Comment réussir le cheeseburger parfait? « Ne sous-estimez pas l’importance du pain »
Chaque saison, le journaliste et chef amateur Jorik Leemans plonge dans sa cuisine à la recherche de la meilleure recette pour un classique de la gastronomie. Au menu du jour: le cheeseburger.
Selon des études récemment publiées, les Américains consomment pas moins de 50 milliards de hamburgers par an. « Aucun classique américain n’a autant de succès », écrivait en 1994 Elisabeth Rozin, autrice culinaire de The Primal Cheeseburger, un livre dans lequel elle disséquait le plat, de son histoire à ses ingrédients. « La beauté de ce repas simple est qu’il a quelque chose à offrir à tout le monde. Peu importe qui vous êtes ou d’où vous venez, nous reconnaissons tous dans ce plat le sentiment de rentrer à la maison ». Le hamburger comme ultime soin de soi, quoi.
Le pain, c’est la vie
L’élément le plus important pour préparer son propre cheeseburger à la maison n’est ni le fromage ni le hamburger. « La plus grande erreur commise par la plupart des gens est de sous-estimer l’importance du pain », explique John Prigogine, cofondateur des restaurants de burgers bruxellois Rambo, qui a introduit le concept américain de smashburgers (boule de viande hachée écrasée dans un burger sur une plaque chauffante, ndlr) sur le sol belge en 2021. « Au moins 50 % de l’expérience de votre burger dépend du goût de votre pain », explique-t-il. Et la clé du succès ? Griller les petits pains avec un peu de beurre. Cela permet non seulement de les réchauffer, mais aussi de les ramollir et de leur donner une fine couche croustillante ».
Pour notre première tentative, en tant que boulanger amateur, nous avons décidé d’utiliser un pain brioché fait maison comme base pour notre cheeseburger. Bien que la recette s’avère assez simple et réussie, la cuisson est un peu lourde pour l’estomac. Comment les restaurants de burgers font-ils pour qu’on ne soit pas trop rassasié après quelques bouchées? « Nous servons nos hamburgers avec un pain de pommes de terre, car c’est aussi le pain le plus populaire pour les hamburgers aux États-Unis », explique Prigogine. « C’est grâce à la pomme de terre qui sert de base à cette recette, et donc à la fécule de pomme de terre associée, que le résultat est légèrement plus sucré et plus léger qu’un pain brioché. »
Nous testons les pains à hamburger à base de purée. Mais lorsqu’on l’expérimente en cuisine, il s’avère que la pâte est surtout collante, ce qui rend difficile la formation de beaux pains ronds. Après une version avec quelques défauts esthétiques, une autre qui donne des pains très dorés et une dernière avec une pâte qui ressemble à de la superglue, on opte enfin pour une recette qui se situe quelque part entre le pain brioché et le pain aux pommes de terre. Après tout, s’il y a une chose que les Américains peuvent apprendre de nous, c’est le pouvoir du compromis… Et la sécurité sociale.
Le meilleur boucher de tous les temps
Bien que l’on puisse penser qu’avec la fabrication du pain, le plus gros du travail a été fait, la recherche de la viande parfaite pour un smashburger s’avère également être un véritable exploit. Les différents chefs et connaisseurs avec lesquels nous nous entretenons énumèrent longuement les critères à retenir. La viande ne doit pas être trop jeune, pas trop grasse, mais suffisamment grasse… Et quoi qu’il en soit, n’achetez pas votre hachis de bœuf au supermarché.
« La qualité de la viande est très importante si vous voulez beaucoup de goût », assure Prigogine. « La meilleure galette est composée de différentes parties de la vache: un peu de côte, de poitrine, de cou… Si vous avez une bonne relation avec votre boucher, vous pouvez normalement personnaliser votre commande.
Dans les faits, nous avons du mal à trouver un boucher aussi complaisant. Les infos trouvées en ligne nous indiquent que le ratio du hamburger idéal est d’environ quatre-vingts pour cent de bœuf haché et vingt pour cent de graisse, mais plusieurs boucheries nous demandent de commander au moins un à deux kilos avant qu’ils n’allument leur hachoir. Nous découvrons que l’ajout d’un petit mélange de viande hachée peut en soi être une solution pour obtenir de la graisse dans notre viande, mais lorsque nous trouvons enfin un boucher qui accepte (bravo au boucher anversois Van Puyvelde), nous goûtons enfin à ce fameux « mélange parfait ». La viande reste juteuse tout en devenant croustillante à l’extérieur.
Faux pas
- Acheter des sandwichs au supermarché. Rien ne vaut les petits pains faits maison.
- Utiliser du cheddar frais, aussi fou que cela puisse paraître. Le fromage fond trop lentement, ce qui fait que votre hamburger cuit trop longtemps. De plus, vous vous retrouvez avec une tranche de cheddar suintante.
- Retirez les cornichons de votre hamburger. Vous avez besoin de l’aigre-doux pour une expérience gustative équilibrée.
Cheddar américain
Evitez le « trop bon » fromage. « Vous voulez un fromage qui fonde le mieux possible? Le cheddar américain est le meilleur choix », explique Paulo Guffens, gérant de l’entreprise Burgers & Grapes de Malines et de Plump d’Anvers. « Vous savez, ces tranches carrées que l’on trouve au supermarché. Comme il s’agit d’un fromage fabriqué industriellement, il fond presque immédiatement et sa durée de conservation est assez longue. Nous avons essayé plusieurs autres fromages pour obtenir un produit plus unique, mais ils n’ont tout simplement pas fonctionné aussi bien. Il ne faut pas réinventer l’eau chaude. Si c’est bon, c’est bon ». Sur ce coup-là, nul besoin de trop se casser la tête, donc.
Héritage civique
Comme pour de nombreux classiques, l’origine du hamburger contemporain est sujette à débat. Il semble largement admis qu’il s’agit d’un dérivé du steak de Hambourg, une sorte de pain de viande avec oignons frits et sauce à la viande que les immigrés allemands ont apporté avec eux aux États-Unis. La vraie question est de savoir qui a été le premier à placer la viande entre deux petits pains. La petite ville de Seymour, dans le Wisconsin, est l’une des plus ferventes défenseuses de cette idée. Ce berceau autoproclamé du hamburger affirme qu’un certain Charles R. Nagreen, plus connu sous le nom de Hamburger Charlie, y a vendu pour la première fois ses boulettes de viande frites entre deux tranches de pain comme repas nomade aux forains en 1885.
Au début du XXe siècle, ce plat est devenu particulièrement populaire parmi les ouvriers d’usine, car il s’agissait d’un repas chaud et simple qu’ils pouvaient manger avec leurs mains. Les terrains de jeux, les zoos et les stades de baseball ont rapidement suivi. Le hamburger apparaît sur les menus des restaurants et est servi lors de barbecues dans les jardins. Avec l’arrivée de la première chaîne de restauration rapide White Castle en 1921, les fondateurs Walter Anderson et Billy Ingram ont assuré l’industrialisation du plat. « Ce que Ford a fait pour l’automobile, Ingram et Anderson l’ont fait pour le hamburger », écrit David Michaels dans le livre The World is your Burger : A Cultural History (Le monde est votre hamburger : une histoire culturelle). « Le seul choix qui s’offrait au client était d’ajouter des sauces comme le ketchup ou la moutarde en fonction de ses goûts. Le reste de la production était entièrement pensé, préparé et strictement contrôlé ».
Le succès grandissant du hamburger pourrait bien être qualifié de parangon du rêve américain. « Les Américains sont donc extrêmement fiers de leur héritage en matière de hamburgers », affirme George Motz, auteur américain et expert en hamburgers. « Lorsqu’ils mordent dans un burger, ils mordent dans l’Amérique ». Il ne trouve donc pas anormal que le burger ait connu une renaissance ces dernières années. « Les gens ont à nouveau envie de se faire plaisir sur le plan culinaire. Les hamburgers sont sains dans le sens où ils rendent heureux. Et le bonheur est le premier pas vers la santé ».
Un cheeseburger à la palette équilibrée
En ce qui concerne les garnitures de ce qu’on appelle familièrement chez nous « le cheese », les Américains semblent, sans surprise, tenir en haute estime leur liberté de choix, même si les mêmes ingrédients reviennent dans la plupart des recettes et des menus. Ketchup et moutarde jaune (une plus douce que celle de Dijon) en guise de base, oignon cru ou frit haché (bien que ce dernier ait un goût un peu trop présent), complété par de la laitue fraîche (iceberg) et de la tomate pour la texture et la fraîcheur. Et pour l’acidité nécessaire, il ne faut pas manquer les cornichons dans la forme de votre choix. Li’déal? Le self service. Car si vous les mettez ces ingrédients vous-même, vous pouvez immédiatement les adapter à votre goût.
« Le plus important est que votre cheeseburger présente la même palette de saveurs équilibrées du début à la fin », conclut Paulo Guffens de Burgers & Grapes. « Ce tout va constituer l’accord parfait ».
En d’autres termes, servir le burger parfait n’est pas seulement une question d’honneur pour les Américains. N’hésitez pas à en faire votre devoir civique.
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