jorik Leemans traque la meilleure recette d’un classique du répertoire gourmand. Cette fois, il s’attaque à ce dessert régressif.

Parmi tant de petits plaisirs anodins, celui cher à Amélie Poulain de casser la croûte d’une crème brûlée avec la pointe d’une cuillère à café doit certainement faire palpiter la plupart d’entre nous.

Bien qu’à première vue, on ne peut trouver plus français que ce dessert crémeux à la vanille, il persiste un doute autour de ses origines. Selon les historiens, des flans similaires étaient déjà servis au Moyen Age, bien avant que la première recette n’apparaisse. En Espagne, la crema catalana fait partie de l’ADN du pays, et les Britanniques ne sont pas peu fiers de leur recette de burnt cream, qui serait plus ancienne que la version hexagonale. Mais posez la question à un voisin d’outre-Quiévrain, et il vous dira que c’est dans ses contrées que ce mets a été perfectionné.

© Anaïs Lesy

Selon Lionel Bethaz, un chef français qui vit dans notre pays depuis maintenant trente ans, la vérité est un compromis entre toutes ces affirmations. La modestie belge doit être contagieuse. «On ne peut pas revendiquer une recette si tout le monde dans l’Histoire a commencé à découvrir les mêmes techniques en même temps, explique-t-il. Ce qui est vrai, c’est que les Français aiment beaucoup leurs desserts et que c’est peut-être eux qui les ont le plus diffusés dans le reste du monde. Nous ne sommes pas le pays du lait et de la crème pour rien.»

© Anaïs Lesy

Le premier mode opératoire publié par un chef français remonte à 1691. François Massialot, cuisinier entre autres du frère du Roi Soleil Louis XIV, reprend alors cette préparation crémeuse aux zestes d’agrumes et à la cannelle dans son ouvrage Le cuisinier roïal et bourgeois. Aujourd’hui encore, il existe toutes sortes de variantes parfumées – de la lavande au café – mais c’est celle à la vanille qui figure le plus souvent au menu. Ne disposant pas du fer à marquer, utilisé par François Massialot pour créer la couche croustillante typique, nous avons rapidement décidé de ne pas suivre ce manuel du XVIIe siècle toutefois…

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La bonne technique

Pour notre première tentative, nous optons plutôt pour la recette un peu plus moderne de Joël Robuchon, auteur du sacrosaint Larousse Gastronomique. Les prochaines semaines, notre sommeil ne sera composé que de la répétition des différentes étapes: disséquer chirurgicalement une gousse de vanille, la chauffer avec le lait et la crème jusqu’à un point inférieur à l’ébullition, fouetter des jaunes d’œufs avec du sucre pour obtenir un mélange léger et mousseux, ajouter le mélange de vanille et verser dans de petits pots avant d’enfourner. Laisser reposer au réfrigérateur. Après environ trois heures, le plat peut être servi.

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Pour le chef Thijs Vervloet, ancien élève de Robuchon, la crème brûlée mérite bien son titre de «classique». Car bien que ce plat ne figure pas au menu de son nouveau restaurant, Maison Colette à Westerlo, Thijs Vervloet estime que ce dessert permet de juger de la qualité d’un établissement. «Tous les chefs l’apprennent à l’école hôtelière, parce qu’il y a quand même une technique à maîtriser, insiste-t-il. Il faut obtenir une masse solide à partir d’une base liquide en la faisant cuire au four. Après avoir brûlé le sucre, on obtient une couche de caramel croustillante, qui distingue la crème brûlée de la crème anglaise.»

Au cœur du débat

Le four est sans doute le sujet le plus… brûlant, justement. Alors que certains enfournent directement leur préparation à une température plus basse de 90 à 100°C, d’autres ne jurent que par un bain-marie dans un four à 150°C. Le principe est simple: la température de l’eau ne pouvant dépasser 100°C, la crème est cuite de manière homogène. Cette technique s’est répandue à l’époque où les fours étaient plus compliqués à régler. Certaines recettes n’incluent même pas un four, et le mélange de crème et d’œufs est alors directement mis au frigo.

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Nous nous lançons donc dans une expérience comparative, mettant en avant une chose: lorsque l’on utilise le four, le résultat final reste sensiblement le même. Le bain-marie donne une texture légèrement plus ferme à la crème, mais le procédé est plus complexe. Nous décidons donc de ne pas nous compliquer la vie.
Là où l’on remarque une nette différence, c’est lorsque l’on place le mélange directement au réfrigérateur. Le résultat final est certes savoureux, mais la crème est beaucoup plus liquide après avoir été brûlée. On ne peut donc pas vraiment parler de réussite. Lionel Bethaz est encore plus direct: «Sans four, pas de crème brûlée. Point final.»

À la cuillère

Le chef du restaurant anversois Evidence nous fait comprendre que nous avons frappé à la bonne porte lorsque nous lui demandons conseil: «Dès mon plus jeune âge, j’ai eu un coup de foudre pour la crème brûlée, raconte-t-il. Mon grand-père était jardinier au Moulin de Mougins, un restaurant 3-étoiles dans le sud de la France. Tous les mercredis et samedis après-midi, lorsque j’avais 9 ans, je le suivais dans la cuisine. Par l’intermédiaire du chef Alain Ducasse, j’ai atterri dans la cuisine d’Alain Chapel à l’âge de 16 ans. Ce dernier était célèbre pour sa crème brûlée, ce qui m’a d’ailleurs permis de la faire figurer sur mon CV en tant que spécialité.» (rires)

© Anaïs Lesy

Question pour un expert: pourquoi une peau brun clair apparaît parfois sur la crème brûlée lors de la cuisson au bain-marie? «Il s’agit simplement de la mousse de lait obtenue en fouettant son émulsion et en la faisant cuire, répond Lionel Bethaz. Cela fait partie intégrante du plat.» Si l’on souhaite obtenir une surface plus lisse quand on sort son ramequin du four, mieux vaut laisser reposer le mélange pendant une demi-heure avant de l’enfourner ou le faire cuire à une température plus basse, sans bain-marie. Quoi qu’il en soit, la couche de caramel dissimulera les imperfections. On le redit: pourquoi se compliquer la vie?

Attention au sucre

On pourrait écrire des livres entiers sur cette fine croûte de sucre grillé qui finalise la préparation. Mais en deux mots, on peut affirmer que le meilleur résultat et le plus savoureux est obtenu avec du sucre de canne (à grain fin). Un grain trop gros prend trop de temps à fondre, et laisse des taches. «Cette couche permet de ne pas trop sucrer votre crème», ajoute Lionel Bethaz. Et son confrère Thijs Vervloet d’ajouter encore un tip: «Il est préférable de sortir la crème brûlée du réfrigérateur environ une heure avant de la servir pour obtenir un résultat plus savoureux.»

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Pour faire croustiller cette pellicule supérieure, certains préconisent d’utiliser la fonction gril du four si l’on ne dispose pas de chalumeau. Nous avons donc exploré cette voie… et avons, à plusieurs reprises, obtenu des crèmes inégalement brûlées. Mieux vaut donc, pour les gourmands, investir dans un brûleur à gaz. En le déplaçant à environ cinq centimètres de la couche de sucre, on finit par voir apparaître une surface brun clair magnifiquement uniforme.

‘La crème brûlée est l’un de ces plats qui, une fois maîtrisés, ouvrent la porte à l’expérimentation.’

Trois cents ans après que François Massialot en a parlé, Thijs Vervloet et Lionel Bethaz considèrent tous deux ce mets délicat comme un dessert actuel et pertinent. «Même dans cent ans, on la servira encore, c’est certain», affirme le chef de la Maison Colette. Son collègue français ajoute que le fait qu’elle se prête si facilement à des applications plus modernes avec toutes sortes de saveurs lui permet de résister à l’épreuve du temps. «Je suis aussi musicien de jazz, ajoute Lionel Bethaz. De même qu’il y a plusieurs styles dans le jazz, il y a aussi de la place pour de nombreuses variations dans la gastronomie. La crème brûlée est l’un de ces plats qui, une fois maîtrisés, ouvrent la porte à l’expérimentation. Cette originalité est plus que précieuse aujourd’hui.»

Les 3 pièges à éviter

  1. Il faut absolument utiliser un four. La version au réfrigérateur est décevante.
  2. Il est par contre déconseillé de servir le dessert immédiatement. Un passage au frigo s’impose.
  3. Il ne faut pas ajouter trop de sucre car la couche de caramel finale fait le job.
© Anaïs Lesy

La recette parfait de crème brûlée

Ingrédients pour 4 personnes

  • 150 ml de lait entier
  • 200 ml de crème
  • 1 gousse de vanille
  • 40 g de sucre en poudre
  • 5 œufs
  • Sucre de canne (fin)

Préparation

  1. Verser la crème et le lait dans une casserole et les faire chauffer jusqu’à ce qu’ils soient en dessous du point d’ébullition. Nettoyer la gousse de vanille et ajouter le tout au mélange de lait et de crème. Laisser infuser pendant au moins 15 minutes.
  2. Séparer les œufs. A l’aide d’un fouet, battre les jaunes et le sucre en poudre jusqu’à ce que le mélange soit léger et mousseux.
  3. Verser le mélange à la vanille chaud sur les œufs en continuant à fouetter délicatement.
  4. Répartir le mélange dans quatre bols et laisser reposer pendant 15 minutes pour que la mousse de lait retombe.
  5. Préchauffer le four à 100°C.
  6. Mettre les crèmes au four pendant 40 à 50 minutes. Elles sont prêtes lorsque la crème est figée.
  7. Laisser refroidir au réfrigérateur pendant au moins trois heures (voire une nuit entière).
  8. Environ une heure avant de servir, sortir les crèmes du réfrigérateur. Au moment de servir, saupoudrer de sucre de canne et faire brûler à l’aide d’un chalumeau jusqu’à l’obtention d’une belle couche de caramel croustillante.

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