Un week end pour les rebelles du goût

© Bernard Demoulin
Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

Ces 28 et 29 novembre se tiendra à Bruxelles la deuxième édition du Salon des vins et bières rebelles. Le point avec l’un des organisateurs, Patrick Böttcher, sur ce contre-évènement salutaire qui s’oppose à la standardisation du goût, à la malbouffe et au productivisme.

L’affiche que vous proposez impressionne : 119 vignerons et 17 brasseurs. Vu les circonstances, serez-vous en mesure de la maintenir ?

Patrick Böttcher : Jusqu’ici, je n’ai perdu que trois vignerons dont un sera quand même représenté par son caviste. Je crains malheureusement devoir faire face à des défections de dernière minute de la part des vignerons italiens. Il me semble que plus la situation est vue de loin, plus elle semble catastrophique… En Italie, les gens s’imaginent que Bruxelles est morte et qu’il y a un terroriste à chaque coin de rue. Cela dit, je reste optimiste. La première édition a rassemblé plus de 1500 personnes et à l’heure qu’il est, même si nous n’atteindrons probablement pas les 3000 visiteurs que nous espérions, nous sommes déjà au-delà de 1600 entrées pour ce qui est des billets réservés en ligne.

Que faut-il comprendre par vins et bières « rebelles » ?

Le lien qui traverse les artisans qui seront présents est celui d’une résistance à la standardisation du goût, à son industrialisation, ainsi qu’à la malbouffe. Pour les visiteurs, c’est l’occasion de découvrir une palette de saveurs différentes, celle de l’amertume et de l’acidité. On sera loin du sucre. On n’y pense même plus mais une pils industrielle classique contient environ 19 grammes de sucre par litre, c’est une vraie bombe énergétique. Bien sûr, on ne le goûte que relativement peu car cette présence est compensée par des correcteurs. A côté de cela, une gueuze de chez Cantillon fait valoir… zéro gramme de sucre ajouté.

Un week end pour les rebelles du goût
© DR

Vous exercez la profession de pharmacien, comment se fait-il que l’on vous retrouve derrière un évènement comme celui-ci ?

En raison de ma nature excessive. J’ai été mis sur les rails du bon vin et des bonnes choses par mon père. Longtemps, je me suis contenté de découvrir les bons producteurs en Belgique. Je savais que si je passais les frontières, cela prendrait des proportions énormes. Cela s’est fait progressivement. Je me suis d’abord passionné pour l’Alsace. Ensuite j’ai découvert l’Italie où j’ai pris la mesure de cette génération de vignerons et de brasseurs rebelles. J’ai organisé ce salon pour leur rendre hommage. Et aussi pour faire une énorme fête. Je pense que l’on en a besoin.

Les vins dits « nature » sont souvent critiqués. Vous avez fait le choix de les défendre, comment vous situez-vous dans ce débat ?

Il s’agit d’une critique récurrente que de dire que les vins nature puent, sentent la ferme. Loin de moi l’idée de dire que tous les vins nature sont bons. Il y a autant de vins nature « mauvais » que de vins dits « classiques » qui le sont. Seulement, ils ne sont pas mauvais dans le même sens. Cela dit, il y a vraiment un progrès. Il y a 10 ans lorsque j’allais à la Dive Bouteille, le salon emblématique des vins nature, il fallait s’accrocher. Aujourd’hui, les mauvais vignerons et les vins déviants ont quasi disparu. Le vin nature n’est pas un créneau pour les dilettantes. C’est exigeant et cela nécessite énormément de travail. Cela dit, la sélection que nous proposons n’est pas de pure orthodoxie. Par exemple, pour les vignerons italiens nature le seuil de S02 acceptable commence à 35mg par litre, tandis qu’en France l’AVN – l’Association des Vins Naturels – préconise un maximum de 20mg. Je me suis fixé comme critère de ne pas descendre en-dessous d’un vin de certification biologique. On ne devient pas « naturiste » en un jour, cet évènement est une bonne façon de mettre le pied à l’étrier de ce phénomène.

Y a-t-il un stand qu’il ne faudrait surtout pas rater lors de ce week-end ?

Je pense tout particulièrement à celui de la vigneronne italienne Elisabetta Foradori sur laquelle je suis en train d’écrire un livre. Cette femme est arrivée à produire des vins avec un niveau d’équilibre exceptionnel. Ce, en utilisant peu de S02 et en vinifiant en amphore. Le tout à partir d’un cépage autochtone du Trentin relativement ingrat, le teroldego. Elle arrive à réaliser ce qui pour moi est le graal de la viticulture, à savoir unir le vin et la terre nourricière, le fameux terroir. Cerise sur le gâteau, elle y est parvenue en écoutant les autres, c’est une formidable aventure humaine.

Propos recueillis par Michel Verlinden

Vini Birre Ribelli, Salon des vins et bières rebelles, vente et dégustation, Stade Roi Baudouin, 135/2, avenue de Marathon, à 1020 Bruxelles. Samedi 28 et dimanche 29 novembre, de 10h à 19h. Entrée pour 1 jour : 10 euros. Plus d’infos sur www.vinibirreribelli.net

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content