The Barn, du marché au bio au maraîchage « pour un impact direct et durable sur l’environnement »

Julien de Brouwer et Quentin Labrique, fondateurs du projet The Barn. © Photos: The Barn

L’enseigne bruxelloise The Barn, qui célèbre ses 5 ans, vient de mettre au point son premier projet de maraîchage. Sur 1,2 hectare de terre à Chaumont-Gistoux, les Potagers de la Grange prennent racine. L’occasion de se pencher sur ce projet aux valeurs profondément durables.

Dans le petit monde du commerce bio, qui n’est plus si petit que ça finalement, une enseigne a su s’ancrer dans le paysage bruxellois (et anversois) et se tailler une place de choix dans le cœur de ses clients: The Barn, fort de ses six magasins semés dans la capitale et à Anvers. L’entreprise entend maintenant aller un pas plus loin, avec un projet de maraîchage, qui réduit encore le circuit des légumes. C’est au cœur de la campagne wallonne, à un jet de pierre de Chaumont-Gistoux, que les Potagers de la Grange sont installés. Ici, seuls le chant des oiseaux et les bourdonnements des insectes butineurs viennent troubler le silence. L’herbe y semblerait même presque plus verte qu’ailleurs et ce bol d’air frais nous fait du bien à seulement quelques kilomètres de la ville. Dans ce cadre presque idyllique, sur un peu plus d’un hectare de terre, une jeune équipe dynamique s’affaire et essaye de nourrir la terre différemment. Dans huit serres, plus de 40 espèces de végétaux prennent vie. Silence, ça pousse.

© Photos: The Barn

Cela fait cinq ans que Quentin Labrique et Julien de Brouwer, fondateurs de The Barn, se sont lancé le défi de rendre l’alimentation durable accessible à tous. Véritable mot d’ordre de leurs marchés couverts où le bio règne en maître, cette accessibilité est d’autant plus pertinente dans la conjoncture actuelle. «Finalement, la crise que nous traversons actuellement au niveau de la baisse du pouvoir d’achat ne nous impacte pas tant», assure Quentin qui, avant de se lancer, gérait un magasin Decathlon, avec son associé actuel. Changement de vie radical donc pour ce tandem en quête de sens. «The Barn, c’est né un peu par hasard. se souvient Quentin. Nous voulions démarrer notre propre affaire. Nous avons lancé à la volée plein d’idées et avons mis sur papier ce qui était vraiment important pour nous. Nous sommes tous les deux passionnés par le durable et le rapport à la terre, alors de fil en aiguille, The Barn s’est imposé à nous.»

Sans aucune expérience dans l’alimentaire et avec quelques paires de bras supplémentaires, le premier point de vente a vu le jour en mai 2017. Dans un ancien garage à voiture, à la déco brute, toute de palettes de bois récupérées, l’aventure démarrait. «Le premier week-end d’ouverture, c’était la folie. Les gens faisaient la file et on était totalement débordés, se rappelle-t-il. On avait fait quelques estimations pour nos premières commandes mais on s’était complétement plantés! Il manquait de tout, on faisait des allers-retours dans nos petites voitures pour aller rechercher de la marchandise chez notre fournisseur. C’était vraiment rock’n’roll», rigole-t-il. Après cette inauguration et au vu de l’engouement, les deux hommes sont sûrs qu’ils ont fait le bon choix: «On a vu qu’on pouvait convaincre les gens que le bio n’était pas spécialement beaucoup plus cher que le conventionnel», soutient Quentin.

Un véritable laboratoire

Cependant, le duo est convaincu que l’alimentation durable va plus loin que vendre des fruits et légumes issus de l’agriculture biologique. Cette durabilité se trouve aussi dans la juste rémunération et la mise en valeur du travail des agriculteurs. C’est pourquoi, très vite, The Barn s’est associé à des projets de maraîchages afin de soutenir ces producteurs qui font bouger les lignes. Ainsi, chacun des marchés de l’enseigne collabore en direct avec un maraîcher cultivant sur une surface de maximum 2 hectares. «Ces collaborations sont hyper importantes pour nous, explique Quentin. Nous encourageons les producteurs dans leur démarche et nous leur assurons un revenu fixe et régulier. Mais nous aidons aussi leurs exploitations sous la forme de prêt sans intérêts ou de microfinancement notamment.»

© Photos: The Barn

Depuis peu, les deux jeunes entrepreneurs ont toutefois décidé de pousser le curseur encore un cran plus loin, avec une production 100% The Barn. Dans les Potagers de la Grange, fruits et légumes poussent au gré des saisons. Cette production maison est ensuite écoulée dans le marché couvert de la place Saint-Pierre, à Etterbeek, sans intermédiaire. «Démarrer cette production propre, c’est vraiment aller plus loin et avoir un impact direct et durable sur l’environnement», se réjouit Quentin.

Aubaine pour lui et son comparse, il s’agit en réalité d’une reprise de projet. Les infrastructures étaient sur place et la rentabilité était déjà au rendez-vous, générant un gain de temps, d’argent et d’énergie. « Cela faisait un moment que je voulais me lancer le défi de me mettre à cultiver, raconte Quentin. Ici, le fait d’avoir pu reprendre ce site, c’est un véritable luxe. Cela nous permet d’être directement dans le vif du sujet, d’être rentable et faire plein de choses.» Car ces terres brabançonnes sont devenues une sorte de grand labo ouvert où l’on teste, essaye, plante et laisse la nature faire son œuvre. «On a tenté des cultures assez inhabituelles sur des petites surfaces, comme le poireau, les choux ou les brocolis, énumère Quentin. On a cette double chance d’être arrivé dans quelque chose qui fonctionnait et de pouvoir écouler sans problème la production grâce au magasin d’Etterbeek.» De plus, dans cette idée de nourrir le sol et de l’enrichir, la rotation des cultures et quelques principes de la permaculture sont intégrés à la démarche. «Cette année, on remarque par endroit que le sol est épuisé. A la fin de la saison, on va donc déplacer les serres et laisser la terre en jachère ainsi que l’enrichir pour qu’elle puisse se régénérer», nous glisse le jeune maraîcher.

Le premier magasin The Barn, situé place Saint‑Pierre à Etterbeek, ouvert en mai 2017.
Le premier magasin The Barn, situé place Saint‑Pierre à Etterbeek, ouvert en mai 2017. © Photos: The Barn

Dans ce labo à ciel ouvert, plus d’une quarantaine d’espèces sont cultivées, ce qui est relativement élevé par rapport à la surface exploitée ainsi qu’aux pratiques habituelles. Mais l’idée ici est d’expérimenter et de dresser les grandes lignes conductrices d’un projet maraîcher rentable afin d’en créer un plan réplicable pour tout un chacun voulant se lancer. «A terme, on aimerait essayer d’établir une sorte de plan à suivre, regroupant toutes nos expériences et ce que nous avons appris, explique Quentin. Cela serait comme un « guide de culture sur un hectare» que tout jeune qui souhaite se mettre au maraîchage pourrait suivre pour démarrer. Et l’idéal serait de pouvoir échanger avec tout ce petit monde et créer ainsi une sorte de laboratoire géant d’idées et d’expériences.»

Ambassadeurs aux valeurs fortes

Concernant sa stratégie marketing, The Barn a décidé de faire les choses un peu différemment. Ici pas de grandes campagnes de publicité ni de beaux discours. On se base sur les actes plutôt . «Je pense sincèrement que l’on peut mieux défendre un produit ou une idée si on en a fait l’expérience», affirme Quentin. Alors ni d’une, ni deux, les barners – comprendre ceux qui travaillent pour ces magasins – sont mis au cœur de la communication et deviennent de véritables ambassadeurs. Une fois les beaux jours venus, et alors que la haute saison bat son plein dans les champs, ils sont envoyés sur le terrain afin de prêter main-forte aux agriculteurs. «J’ai toujours eu un grand intérêt pour la terre et l’agriculture, nous confie Livia, barneuse depuis trois ans. Mais pouvoir réaliser cela dans le cadre de mon job, c’est vraiment génial. Au-delà de cet aspect, je trouve cela hyper important de pouvoir aller sur place, toucher la réalité et y participer. C’est tellement enrichissant. On peut voir les produits que l’on vend et quand on est dans le magasin, on peut dire aux clients que tel ou tel article est ultrafrais, que nous l’avons récolté nous-même. Cela rajoute une dimension humaine.»

© Photos: The Barn

Ce n’est pas tout. Chaque fournisseur ouvre également ses portes aux collaborateurs afin que ces derniers puissent en apprendre plus sur leurs les méthodes de fabrication, les conditions et réalités du métier. Ainsi, l’an dernier, ce sont 56 visites qui ont été organisées. Pour Geoffroy, barner depuis deux ans, celles-ci sont d’une importance capitale. «Déjà, aller sur place et échanger directement avec les producteurs, cela rend toutes nos actions et notre impact bien plus concrets. On a l’impression d’avoir une influence positive et cela donne du sens à notre travail, résume-t-il. Et puis, voir cette réalité, c’est vecteur d’engagement aussi. Et ça nous permet de mettre des visages, des histoires derrière les produits que nous vendons. On arrive donc plus facilement à répondre aux clients par exemple.»

Quant au producteur situé à l’étranger, la filière est aussi visitée. Une fois par an, un voyage est organisé afin de remonter le fil de production et de s’assurer de la qualité des engagements des partenaires de l’aventure.

‘Je ne pense pas que la croissance et la durabilité soient antinomiques. Je crois qu’on peut avoir les deux.’ Quentin Labrique

Un écosystème vertueux

Finalement, en cinq ans, c’est toute une constellation de producteurs qui s’est regroupée autour de cette idée née dans un garage. A force de rencontres, d’échanges et de partages, ce petit monde s’épaule, se renforce et essaye d’aller plus loin. «Nous, notre envie avec les Potagers de la Grange, ce n’est pas de supplanter nos autres partenariats. On ne compte pas non plus réinventer la roue. Mais on souhaite vraiment épauler l’agriculture biologique à la hauteur de nos moyens», explique Quentin.

Une question de taille se pose cependant. Depuis sa création, The Barn a inauguré une enseigne chaque année. Et avec deux nouvelles ouvertures dans les cartons, on peut s’interroger: comment garantir la durabilité du projet dans cette trajectoire? « Je ne pense pas que la croissance et la durabilité soient antinomiques. Je crois qu’on peut avoir les deux, justifie le fondateur. Peut-être justement qu’ouvrir de nouveaux The Barn soit la meilleure chose que l’on puisse faire pour soutenir le secteur actuellement. En dégageant de nouveaux volumes de vente, en soutenant d’autres initiatives et en grandissant, on ne peut qu’être plus fort et donc avoir plus d’impact sur le terrain et la réalité.» Dans cette conception vertueuse où la transparence règne et où chacun se renforce, il apparaît dès lors que l’on peut, en effet, faire rimer croissance avec durabilité et conserver ses valeurs. Cela est peut-être dû aussi à la grande indépendance de l’enseigne. Cette dernière, n’ayant jamais eu recours à des investissements extérieurs, garde sa totale liberté.

En attendant, le potager n’en est qu’à ses balbutiements. Il faudra environ trois saisons avant d’avoir une idée plus complète de la marche à suivre et que le projet soit totalement abouti. Mais cela n’empêche pas nos entrepreneurs de se projeter. Ainsi, on imagine que les Potagers de la Grange, actuellement un peu à l’étroit, déménagent pour s’agrandir. Et que ce nouveau lieu soit ouvert à tous. Aux barners, premièrement, pour en apprendre plus sur la culture du sol et ses réalités. Aux clients, ensuite. Pour qu’ils puissent mieux saisir l’importance de payer un prix juste et les enjeux. Et aux enfants, enfin. Pour les sensibiliser, recréer un lien avec la terre et leur inculquer l’importance du respect de celle-ci dès le plus jeune âge. L’aventure ne fait que commencer.

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