Pourquoi il va falloir s’habituer à avoir un créneau horaire imposé au resto
Au moment de réserver une table au resto, il n’est désormais plus rare de se voir proposer un créneau horaire imposé – avec, dans le cas des heures en début de service, la contrainte de libérer la table endéans l’heure et demie. Une pratique indigeste? Le double service est pourtant en passe de devenir la règle et non plus l’exception.
Vous avez choisi le resto qui vous faisait saliver, déterminé la date de votre visite avec les personnes qui partageront votre repas, et ne vous reste plus désormais qu’à réserver votre table. « On dirait 20h? ». Et bien non, car dans toujours plus d’établissements belges, il n’est désormais plus possible que de réserver une table à créneaux fixes, soit 19h ou 21h, avec, dans le cas du premier service, la précision dès la réservation que la table doit être libérée endéans les deux heures. Pour la convivialité, on repassera… Et pourtant, loin d’être une exception réservée à quelques restaurateurs ronchons, le double service est appelé à se généraliser. C’est que dans un secteur mis à mal par pandémie, crise économique et autre hausse du coût de l’énergie et de celui des matières premières, il fait office d’ingrédient providentiel pour tenter de maintenir les maisons de bouche à flot.
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Le créneau horaire, une manière de repenser la convivialité au resto
Fort de sa double casquette, David Debin est particulièrement bien placé pour en juger. C’est qu’il n’est pas seulement à la tête de la Fédération Horeca Bruxelles, mais aussi des établissements Ricotta & Parmesan et Zotte Mouche. Pour lui, le double service n’est pas « pas convivial », quoi qu’en disent ses critiques. Il s’agit tout simplement d’une « nouvelle notion de la convivialité ».
Et de pointer non sans humour qu’en Belgique, la culture veut qu’on arrive au resto « on prend apéro, café, dessert et pot d’eau chaude, on arrive à 19h et on repart à 23h, mais ce n’est plus rentable de nos jours. Longtemps, les restos belges sont restés ouverts au finish, alors que dans les autres villes européennes, les établissements ont une heure de fermeture et s’y tiennent. C’est mathématique: si le personnel est payé à l’heure mais que les clients restent assis à table sans consommer, il n’y a plus d’argent qui rentre dans les caisses alors qu’il continue d’en sortir. Les clients ne voudraient pas faire d’heures sup gratuites, eux, si? » s’interroge le Bruxellois. Pour qui « c’est dommage, parce que la Belgique a une vraie culture du resto et de la convivialité, mais la réalité économique fait qu’on ne peut plus travailler comme ça de nos jours ».
Bon, mais la solution implique-t-elle forcément une rotation de services millimétrés à la minute près? Et si une autre approche était justement de dire adieu aux réservations?
Circulez, y’a rien à réserver?
Tout dépend de l’établissement et de son positionnement… « Quand vous n’avez pas besoin de gérer des réservations pour que votre restaurant affiche complet, pourquoi s’en priver? Le système de réservations demande non seulement du temps à votre personnel, il diminue aussi l’efficacité de renouvellement des tables de votre restaurant. Evidemment il n’y a que les restaurants à forte capacité et dans des lieux touristiques qui peuvent se le permettre » pointe Jordan Boreux, le jeune chef du restaurant L’Episode, au domaine de Waillimont .
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Et son collègue Damien Bouchéry, chef et propriétaire de Bouchéry, de renchérir: « c’est vrai que cela fait moins de travail. Pas de gestion des réservations, pas de pertes à cause des gens qui annulent en dernière minute et qu’on ne peut pas remplacer… Mais tout le monde ne peut pas se le permettre ». Allons bon, par ici le double service, et gare à celles et ceux qui ont envie d’un dessert mais qui n’ont pas mangé le plat assez vite et n’ont plus que 10 minutes pour engloutir leur sucré avant que la table soit libérée?
Un double service pour trouver l’équilibre
Certainement pas si on demande à Léopold Van der Gracht, propriétaire du Café des Minimes, du Café Circus et du Cheval Marin. « J’ai l’impression qu’on est passé du « tout pour le client » au « tout pour le patron », regrette-t-il ainsi. Pour moi, le client arrive quand il veut et repart quand il le souhaite. Où aller quand on décide de sortir à 10 un vendredi soir, ou accompagné de sa grand mère si on ne peut pas réserver à l’avance? On ne va pas se retrouver à faire tous les restaurants de la ville jusqu’à ce qu’on trouve celui qui a de la place pour nous accueillir ».
Certes. Reste qu’ainsi que le regrette David Debin, qui fait part de sa déception au nom de ses confrères, « nous sommes des marchands de bonheur. La restauration est un métier de passion et de partage. Mais aussi un métier qui doit être rentable économiquement, sinon on doit fermer. Il faut trouver équilibre entre faire de belles choses et boucler ses fins de mois ».
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