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Quand la nourriture permet d'affronter le deuil - Getty Images, montage Le Vif Weekend

Et si la cuisine était l’ingrédient secret pour affronter le deuil?

Dans son nouveau recueil La cuisine de la Consolation, Stéphanie Schwartzbrod explore le lien entre la nourriture, le deuil et la mort à travers différentes cultures. Et livre différentes recettes venues des quatre coins du monde. 

Nous avons chacun notre propre manière de faire face au deuil et de se reconnecter avec ceux qui nous ont quitté. Différentes méthodes qui changent d’une culture à l’autre, mais ce que l’on constate, c’est que la nourriture en fait souvent partie, peu importe le pays. Et c’est ce que Stéphanie Schwartzbrod a souhaité explorer dans son nouvel ouvrage, La Cuisine de la Consolation. À travers le prisme de cuisine, son objectif était de découvrir les différentes coutumes qui existent autour de la mort et du deuil. Mais aussi de s’intéresser à la manière dont les personnes endeuillées arrivent à se reconnecter avec leurs proches décédés à travers la nourriture, en y trouvant un certain réconfort. Un concept qui évoque les moments où même une simple odeur peut nous transporter instantanément 20 ans en arrière, nous ramenant à des souvenirs familiers.

Dis-moi comment tu fais ton deuil, je te dirai d’où tu viens

Chaque chapitre contient une ou plusieurs préparations qui correspondent à un récit, une culture. Ces témoignages viennent d’un peu partout dans le monde : la Mongolie, le Japon, l’Inde, le Mexique, l’Italie, etc. Chaque histoire est unique. Elle est allée à la rencontre de différentes personnes pour découvrir les traditions liées à la nourriture et à la mort.

Ainsi, en Corée, les gens épluchent la peau des fruits pour que l’arôme se libère, car la légende dit que les morts, n’ayant plus de dents, se nourrissent d’arômes. L’autrice raconte également l’histoire de « cette femme péruvienne qui m’a raconté que le jour de l’anniversaire de la mort de sa mère, avec ses sœurs, elles cuisinent ses plats préférés. Après ça, elles préparent un plat qu’elles-mêmes n’avaient jamais mangé avant, pour que qu’elle puisse le goûter à travers elles ». Et d’ajouter qu’en France, « on ne regarde pas la mort en face. Souvent dans les cultures que j’ai explorées, les gens la regardent beaucoup plus en face. Et étrangement, c’est beaucoup plus réconfortant. En écoutant toutes ces histoires, j’ai fini par me sentir consolée ».

Le partage, valeur fédératrice

En Corée, une femme lui raconte que cuisiner est comme un moment de discussion avec son père défunt : « C’était une façon de communiquer avec lui. Et que c’était d’autant plus fort si après, ce repas était partagé avec son mari et ses enfants ». Bien que toutes les histoires recueillies soient très différentes, la notion de partage est ce qui les relie toutes ensemble. Manger est avant tout un moyen de se rassembler. 

Elle explique : « ce livre, c’est la manière dont la nourriture arrive à se faire pont entre les vivants et les personnes décédées, comment celle-ci arrive à relier les deux. L’autre chose c’est le partage. Cette chose qui se relie n’a de valeur au fond que si elle est partagée, avec ceux qui ont connu le défunt, des descendants ». Selon elle, les rituels ont toujours quelque chose de réconfortant : « Tous ces rites, toutes ces cultures ont quelque chose d’apaisant. C’est comme des tuteurs qui nous tiennent droit, qui nous relient à quelque chose. L’important c’est d’être relié, d’avoir cette chose qui revient ».

La cuisine à toutes les sauces

Et ce n’est pas la première fois que l’autrice – également comédienne de théâtre et écrivaine biographe – aborde le thème de la cuisine. Elle s’y intéresse depuis bien longtemps : « Dans La Cuisine de L’exil, il s’agissait de montrer comment la cuisine pouvait servir de pont entre le pays d’origine et le pays où l’on vit. Dans Saveurs sacrées, il était question de la manière dont elle opère comme pont entre l’homme et sa foi, son Dieu ».

Pour celui-ci, l’idée d’explorer ce sujet lui est venue un peu par hasard : « Un jour, je suis allée voir une représentation sur les rituels funéraires : Sacre de Lorraine de Sagazan. Dans le spectacle, on raconte qu’il y a une femme qui avait le cancer et qui faisait de très bons raviolis. Elle en avait fait beaucoup et les avait congelés. Maintenant, tous les ans à l’anniversaire de sa mort, ses amis se réunissent et les mangent. C’est ça qui m’a donné envie d’écrire ce livre ».

Un recueil de recettes très personnel

Ce n’est pas seulement un recueil puisqu’elle a choisi d’y laisser une partie de sa propre histoire, notamment en traitant le décès de sa mère : « J’ai participé à un week-end d’atelier d’écriture autour des entretiens. Comme je travaille beaucoup à partir des entretiens, je me disais que ça pouvait m’aider à faire autre chose. Dans La Cuisine de L’exil, je n’apparais pas du tout dans le livre. Et c’est vrai qu’au début je n’avais pas envie d’être dans celui-ci. Mais la femme qui animait l’atelier nous a demandé de nous positionner et d’écrire, nous, à la première personne. Et je pense que c’est là que ma mère est apparue. Parce qu’il y avait une sorte d’évidence entre la cuisine et la mort. Quand j’ai lu mon texte, tout le monde m’a dit que c’était beaucoup plus intéressant comme ça ».

À chaque rencontre, les recettes des personnes qui racontent leur récit sont partagées. Nous vous en présentons trois parmi elles, ainsi qu’une quatrième offerte par l’autrice : celle des crêpes Suzette, qui ne figure pas dans l’ouvrage.

Aubergines farcies aux noix – La Géorgie

Ingrédients

  •  4 grosses aubergines

Pour la farce

  • 200 g de noix
  • 1 grosse gousse d’ail
  • 1 c à c de fenugrec
  • 1 c à c de curcuma
  • 1 c à c de graines de coriandre
  • 3 c à s de gros sel
  • 1 c à s de vinaigre de vin rouge
  • 2 pincées de piment fort
  • 15 cl d’eau bouillie
  • coriandre fraîche
  • huile d’olive
  • 1⁄4 de grenade
  • 1 pincée de sel

Préparation : 1 h de repos + 45 min

Préparez les aubergines :

  1. Épluchez-les en zèbre, en enlevant une bande sur deux. Coupez-les en tranches de 1 centimètre d’épaisseur et salez-les avec du gros sel. Laissez reposer 1 heure.
  2. Rincez pour ôter tout le sel et égouttez délicatement chaque tranche.
  3. Faites frire les tranches dans une cuillère à soupe d’huile d’olive (que vous rajouterez à chaque fois que vous ferez cuire de nouvelles tranches), en les dorant environ 4 minutes de chaque côté, à feu moyen, en couvrant la poêle.
  4. Déposez les tranches sur du papier absorbant, pour éli- miner le surplus d’huile, puis attendez qu’elles refroidissent.

Pendant ce temps, préparez la farce :

  1. Mixez ensemble les noix, l’ail haché, les épices, le sel, le vinaigre, le piment fort et 34 centilitres d’eau jusqu’à obtenir une sorte de pâte assez épaisse pour tartiner.
  2. Ajoutez les graines de grenade et la coriandre fraîche ciselée, puis mélangez délicatement avec une petite cuillère.
  3. Tartinez chaque tranche d’aubergine de ce mélange, et pliez en trois.
  4. Ajoutez quelques graines de grenade pour décorer.

Rouleaux de printemps – Vietnam

Ingrédients

  • 12 feuilles de riz
  •  6 grandes feuilles de laitue
  • 24 crevettes
  • 120 g de vermicelles de riz
  • 120 g de pousses de soja
  • 1 carotte
  • 1⁄3 de concombre
  • 4 cébettes
  • 4 brins de menthe
  • 1⁄3 de bouquet de coriandre
  • 2 brins de basilic thaï (facultatif)

Pour la sauce hoisin aux cacahuètes :

  • 4 c à s de sauce hoisin
  • 2 c à s de purée de cacahuètes
  • 1 c à c de sucre
  • 1⁄2 cube de bouillon de poulet
  • 1 c à s d’huile
  • 1 gousse d’ail
  • 1 échalote
  • 1 c à s de cacahuètes concassées
    (ou sauce pour nems du commerce)

Préparation : 30 min

  1. Faites cuire les vermicelles de riz dans une grande casserole selon les instructions du paquet, égouttez-les et rincez-les à l’eau froide. Égouttez à nouveau et coupez-les grossièrement pour qu’ils soient un peu plus courts.
  2. Épluchez les crevettes et coupez-les en deux dans le sens de la longueur. Réservez.
  3. Épluchez le concombre et la carotte et coupez-les en bâtonnets. Ciselez les herbes, coupez les cébettes en fines rondelles.
  4. Lavez les feuilles de salade et coupez-les en deux en enlevant la partie centrale qui est plus dure.
  5. Préparez tous les ingrédients devant vous : feuilles de salade, herbes, pousses de soja, vermicelles, bâtonnets de légumes et crevettes.
  6. Préparez une assiette recouverte d’un torchon et une grande casserole d’eau froide.
  7. Plongez la feuille de riz dans l’eau froide puis dès qu’elle se ramollit, placez-la sur le torchon.
  8. Placez 4 demi-crevettes au centre de la feuille, un peu écartées, puis la demi-feuille de salade, puis un peu de chaque élément.
  9. Rabattez les bords droit et gauche vers le centre et enroulez la feuille de riz sur elle-même en serrant bien.
  10. Préparez la sauce : faites chauffer 10 centilitres d’eau avec le cube de bouillon.
  11. Dans un bol, mélangez la sauce hoisin, la purée de cacahuètes et le sucre puis diluez le tout avec le bouillon.
  12. Épluchez et coupez finement l’ail et l’échalote. Faites-les revenir à feu doux dans l’huile puis ajoutez le reste de la sauce.
  13. Mélangez jusqu’à obtenir une sauce homogène et saupoudrez de cacahuètes concassées.
  14. Servez les rouleaux de printemps avec cette sauce. Si vous n’avez pas le temps de la faire ou si vous n’avez pas tous les ingrédients, vous pouvez également les servir avec une sauce pour nems qu’on trouve aujourd’hui facilement dans le commerce.

Pozole – Mexique

Ingrédients

  • 1 boîte de maïs pozolero (810 g)
  • 200 g d’échine de porc
  • 250 g de blanc de poulet
  • 1 gousse d’ail
  • 1 oignon
  • 3 piments “chiales” guajillos
  • 2,5 l d’eau
  • sel

Garniture

  • 1 laitue finement émincée
  • 1 botte de radis rouges
  • 4 oignons nouveaux
  • 3 citrons verts coupés en quartiers
  • 1 cuillère à soupe d’origan
  • 1 bouquet de coriandre ciselée
  • 1 avocat

Facultatif

  • tostadas (chips de tortillas)
  • salsa macha ou autre sauce piquante “rouge”
  • pour assaisonner les tostadas

Préparation : 50 min

  1. Dans une grande casserole, versez le contenu d’une boîte de maïs puis recouvrez d’eau et portez à ébullition jusqu’à ce que la totalité des grains éclate.
  2. Ajoutez ensuite la viande coupée en petits dés, l’ail haché, l’oignon émincé et le sel.
  3. Baissez le feu et laissez mijoter durant environ 40 minutes.
  4. Dans une poêle, faites griller légèrement à sec les piments “chiales” guajillos puis plongez-les dans un bol d’eau bouillante pendant 10 minutes, jusqu’à ce qu’ils deviennent souples.
  5. Enlevez bien les graines et les filaments intérieurs pour qu’ils ne soient pas trop forts puis mixez-les avec deux cuillères à soupe d’eau de trempage jusqu’à obtenir une pâte bien homogène.
  6. Passez-la au chinois puis versez-la dans le bouillon et laissez mijoter à feu doux encore environ 10 minutes.
  7. Pendant la cuisson du bouillon, lavez les radis, la coriandre et la salade, ôtez la peau des avocats, et des oignons nouveaux si nécessaire.
  8. Émincez finement les radis, la salade, les oignons (le vert compris), et placez chaque aliment de la garniture dans des bols.
  9. Servez chaud dans une assiette creuse en plaçant les bols à côté pour que chacun rajoute directement sa garniture dans son bouillon pour agrémenter son pozole suivant ses goûts.
  10. Servez, si vous le souhaitez, accompagné de tostadas tartinées de salsa macha.

Les crêpes Suzette

Ingrédients pour 4 à 6 personnes

Pour la pâte à crêpe :

  • 250 g de farine
  • 2 œufs
  • une pincée de sel
  • 170 ml de bière
  • 330 ml de lait
  • 1 c à s d’huile

La sauce pour 2 crêpes Suzette : 

  • 10 g de beurre
  • 4 c à s d’orange pressée
  • 1 c à s de sucre  (idéalement : muscovado ou rapadura)
  • 1 c à s de rhum

Préparation

  1. Préparez la pâte à crêpe : Versez la farine et la pincée de sel dans un saladier, faites un puit à l’aide d’un œuf puis versez dedans les œufs, l’huile et un peu de lait.
  2. Travaillez énergiquement avec un fouet pour rendre la pâte légère tout en ajoutant progressivement le reste de lait et la bière.
  3. Laissez reposer une heure puis faites cuire les crêpes une à une.
  4. Pendant ce temps, pressez deux à trois oranges.
  5. Déposez 10 g de beurre dans la poêle.
  6. Déposez deux crêpes pliées en deux, saupoudrez de sucre, laissez-les caraméliser des deux côtés.
  7. Ajoutez le jus d’orange, laissez chauffer et enfin versez le rhum et faites flamber aussitôt. 

Astuce : Si vous êtes très nombreux, vous pouvez mettre 4 crêpes dans la poêle en les pliant en quatre et en doublant les proportions de beurre, sucre, rhum et jus d’orange. 

Le livre contient plus de 90 recettes : entrées, plats et desserts. Elles sont accompagnées des adresses où il est possible de se procurer les bons ingrédients.

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