« Le cheveu bouclé n’est pas un cheveu malade »: rencontre avec La Petite Gaby, influenceuse star des cheveux texturés   

la petite gaby livre
Dans "Cheveux bouclés au naturel", La Petite Gaby démystifie l’entretien des cheveux bouclés en donnant des explications pour comprendre sa chevelure
Amélie Micoud Journaliste

Avec Cheveux bouclés au naturel, la créatrice de contenus La Petite Gaby livre un véritable guide de la boucle, entre science, histoire du cheveu, conseils et recettes DIY selon les spécificités de chaque chevelure et les situations de la vie quotidienne. Nous l’avons interrogée sur son travail et sa passion, et lui avons demandé quelques tips pour une routine curly facile.

Photographe depuis 2010, Gabrielle, aka La Petite Gaby, a commencé à parler cheveux sur YouTube en 2016, non sans humour voire sarcasme pour mieux démystifier, déconstruire et pointer du doigt certaines croyances ou pratiques problématiques autour du cheveu frisé.

En 2024, La Petite Gaby c’est 185.000 followers sur Insta, 300.000 sur YouTube, 80.000 sur TikTok, un blog, et aujourd’hui un livre. Cheveux bouclés au naturel, tout juste sorti chez Albin Michel, est une mine d’or d’informations, entre vulgarisation et déconstruction de tout ce qu’on pensait savoir sur les cheveux bouclés, et propositions de gestes et DIY adaptés à toutes les chevelures texturées.    

Qu’est-ce qui vous a poussée à défendre le cheveu texturé sur le web?

Quand j’ai commencé à passer au naturel, peu de personnes en parlaient sur les réseaux sociaux. A l’époque, côté francophone, il y avait juste « Les cheveux de Mini » sur YouTube. Elle parlait de l’entretien des cheveux raides, mais il n’y avait rien sur les cheveux texturés. J’ai donc appliqué ses conseils, mais je me suis vite heurtée à un problème de texture. J’ai passé un temps fou à essayer de modifier ma texture pour qu’elle corresponde aux normes de beauté, à lisser mes cheveux sans chaleur par exemple…

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Côté curly, le mouvement « nappyhair » (mouvement afro-américain né dans les années 2000 pour des cheveux crépus naturels , ndlr) est arrivé bien avant le mouvement qui démocratise les boucles. Donc je suivais surtout des afro-américaines présentes sur YouTube qui expliquaient comment elles entretenaient leur texture à elles, et leurs rituels d’entretien convenaient bien davantage à mes cheveux.

« On leur a appris que le cheveu bouclé est un cheveu malade qu’il faut absolument transformer »

Ce qui m’a poussée à me lancer d’abord sur YouTube, c’est les gens qui m’arrêtaient dans la rue pour me demander comment je faisais pour avoir d’aussi beaux cheveux. Quand je leur répondais « je fais du henné, je mets des poudres dans mes cheveux… », ils me regardaient d’un air ahuri et me conseillaient de faire une chaîne YouTube. Je me suis lancée et la sauce a pris.

Est-ce qu’on assiste vraiment à un grand retour de la boucle?

C’est certain! On estime qu’à peu près 65% de la population mondiale aurait un cheveu non lisse. Bien sûr, tout dépend des périodes de la vie, des bouleversements hormonaux et de son environnement. J’aime bien donner l’exemple de Koh-Lanta. Si vous suivez l’émission dans le temps, par effet de contraste, vous vous apercevrez qu’il y a plus de personnes avec des boucles ou des cheveux texturés.

Le Covid a aussi sans douté joué dans cette libération de la boucle. Beaucoup de personnes ont entamé une transition vers le naturel pendant les confinements, il n’y avait pas le regard des autres à gérer.

Côté soins et entretien aussi, depuis quelques années, on trouve dans le commerce davantage de produits pour ces types de cheveux ainsi qu’une démocratisation du savoir-faire, notamment grâce aux réseaux sociaux.

Dans votre livre, vous évoquez le problème de la formation des coiffeurs…

Des amies coiffeuses m’ont dit « on a bien vu le switch de tes cheveux depuis que t’es passée au naturel ». Quand je leur expliquais mes routines capillaires, je voyais bien qu’en fait, elles n’étaient pas formées aux cheveux frisés. Elles ne savaient pas styliser des boucles au naturel, sans produits chimiques ni méthodes agressives pour le cheveu. Parce que dans leur formation, on leur a appris que le cheveu bouclé est un cheveu malade qu’il faut absolument transformer, ça n’est pas une caricature mais une réalité.

« Il y a toujours cette idéalisation de la boucle parfaite »

C’est très discriminant, car pour avoir ces boucles ultra-travaillées, « autorisées » en terme de standards de beauté – comme on voit sur les photos des salons de coiffure – il faut une grosse part de manipulations capillaires, sans parler de l’entretien des cheveux crépus qui est carrément mis aux oubliettes.

Le cheveu, c’est politique?

Bien sûr, mais on aimerait bien que ça le soit un peu moins! Pouvoir simplement porter ses cheveux au naturel, sans message ni discours, notamment pour les personnes aux cheveux crépus.

En France, une loi contre les discriminations capillaires au travail, inspirée par le CROWN act aux Etats-Unis, vient d’être adoptée en mars 2024. Mais au-delà du combat des femmes racisées, on peut être il faut déconstruire l’idée que les blanches ne peuvent pas avoir les cheveux très frisés voire crépus! Quoiqu’il en soit, quand on parle du cheveu texturé, il est difficile de faire sans la dimension politique!

Et en terme de marketing? Vous dites que les mots ont une importance

Il est encore courant de lire « cheveux indisciplinés », « difficiles à dompter » ou « rebelles » sur les emballages des produits destinés aux cheveux frisés mais petit à petit, on progresse. Des marques sont déjà déconstruites, notamment celles destinées aux femmes noires ou métissées. Pour des marques un peu plus institutionnelles, l’évolution est un peu plus longue, notamment côté packaging, mais on observe un changement qui s’opère.

Côté projets, avez-vous envie d’étendre vos activités au skincare?

Ma passion reste le cheveu et j’adorerais avoir un salon de coiffure. Mais il faut que je passe un diplôme de coiffure où on va m’apprendre tous les trucs que je déconstruis depuis des années. Des coiffeurs s’autoforment grâce aux créateurs de contenus cheveux bouclés. Alors si je ne peux évidemment pas former sur la coupe, je peux former sur les gestes. Montrer ce qui est agréable en terme de ressenti sur les cheveux bouclés quand on les démêle, quand on les coiffe, quand on les coupe.

Récemment, j’ai testé un salon pour cheveux bouclés. On m’a tiré les cheveux pendant une demi-heure, c’était tout sauf agréable! Pourtant, rien que de mettre du démêlant pendant la coupe, ça aurait tout changé… L’expérience client aurait été meilleure et le rendu aussi.

Bien-sûr, sur les réseaux, j’ai préféré en rire, ça permet de relativiser, il n’y a pas mort d’homme. Et quand on regarde les déroulés de certains process, on se dit qu’il vaut mieux en rigoler.

Questionnaire routine curly pour femme pressée


3 gestes indispensables?

Tout dépend de la texture de chacun.e évidemment. Un cheveu frisé crépu ne nécessitera pas les mêmes gestes qu’un cheveu bouclé/ondulé. J’essaie de donner des conseils généraux mais il y a une disparité de textures énorme. L’emploi des produits dépend de chaque personne.


1. Le shampoing et l’après-shampoing. Presque toutes les personnes aux cheveux longs, lisses ou pas, ont au moins cette routine de base.

2. La méthode du bol. C’est une méthode archi rapide qui permet d’économiser du produit, du temps de soin et de séchage. Tu semi-rinces ton après-shampoing dans le bol, tu re-trempes tes cheveux, tu scrunches (presser et faire remonter ses cheveux vers le crâne, comme un accordéon, ndlr), tu re-trempes, tu re-scrunches…

3. Le plopping. Tu poses tes boucles délicatement dans une serviette, tu peux laisser sécher comme ça ou mettre tes crèmes, tes masques, attendre que ça infuse et absorbe les excès d’eau… Côté produits leave-in (crème sans rinçage, ndlr) et surtout de la gelée pour bien fixer les boucles) et là t’as une routine qui tient facile 4 jours.

3 produits indispensables?

  1. Le gel de lin, que ce soit pour démêler ou fixer. On peut y ajouter du sucre pour avoir un truc archi fixant. C’est le truc dont je ne me lasserai jamais de toute ma vie capillaire!

  2. Une bonne brosse, je ne peux pas vivre sans brosse.

  3. Une crème de coiffage ou un masque. Le masque, on peut l’utiliser en crème de coiffage ou en masque capillaire pour traiter et démêler.

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Que penser de ces huiles prêtes à l’emploi destinées aux cheveux qu’on trouve en rayon?

Le problème des huiles des grandes marques, c’est que la plupart du temps, elles sont « à base de » ou « enrichies » en huile d’argan, mais ce sont des huiles estérifiées. Ce n’est pas mauvais, pour un cheveu à très faible porosité c’est très bien, mais pour des cheveux comme les miens, très poreux, gourmands, c’est comme si je ne mettais rien dans mes cheveux ; l’huile ne va pas pénétrer la cuticule. Et s’ils s’étalent très facilement sur le cheveu, ces produits qu’on trouve dans le commerce ont un certain coût alors qu’en réalité, les huiles estérifiées sont peu chères.

Quelles huiles utiliser en DIY alors?

De mon côté, je propose des DIY d’huiles estérifiées pour vos bains d’huile, parfaits pour les petits budgets. La coco-caprylate s’étale très bien, et peut servir de base. Je la mélange avec de l’huile de brocolis, de piqui et d’avoine par exemple.

Pour protéger les cheveux du soleil, je recommande l’huile de framboise, qui a des propriétés anti-oxydantes. Vous pouvez la mélanger à une huile estérifiée pour en faire un sérum à appliquer sur vos cheveux. Attention, on ne sera pas sur un indice 50, donc on ne l’utilise pas en protection solaire, mais ce sérum aidera à protéger vos cheveux en vacances à un prix imbattable.

Pour les huiles en pré-poo (avant le shampoing), si vous voulez stimulez la pousse de vos cheveux, vous pouvez appliquer de l’huile de ricin, d’oignon, d’ail, avec de l’huile essentielle de menthe poivrée ou de tea-tree, idéal si cuir chevelu gras/pellicules. Si vous ne supportez pas les bains d’huile, je recommande un DIY aqueux à base d’eau et de caféine, ultra-hydratant pour les cuir chevelus avec tendance aux pellicules ou les cuirs chevelus secs.

Vous parlez beaucoup de brossage, pourtant c’est souvent problématique pour les cheveux frisés…

On a toutes des disparités! Comme j’ai beaucoup de masse capillaire, je me retrouve très facilement avec des noeuds. Et si je ne démêle pas, je finis avec des dreads et je suis bonne pour me couper les cheveux. Mais il y a des personnes qui ont juste besoin d’un peigne, d’autres de leurs doigts. Ce sont les meilleurs outils les doigts! Mais pour des cheveux très longs et frisés, c’est difficile de ne démêler qu’aux doigts. Un cheveu crépu, même s’il est court, pourra difficilement être démêlé sans brosse.

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Quid des cheveux ondulés, qui sont dans un entre-deux?

Le cheveu ondulé est largement mis de côté car ni bouclé ni vraiment lisse. Les seules solutions qu’on offre aux chevelures ondulées sont soit le brushing lissage brésilien, avec un plaquage bien lisse, soit la boucle archi rebondie qu’elles ne pourront jamais avoir car ce n’est pas leur texture naturelle. Moi je ne pourrai jamais retouver mes boucles d’antan, à moins que je ne connaisse un nouveau changement hormonal.

Et quand on veut « retrouver » ses boucles d’avant justement? Faut-il faire cette transition capillaire vers le naturel?

Le problème c’est qu’avec les changements hormonaux, il est possible qu’on n’ait plus jamais la même texture que 5, 10 ou 20 ans auparavant. On a souvent tendance à idéaliser des cheveux qu’on ne pourra pas retrouver. Personnellement, si je voulais retrouver mes boucles d’il y a 15 ans, ça serait compliqué ou alors il faudrait que je passe des heures à me trafiquer les cheveux pour récréer cette chevelure artificiellement.

Si votre cheveu a une texture moins rebondie qu’avant, il faut l’accepter et chercher à sublimer sa texture actuelle, et pas chercher absolument à la transformer drastiquement pour appartenir à une autre catégorie de boucle. Il y a toujours cette idéalisation de la boucle parfaite, celle qui fait la une des magazines. J’essaie de lutter un peu contre ça et de montrer que toutes les textures sont belles et que justement il y a des textures plus ou moins versatiles. Mon livre n’est pas là pour enfermer les gens dans d’autres cases!

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Vous évoquez la porosité du cheveu: existe-t-il un moyen de faire analyser ses cheveux pour connaître sa porosité?

Non, c’est surtout lié au ressenti. Si vous appliquez une huile pure, de coco par exemple, et que ça reste gras pendant trois jours, on va en déduire que vous avez une porosité plutôt faible et qu’il faudra éviter les bains d’huile. En revanche, si vous mettez du leave-in, de la gelée, une huile et qu’il ne se passe rien dans vos cheveux, alors on va déduire que vous avez une porosité forte. Cela va donc vraiment dépendre du ressenti selon les produits que vous appliquez sur vos cheveux.

En trois mots, pour les cheveux texturés, less is more?

Je dis toujours que le mieux est l’ennemi du bien. Mieux vaut une routine relativement simple, alors oui ça sera peut-être pas parfait, notamment sur la durée, mais si vous ça vous convient, que vous aimez vos cheveux, alors pas besoin de se prendre la tête… Au sens propre et figuré.

Cheveux bouclés au naturel, Éditions Albin Michel, 19,90 euros – 272 pages

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