Thaï ou mexicain à chaque repas: portraits de Belges accros à la cuisine d’un autre pays

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Ces Belges sont accros à la cuisine d'un autre pays - Getty Images
Nathalie Le Blanc Journaliste

Pâtes, sushis et autres plats au wok s’invitent régulièrement dans la cuisine des Belges. Mais certains vont plus loin, comme Leila, qui cuisine asiatique 9 fois sur 10, ou Stijn, qui mange mexicain quasi tous les jours.

Cuisine japonaise, italienne, scandinave, marocaine, coréenne… Pourquoi donc les Belges devraient-ils se limiter aux plats avec lesquels ils ont grandi alors que le monde offre une telle diversité de gastronomies? Stijn et Leila ne voient clairement aucune raison à ça, puisque non content d’inviter des influences étrangères dans leur alimentation quotidienne, ils ont mis celle-ci au diapason des saveurs d’autres contrées que la leur.

Des tacos au petit-déjeuner: rencontre avec Stijn, accro à la cuisine mexicaine.

Stijn Deschacht travaille au Bar Bulot, est à l’origine du podcast culinaire Over Eten, et entretient également une passion dévorante pour la gastronomie du Mexique.

« Peut-on parler d’obsession? Je dois bien avouer que oui, car à moins que ma copine me dise qu’elle a envie d’autre chose, nous mangeons mexicain trois fois par jour. Oui, petit-déjeuner compris, car il est également possible de manger des chilaquiles, des huevos rancheros ou encore des tacos dès le réveil.

Pour moi, cette passion a commencé dans les années 90, avec les assaisonnements tex-mex tout prêts en sachet que l’on mettait sur la viande hachée pour remplir un taco. Je ne sais pas pourquoi, mais leurs saveurs m’ont tout de suite plu. Lorsque j’ai voyagé en Floride et à Washington DC avec mes parents en 1997, j’ai découvert d’autres plats mexicains, j’ai goûté des salades de tacos et des burritos, et nous avons dîné dans une taqueria. J’ai également testé des restaurants mexicains et tex-mex ici, et quand mon travail d’accompagnement de groupes en tournée m’a emmené aux Etats-Unis, j’ai saisi chaque voyage pour trouver de nouveaux restaurants à tester. Quand je me suis rendu au Mexique pour la 1e fois en 2010, le groupe que j’accompagnais n’avais qu’une seule date à Mexico, mais bien avant le départ, je me suis mis à rechercher le meilleur stand de taco sur place. Après le concert, tout le monde est rentré à l’hôtel, mais j’ai arpenté les rues, et d’une heure à quatre heures et demie du soir, j’ai mangé tout mon soûl. Je ne parlais pas espagnol à l’époque, mais lorsqu’il s’agit de nourriture, la communication est facile. On comprend vite ce qui est bon.

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Ce saut de puce n’a fait que stimuler encore plus mon intérêt, et c’est là que j’ai commencé à vraiment étudier la cuisine mexicaine de près. J’ai appris les bases des recettes, les différents ingrédients, les nuances selon les régions du pays, et j’ai rassemblé plus d’une centaine de livres, des classiques aux ouvrages publiés par le gouvernement mexicain, des livres sur la cuisine indigène très diversifiée à un livre sur la cuisine des familles riches du début du XXe siècle.

Prise de conscience

Lorsque j’ai vécu au Texas pendant un certain temps, le monde culinaire mexicain s’est vraiment ouvert à moi. De retour en Belgique, j’ai décidé de créer en 2014 une entreprise d’importation de produits mexicains. En faisant le tour de l’Europe, j’avais constaté que la cuisine mexicaine devenait de plus en plus populaire et je pensais que ce serait un succès. Malheureusement, je suis arrivé un peu trop tôt avec mon idée, je pense, et cela ne s’est donc pas passé comme je l’espérais. Mais j’ai encore beaucoup appris. Il était fascinant de découvrir qu’il y avait également une plus grande prise de conscience au Mexique quant à la valeur de leur gastronomie.

J’ai écrit à Xokol, un restaurant réputé de Guadalajara, parce que je trouvais fascinant qu’ils élèvent les plats traditionnels locaux au niveau de la haute gastronomie. Xrysw Ruelas, l’un de leurs chefs, a même été élu meilleur « jeune chef d’Amérique latine » lors d’un concours annuel de San Pellegrino. J’y ai fait un stage et j’ai obtenu plus tard le diplôme de connaisseur en tequila.

Aujourd’hui, je travaille comme chef au Bar Bulot et lorsque je dois préparer un dîner pour mes collègues de travail, j’opte souvent pour un mole. Ceux qui écoutent mon podcast savent tout de mon amour pour la tequila, la sauce et le piment. Ce n’est pas que je radote, mais j’aime expliquer la complexité des différents piments, par exemple, comment ils sont bien plus que simplement épicés et comment un plat peut changer du tout au tout si vous utilisez simplement un piment différent. Le meilleur compliment de ma vie ? Je l’ai reçu d’une étudiante mexicaine, qui m’a dit que je connaissais mieux la cuisine de son pays qu’elle ».

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Toujours de la sauce soja dans la valise de Leila, qui ne jure que par la cuisine asiatique.

L’Anversoise Leila Rasson (39 ans ) est rédactrice finale et journaliste pour Libelle, et sa délicieuse immersion dans la cuisine asiatique peut être suivie sur Instagram sur asian_supper_in_antwerp.

« Lorsque nous louons une maison de vacances, j’emporte toujours des assaisonnements asiatiques tels que de la sauce soja, de l’huile de sésame et de la sauce de poisson dans ma valise. Car oui, je cuisine aussi des plats asiatiques lorsque je voyage. Les cuisines japonaise et thaïlandaise sont mes préférées, mais j’aime aussi beaucoup d’autres cuisines de la région… Même si je ne sais pas très bien d’où me vient cette passion.

À la maison, c’est vrai qu’on ne mangeait pas que des plats « bien belges » et mon père a découvert de nombreuses saveurs asiatiques aux États-Unis. Dès l’âge de quatre ans, j’étais autorisée à l’accompagner dans la rue chinoise d’Anvers et mon plat préféré était la soupe épicée au piment. Lorsque j’ai commencé à cuisiner moi-même, j’ai parfois essayé de préparer des produits asiatiques. Par la suite, j’ai cherché tout ce que je pouvais trouver au sujet de la cuisine japonaise sur internet, je suis devenue une cliente fidèle du supermarché Kam Yuen à Bruxelles et j’ai appris à cuisiner des produits comme le dashi. Mais ce n’est que lorsque j’ai commencé à vivre avec mon compagnon puis que je suis devenue mère que j’ai commencé à m’y intéresser de plus près.

En toute légèreté

Pourquoi ? J’y ai beaucoup réfléchi. J’aime la légèreté de la nourriture, combinée à son aspect umami. C’est très savoureux et parfaitement rassasiant, sans la crème, le gluten et la viande que d’autres cuisines exigent. Le beurre et tout le reste, je n’aime pas ça et je préfère quitter la table avec une sensation de légèreté. Non pas qu’il n’y ait pas de plats gras dans beaucoup de cuisines asiatiques, qui font souvent la part belle aux préparations frites (rires).

Ce que j’admire le plus dans les cuisines thaïlandaise et japonaise, c’est la sophistication des saveurs. La façon dont la cuisine thaïlandaise combine l’acide, le sucré, l’amer et le salé, l’importance de la qualité pure des produits dans la cuisine japonaise… Je me sens en pleine forme physiquement et ce que je mange y est pour quelque chose, j’en suis certaine.

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Est-ce une obsession ? J’oserais dire que oui. J’ai étudié les langues et la littérature, le français et l’allemand, mais si j’avais à nouveau 18 ans, je choisirais la japonologie. Je suis même des cours de japonais!

Quand j’ai commencé ma page Instagram, il était surtout question de restaurants, mais ces dernières années, j’ai aussi commencé à montrer de plus en plus ce que je prépare moi-même. Apprendre à connaître une cuisine, c’est aussi essayer des choses que l’on ne connaît pas tout le temps. Lorsque je vais au supermarché, j’aime bien repérer au préalable une recette avec un ingrédient que je n’ai jamais utilisé auparavant, pour expérimenter. C’est ainsi que l’on développe ses connaissances.

De bonnes bases

Par exemple, j’ai récemment acheté des oreilles de judas chinoises, une sorte de champignon qu’il faut faire tremper. Il y a aussi des choses que je n’aime pas du tout, comme le nam pla ra, une pâte de poisson fermentée thaïlandaise. Bien qu’il s’agisse d’équilibrer parfaitement une telle pâte avec d’autres ingrédients. Mais pour être honnête, une bonne base vous mènera loin. Sauce soja, huile de sésame, sauce de poisson, vinaigre de riz, mirin, miso… Vous pouvez déjà préparer de nombreux plats avec ces ingrédients.

Je considère également la cuisine comme une forme de créativité et j’aime visiter un supermarché ou imaginer des combinaisons. Lorsque je ne sais pas quoi cuisiner, je regarde toutes les choses que j’ai sauvegardées sur Instagram. Par contre, cuisiner de la nourriture asiatique 90 % du temps n’est possible que si votre partenaire aime aussi en manger. J’ai de la chance de ce côté-là. Avant d’avoir des enfants, nous avons aussi beaucoup voyagé, en Thaïlande, en Corée du Sud, au Népal, en Malaisie, à Singapour, en Indonésie, au Cambodge, au Vietnam, en Chine et au Japon.

Mes enfants sont également tout à fait séduits, peut-être parce qu’ils sont un peu endoctrinés de toute façon (rires) Même s’il leur arrive de demander quelque chose de belge. Ne me demandez pas comment faire un ragoût, je n’en sais rien. Pour nous, un plat belge, c’est des bâtonnets de poisson avec de la purée de pommes de terre.

Et l’appropriation culinaire, dans tout ça? « Je ne prétends pas avoir les mêmes connaissances que quelqu’un qui a grandi dans une famille asiatique », déclare Leila au début de notre conversation. Stijn souligne également qu’il cuisine sa propre version de la cuisine mexicaine. Et ils sont tous deux conscients que l’appropriation culturelle peut également être un problème dans la cuisine.

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