Marine Schneider, nouvelle star de l’illustration jeunesse: « Un livre, c’est pas juste des belles images avec un beau texte »

© Jules Toulet
Amélie Micoud Journaliste

Elle est l’heureuse gagnante de La Pépite d’or 2022, la récompense suprême du Salon du livre de jeunesse de Montreuil, avec son magnifique album Hekla et Laki. Marine Schneider, autrice et illustratice belge, a répondu à nos questions de fan, parce que la poésie de son beau livre marche aussi sur les plus grands. Émotions garanties, on vous aura prévenus!

Hekla est arrivé par un jour de grand vent sur le chemin du vieux Laki. Son petit corps a tourbillonné délicatement au-dessus du cratère. Laki a d’abord pensé à un insecte, puis à un oiseau. Mais non, c’était Hekla.

Ainsi tease la quatrième de couverture d’Hekla et Laki, l’ouvrage édité chez Albin Michel Jeunesse qui a valu à la jeune illustratrice bruxelloise Marine Schneider une Pépite d’Or au salon de Montreuil, en France, en ce début de mois de décembre. A la rédac’, on confesse avoir lu ce livre seule, sans enfants dans les parages (alors qu’on n’en manque pas!). L’album est simplement beau, tant visuellement que dans les mots. Mais comme on n’est pas objectif, on vous laissera le découvrir par vous-même: vous le trouverez dans toutes les bonnes librairies.

hekla et laki

Qu’est-ce qu’on ressent en recevant la pépite d’or?

De la surprise, une énorme surprise ! Je ne m’y attendais pas du tout. J’espérais vaguement la Pépite du livre illustré mais je ne m’étais pas laissé espérer à recevoir la Pépite d’Or. C’est une récompense que je convoitais évidemment, mais beaucoup plus loin dans ma carrière, peut-être à mes 50 ans, comme un Graal.

J’ai aussi ressenti une espèce d’incrédulité, je ne l’ai pas cru tout de suite, et je ne suis pas sûre de l’avoir conscientisé encore vraiment aujourd’hui, même si la Pépite trône dans mon atelier, ça reste encore un peu abstrait. Et enfin j’ai ressenti, je l’avoue, quand même un peu de fierté, car être sélectionnée pour le salon, c’est déjà énorme, mais alors gagner… et que ce soit un jury professionnel qui reconnaisse que ce livre est l’un des meilleurs livres de l’année en littérature jeunesse francophone, c’est quand même dingue!

D’où vous est venue l’inspiration pour Hekla et Laki?

C’est un projet qui était inconsciemment là dans mon esprit depuis la naissance de mon fils, qui a 4 ans et demi, et peut-être même pendant ma grossesse. Et c’est en devenant maman que j’ai commencé à avoir des interrogations sur la place de mon enfant dans le monde, ma place dans le monde maintenant que j’avais un enfant, ce que j’allais transmettre, mais aussi une conscientisation très forte de la mort, de la mienne et évidemment de la sienne. Des sensations et émotions très fortes, liées à l’apprentissage de la maternité.

Je suis allée en Islande en 2021, et j’ai vu un volcan en éruption. Le hasard avait fait qu’il était entré en éruption quelques jours avant mon arrivée. Et de voir ce spectacle incroyable du volcan qui bouillonne, de la lave qui explose, du bruit, de la couleur, de la chaleur, des sensations… C’est un peu comme si cette vision là s’était greffée sur toutes les interrogations que j’avais accumulées pour faire Hekla et Laki. Tout se mettait dans le bon ordre grâce à ce volcan.

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Quel.le.s sont celles et ceux qui vous ont inspirée et vous inspirent encore?

Quand j’étais étudiante, je m’inspirais beaucoup d’autres illustrateurs comme Beatrice Alemagna, Kitty Crowther, et plus j’avance, moins je m’inspire d’illustrateurs mais d’autres choses comme des films. L’inspiration pour Hekla et Laki est aussi venue du film Dogville, de Lars Von Trier, et de littérature. J’aime beaucoup les auteurs islandais, comme Audur Ava Ólafsdóttir. Dans l’un de ses ouvrages, Miss Islande, elle a une héroïne qui s’appelle Hekla. J’avais lu ce livre il y a longtemps, et c’est en (re)parcourant la quatrième de couverture que je me suis rendu compte que l’héroïne s’appelait ainsi. C’est comme si mon esprit l’avait absorbée et mise de côté !

J’adore aussi en illustration Eva Lindström, une suédoise qui a gagné le prix Astrid Lindgren 2022. J’écoute aussi énormément de musique, une de mes inspirations pour Hekla et Laki c’est Vesuvius, de Sufjan Stevens.

On dit que le secteur de la littérature jeunesse est saturé, un mot pour celles et ceux qui voudraient faire ce que vous faites mais peuvent douter?

J’étais la première à penser que c’était bouché et que je n’y arriverais pas. Mais je me suis toujours dit « si j’ai envie de le faire j’y arriverai ». J’ai commencé à être très active quand j’étais étudiante. Maintenant il y a Instagram, mais à l’époque j’avais un blog sur lequel je publiais mon travail, mes recherches, mon carnet, etc. Et puis je conseillerais de répondre à des appels à projets de fanzines, de petits magazines. Il faut déjà s’essayer à l’édition: un livre, c’est pas juste des belles images avec un beau texte! C’est aussi une page qui vient après l’autre, toute une narration, du début à la fin, un personnage qui doit se ressembler, du début à la fin. J’ai trouvé ça intéressant de s’essayer, sans finalement beaucoup d’enjeux au départ, se dire que ce qu’on fait au début, ça n’est pas rien, mais ça n’est pas un livre qui va rester des années en librairie non plus.

Je ne suis pas quelqu’un qui, dans la vie de tous les jours, ose démarcher, se mettre en avant, mais dans mon métier oui, car je sais aussi que c’est grâce à ça que ça marche. Mon premier éditeur, je l’ai rencontré lors d’une conférence sur l’illustration et je suis allée le voir à la fin en lui tendant ma petite carte de visite avec le nom de mon blog, et c’est comme ça que j’ai eu mon premier boulot d’illustration d’un album qui s’appelle Je suis la Mort.

Et enfin, je pense qu’il ne faut pas hésiter à aller voir, écouter, lire et interroger, dans l’illustration jeunesse mais aussi dans l’art en général et dans la littérature.

Les coups de cœur littérature jeunesse de Marine

Coucou, de Lucie Felix (éditions Grandes Personnes), pour les bébés: c’est un livre qui se déplie, qu’on peut mettre sur le tapis de jeu pour le bébé, à travers lequel on peut regarder et peut regarder le bébé le monde à travers des filtres de couleurs et de formes.


Le repaire, d’Emma Adbåge (Cambourakis): dans ce livre, l’autrice a capturé l’essence de l’enfance, dans sa façon de dessiner les personnages, mais aussi l’histoire en elle-même.


Cousa, d’Adrien Albert (L’Ecole des loisirs): un très beau livre! Le lecteur a l’impression d’être dans le secret avec le héros du livre.

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