La maison Volckrick, souvenir de l’Expo 58

Maison Volckrick souvenir de Expo 58
Le bureau est la pièce la plus originale, où les matériaux s’expriment pleinement : phragmite (paille) au plafond, sol en asphalte et piliers en béton bouchardé. © Nicolas Schimp

En 1958, Bruxelles accueille l’Expo universelle qui laissera de profonds souvenirs à tout le pays. Parmi eux, des constructions audacieuses et décomplexées apparaissent, comme cette maison conçue par Georges Volckrick pour y installer son bureau et sa famille.

Si l’architecture des années 50 a mauvaise réputation à Bruxelles, des constructions d’une remarquable originalité ont fleuri dans les rues. Certains concepteurs se sont mis en quête d’un langage moderne renouvelé, enrichi par la transparence, la couleur ou la poésie. Ces aspirations de vie moderne s’expriment avec force lors du rendez-vous mondial de l’Expo 58, et engendrent une véritable renaissance de l’art de bâtir, avec un répertoire de formes d’une grande diversité. Certains ont laissé leurs noms dans les mémoires, mais d’autres restent encore très confidentiels, qui ont pourtant réalisé de véritables bijoux, comme la maison Volckrick. Reconnu par ses confrères mais encore peu connu du grand public, l’architecte Georges Volckrick (1918-1987) finalise sa demeure la même année que l’expo. Elle est aujourd’hui habitée par l’une de ses filles et son mari qui ont décidé, il y a dix ans, de s’y installer afin de la protéger, l’entretenir et la restaurer.

Le châssis sculptural du bureau, avec meubles et boîte aux lettres intégrés.
Le châssis sculptural du bureau, avec meubles et boîte aux lettres intégrés. © Nicolas Schimp

Située à Watermael-Boitsfort, cette maison orientée au sud dispose d’un vaste espace à l’avant, un cadre idéal pour développer une façade principale presque entièrement vitrée. Elle se démarque à plus d’un titre des constructions traditionnelles, par un mariage audacieux de divers matériaux comme l’asphalte, le basalte ou la phragmite (NDLR: roseau commun utilisé comme de la paille), et de touches de couleurs vives: jaune d’or, bleu intense, rose. De quoi en faire une réalisation optimiste et le miroir d’une époque.

Etagée sur quatre niveaux pour pouvoir accueillir un ménage avec cinq enfants, elle fait la part belle à la diagonale et à l’angle obtus, lui conférant beaucoup de dynamisme. Sa situation au croisement de deux rues permet de développer une imposante façade latérale: un pignon de briques quasi monolithique, sur lequel se découpent les châssis sculpturaux du bureau, au rez-de-chaussée. Car outre le lieu de vie d’une famille nombreuse, la maison a hébergé le bureau de l’architecte, illustrant ses compétences et son savoir-faire, telle une carte de visite.

La salle à manger est meublée dans le style fifties, avec un ensemble de chaises de Christophe Gevers. © Nicolas Schimp
Dans la cuisine, la couleur verte de la porte et du passe-plat apporte de la gaieté.
Dans la cuisine, la couleur verte de la porte et du passe-plat apporte de la gaieté. © Nicolas Schimp

Poésie des matières

Contraste de lumière par les pleins et les vides, expression des matières, la maison est un exemple maîtrisé de cette architecture optimiste ouverte aux temps nouveaux de l’après-guerre. En y entrant, nous sommes saisis par l’atmosphère à la fois sereine, dynamique et inspirante. Ici, pas de style plastique «Spirou» alors en vogue à l’époque, ni de caractère radical, mais plutôt un modernisme modéré, teinté de régionalisme avec l’emploi majeur de la brique, et même d’une touche de brutalisme. Volckrick a dessiné la maison comme une œuvre totale, avec un aménagement intérieur singulier, à l’image de l’escalier en béton couvert d’asphalte ou des châssis avec meubles et boîte aux lettres intégrés dans le bureau: une inventivité au service de la fonction. Les matériaux s’expriment librement dans toutes leurs qualités et leur poésie. Au rez-de-chaussée, le plafond du bureau est couvert de phragmite laissée à nu, un isolant en paille habituellement masqué. Si son usage a déjà été vu chez Le Corbusier, le sol en asphalte, en revanche, est une première!

Un beau contraste noir et blanc dans l’entrée: sol en marbre, escalier couvert d’asphalte, et murs en briques peintes en blanc.
Un beau contraste noir et blanc dans l’entrée: sol en marbre, escalier couvert d’asphalte, et murs en briques peintes en blanc. © Nicolas Schimp

A l’étage, l’espace jour se déploie dans une continuité spatiale et lumineuse, couvert de dalles d’usine en grès. Côté salon, un feu ouvert dessiné par le sculpteur et ami de l’architecte, Jean-Pierre Ghysels – qui a créé l’une des deux fontaines de la tour du Midi – réchauffe l’espace, apportant une chaleur cosy. Les portes intérieures d’origine sont le plus souvent peintes en teintes vibrantes – vert, jaune, bleu – et renforcent l’aspect dynamique des lieux.

Dans le séjour, le sol est couvert de dalles d’usine et présente un mur lambrissé en pin.
Dans le séjour, le sol est couvert de dalles d’usine et présente un mur lambrissé en pin. © Nicolas Schimp

Ouverte occasionnellement pour des visites guidées lors de festivals d’architecture, la maison est classée dans sa totalité comme monument depuis 2020. Une occasion de découvrir un morceau de notre patrimoine belge moderne si méconnu, et pourtant parmi les plus remarquables d’Europe.

En bref Georges Volckrick

Georges Volckrick naît en 1918 et meurt en 1987 à Bruxelles.

Il est diplômé de l’Institut d’Architecture Saint-Luc à Saint-Gilles en 1943, puis il y enseignera entre 1952 et 1983.

Il construit des maisons privées, souvent isolées et en dialogue avec leur environnement et aussi des bâtiments sociaux et publics: le couvent des Assomptionnistes à Louvain, des logements sociaux à Enghien, l’Institut national de recherche vétérinaire à Uccle, etc.

Il collabore souvent avec des artistes et des artisans comme Marthe Wéry et Jean-Pierre Ghysels.

En 1970, il crée le groupe OIKIA (Atelier d’Architecture et d’Environnement) avec l’architecte Richard Pirlot.

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