Va te faire cuire un bœuf: les trucs et astuces pour un steak parfait
N’en déplaise aux végétariens, nombre d’épicuriens aiment s’offrir de temps à autre un bon steak. Mais comment le choisir et le préparer? Plusieurs experts nous livrent leurs conseils pour magnifier la chair fraîche.
Préparer un steak cuit comme il faut, qui ne laisse pas de traînées de sang et ne ressemble pas à une semelle cramée… Ce geste s’apparente souvent à un coup de poker pour le novice. Temps de cuisson, choix du morceau et de la race de boeuf… Voici un mode d’emploi pour les nuls (et ceux qui veulent encore s’améliorer). Il ne s’agit bien sûr pas d’un plaidoyer pour la consommation massive de viande, dont on connaît les conséquences néfastes sur la santé et l’environnement. Mais d’une invitation à s’offrir une belle entrecôte ou un onglet à l’échalote pour un repas festif, et ainsi remettre ce classique viandeux sur son piédestal.
Le B.A.-ba
Le « steak » est un terme générique employé pour désigner divers morceaux de viande, coupés dans différentes parties du boeuf. Ces pièces diffèrent en goût, en texture… et en prix.
Très populaire, l’entrecôte est un grand morceau allant du cou jusqu’à la moitié du dos, qui nécessite plusieurs découpes.
Le filet pur est aussi issu du dos de la bête et possède des fibres fines, ce qui rend la chair si tendre. Puisque chaque animal ne possède qu’un seul filet pur, la demande est énorme… et les prix suivent en conséquence. Dans l’épaule se cache également un faux-filet qui apporte quelques steaks pelés. Comment? En coupant les membranes et tendons jusqu’à l’obtention d’un beau médaillon.
La bavette provient, elle, du ventre du boeuf. La viande est rouge, assez charnue, avec beaucoup de goût. Un excellent choix pour un steak moins cher mais savoureux. Dans le même ordre d’idées, l’onglet est également bon marché; il possède beaucoup de fibres mais tout autant de goût. On conseille de le cuire bleu (ou saignant).
Le filet mignon est, lui, un steak pelé, issu d’un muscle de la cage thoracique. De couleur claire et de texture fine, il se savoure bleu ou saignant et gonfle en cuisant.
Quant à la tranche, elle est également apparentée au steak pelé et fait partie de la grosse tête, une partie de la cuisse. Pour finir, vous pouvez obtenir de bons steaks pelés de la souris. La texture sera veloutée avec une saveur intense. Le pelé royal, roi des steaks pelés, provient lui aussi de ce morceau.
Quoi qu’il en soit, le boucher reste la personne la mieux placée pour aiguiller votre choix.
La cuisson basque
Txogitxu, ce mot magique n’est certainement pas méconnu des bonnes fourchettes carnivores. Ce label désigne en effet une viande provenant de vaches ayant eu une vie longue et heureuse, idéalement en prairie, et une alimentation à base d’herbe. Pour en savoir plus, nous nous sommes rendus dans la cuisine test de Carnivale, la société de Johan Vandyck qui a introduit et qui distribue le label Txogitxu en Belgique. A notre arrivée, une entrecôte bien rouge, enveloppée d’une belle couche de graisse jaune, attendait sa cuisson. « Une vieille vache est une vache grasse », insiste Johan Vandyck. Et de nous expliquer que si la graisse fond quand on la touche, c’est que c’est celle d’une bête en bonne santé. Une vache élevée dans de moins bonnes conditions verra sa graisse blanche (ou grisâtre), dure et granuleuse. Elle ne fondra pas au contact de la température corporelle. L’entrepreneur estime qu’un animal en bonne santé est un animal qui a eu une vie en prairie et de la nourriture naturelle telle que de l’herbe, fraîche en été et séchée en hiver. Les vaches que l’entrepreneur belge sélectionne pour le label basque Txogitxu ont vécu entre 8 et 22 ans, ont eu des veaux et donné du lait. En comparaison: une vache à viande, dans un élevage industriel, est abattue après 4 à 5 ans. « La race sert souvent de référence aux consommateurs. Or ce sont les conditions de vie de l’animal qui importent, insiste l’expert. Pour le label, nous ne parlons pas de races, mais uniquement d’âge et d’origine. »
La race sert souvent de référence aux consommateurs. Or ce sont les conditions de vie de l’animal qui importent.
Johan Vandyck
Pour la cuisson de l’entrecôte, Johan Vandyck utilise la manière basque, la région étant connue pour ses grillades. Dans les maisons de cidre (une autre spécialité de la région), vous trouverez toujours un immense gril au bois et charbon. La grille de ce dernier n’est pas plate mais possède un coin afin que la graisse qui s’échappe de la viande puisse s’écouler dans une petite rigole. « La graisse qui tombe sur le charbon crée des flammes qui brûlent la chair », avertit l’amateur de steak. Comment obtenir une cuisson similaire dans notre cuisine? Tout d’abord, laisser chauffer la poêle jusqu’à ce qu’elle fume. Y poser une pièce de boeuf bien veinée, avec une bonne couche de gras jaune clair, pour ne pas ajouter de matière grasse.
La viande commence à grésiller et une croûte brune irrésistiblement croquante et savoureuse apparaît. Après quatre minutes et demie, retourner la viande et saupoudrer le côté cuit d’une poignée de gros sel. Lorsque l’autre face est brunie, le gros sel est enlevé car il y a assez de sel fondu pour donner du goût. Il est aussi important de continuer à vider la graisse de la poêle, afin que la viande puisse être cuite aussi « sèche » que possible. Cette graisse peut servir ensuite pour la cuisson de légumes ou de pommes de terre. Le spécialiste de la cuisson basque ne laisse par contre pas reposer la viande. « Ma théorie, pas du tout scientifique, est que la vie longue et saine de ces vaches garantit une viande ferme avec une fibre qui retient tous les jus, dit-il. Beaucoup sont à la recherche de viande tendre avec une fibre fine, qui fond sur la langue. Pour moi, ce n’est pas un signe de qualité: de la bonne viande c’est un muscle qui a travaillé, qui donne une fibre robuste et beaucoup de goût. Il n’y a rien de mal avec la mastication: cela permet de libérer tous les arômes. »
La mastication permet de libérer tous les arômes.
Johan Vandyck
Les autres techniques
Un autre fournisseur de viande, qui approvisionne de nombreux chefs, est Jurgen Peel de chez Steak à Manger. A travers le monde, il sélectionne des boeufs qui ont vécu en extérieur, assurant une viande de qualité exceptionnelle. Sa spécialité est le boeuf nourri au grain, comme le célèbre Wagyu, la race japonaise connue pour ses marbrures de graisse intenses, qui rendent la viande presque rose. Son premier conseil? Se procurer un steak épais, une bonne tranche de trois à quatre centimètres, pour réduire le risque de surcuisson. Pour lui, il est d’abord indispensable d’amener le steak à température ambiante et de le saler des deux côtés. De cette manière, le sel aura le temps de pénétrer. Ensuite, sécher le steak car l’humidité est l’ennemie de la belle croûte brune. Vient alors la cuisson.
Au four
« Si vous n’êtes pas encore certain de vos talents de cuisinier, laissez le steak se réchauffer lentement dans le four, propose notre homme. Cette cuisson donne l’assurance que la viande sera chaude à coeur. Il faut compter 30 à 45 minutes pour un four préchauffé à 50°C. Une fois que c’est fait, passez le steak deux minutes supplémentaires dans une poêle chaude sur chaque côté afin d’obtenir la jolie croûte brune. »
A la poêle
Les plus intrépides peuvent directement cuire leur pièce de boeuf à la poêle. Pour un morceau de viande ayant une belle couche de graisse, comme un aloyau, le placer sur son bord gras en premier: la graisse fondra et fera office de matière grasse. Faire ensuite cuire le steak sur son contour, s’il n’a pas été préchauffé au four, pour que la chaleur pénètre jusqu’au coeur. Après cette étape, poser la viande sur son côté plat et la griller dans la graisse, retourner après 2 minutes, afin de créer une croûte. Si le steak est épais, on peut le servir en fines tranches, façon tagliata.
Sous vide
Une autre méthode anti-catastrophe est la cuisson sous vide. Pour ce faire, des appareils bon marché et de bonne qualité (sous la forme d’un bâtonnet à placer dans un récipient) ont débarqué sur le marché. Ce mode de cuisson a rapidement été adopté par les cuisiniers amateurs exaltés. C’est le moyen infaillible de cuire sa viande. On la place dans un sachet sous vide, et on met le tout dans de l’eau chaude. La température y est plus précise et constante que dans un four, et dépend de la taille du morceau. Le steak doit toutefois être ensuite saisi dans une poêle chaude, pour l’indispensable croûte!
Quelle matière grasse?
A défaut de viande bien grasse, il faudra probablement ajouter de la matière grasse à la poêle. Toutefois, cette dernière devant être très chaude, le beurre n’est pas indiqué car il brûle vite. Mieux vaut opter pour un beurre clarifié. Comment le fabriquer? Il suffit de laisser fondre le beurre à feu doux. Une fois fondu, une couche de mousse se forme à la surface. Retirer l’écume avec une écumoire, puis verser la matière grasse clarifiée dans un bol, en retirant les résidus solides (protéines de lait). Par contre, combiner du beurre avec de l’huile neutre pour contourner le point de fumée bas du beurre est une érésie. En réalité, le point de fumée du beurre reste le même mais il se dilue avec l’huile, c’est pourquoi il y a moins de morceaux brûlés.
Quelle cuisson?
La plupart des bouchers et des amateurs de bidoche pensent qu’il n’y a qu’une seule cuisson possible: « bleu ». C’est-à-dire ayant une belle croûte à l’extérieur et encore rouge (mais chaud) à l’intérieur. Mais il existe d’autres types de cuisson: saignant (la viande est encore bien rouge à l’intérieur, mais légèrement cuite), à point (la viande est rosée) et bien cuit. Selon le boucher Rondou, à Louvain, pour un steak à point ou bien cuit, il est préférable de choisir un morceau de viande plus fin, d’un centimètre maximum. Pour le saignant, il doit être d’au moins 2 centimètres, et pour le bleu, au moins 3 centimètres d’épaisseur.
La réaction de Maillard
Cette réaction, nommée d’après le chimiste français Louis-Camille Maillard, se produit lorsque les sucres et acides aminés sont portés à haute température. Celle-ci fait naître la couleur brune ainsi que le goût intense d’un steak ou d’oignons frits. Pour avoir une belle croûte, il est nécessaire d’avoir une viande sèche et, donc, de la tamponner avant cuisson ou, mieux, de la laisser à découvert dans le réfrigérateur durant toute une nuit, si la tranche est épaisse. Afin d’obtenir un morceau de viande aromatisé en profondeur, le steak peut être généreusement salé pendant ce temps de séchage. L’excédant de sel peut être retiré avant la cuisson.
La viande maturée
La viande, toujours sur la carcasse, est accrochée dans un réfrigérateur très sec pour qu’elle puisse « mûrir » durant une période définie. Certains bouchers comptent 21 jours, d’autres jusqu’à 120. Les morceaux du dos, bien veinés et présentant une belle couche de graisse, sont particulièrement adéquats. Ils se dessèchent au cours de l’opération et leur goût s’intensifie. Les enzymes présentes provoquent la dégradation du tissu musculaire, ce qui donne une texture molle et beurrée. Avec un boeuf d’élevage de qualité, la graisse et la viande vont fusionner, permettant au goût fort de la graisse de pénétrer dans la chair. La viande se couvre progressivement d’une croûte noire: c’est une protection naturelle contre les éventuelles bactéries. Afin de préparer la viande pour la cuisson, le boucher va couper cette croûte pour dévoiler un steak rouge intense. A noter toutefois: plus le morceau de viande passe de temps à la boucherie, plus le prix augmente…
Il fut un temps où chaque région possédait ses propres races en fonction de l’environnement. Au cours des siècles derniers, cette diversité s’est réduite car certaines races se sont distinguées par leur rendement ou leur robustesse. Celles-ci se sont répandues bien au-delà de leur région d’origine et sont donc celles qui finissent le plus souvent dans nos assiettes. Actuellement, dans le secteur de la viande, l’accent est mis sur les races. Toutefois, l’alimentation et les conditions de vie ont au moins autant d’impact sur le goût.
Blanc bleu belge
Cette race de bovins a été élevée pour son haut rendement à l’abattage: c’est une vache à grosses cuisses qui grandit rapidement. Cette race est souvent décrite comme notre fierté nationale mais fait l’objet de critiques, notamment parce que les vaches ne sont plus capables de vêler naturellement en raison de leur extrême musculature. La viande est maigre et fine en fibres.
Rouge de Flandre-Occidentale
La race peuple les pâturages ouest-flandriens depuis la nuit des temps. Mais elle est revenue sur le devant de la scène ces derniers temps grâce aux chefs du cru. Son goût est puissant et elle présente une couleur rouge profond.
Limousin
Originaire de la région de Limoges, ce boeuf est élevé en Belgique depuis plusieurs siècles. Sa viande est appréciée des connaisseurs pour son goût naturel, les bovins de cette race étant robustes pour rester à l’extérieur, dans les prés.
Charolais
Ces boeufs français à grosses cuisses sont originaires de la région de Charolles. Ils vivent généralement à l’extérieur sur un régime d’herbe mais sont engraissés au grain juste avant l’abattage, ce qui donne une viande sucrée et légèrement plus grasse.
Aberdeen Angus
Ces vaches noires ou rouges (Black Angus ou Red Angus) sont originaires d’Ecosse. Elles grandissent lentement, ce qui leur donne une structure de viande ferme avec un joli motif de marbrure, donnant une saveur… qui a son prix.
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